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Blast de Manu Larcenet

20.08
2014

blastGras, énorme, Polza Mancini, 38 ans, sans domicile fixe, est placé en garde à vue pour ce qu’il a fait subir à une certaine Carole Oudinot. Deux flics sont chargés de le faire parler durant ces 48 heures, sur cela et sur tout le reste de son dossier. Ils vont surtout écouter toute son histoire, ou plutôt celle à partir du moment où son père meurt, quand il décide de tout quitter pour partir en « voyage », sans domicile fixe, faisant des mauvaises rencontres et vivant ces fameux blast grâce à l’alcool, aux stupéfiants ou aux médicaments, au cours desquels il voit des Moaï.

Blast est une bande dessinée incroyable. Tant du point de vue de l’histoire, d’une violence extrême, dont le twist final oblige le lecteur à reconsidérer son empathie pour le protagoniste, que du point de vue des dessins, de leur mise en page et du contraste avec les dessins d’enfants utilisés pour les « blast ». Ames sensibles s’abstenir, sinon à ne pas manquer.

 

LARCENET, Manu. – Blast : 1. Grasse Carcasse. – Dargaud, 2014. – 204 p. : ill. n.b. + coul..

LARCENET, Manu. – Blast : 2. L’apocalypse selon Saint Jacky. – Dargaud, 2014. – 204 p. : ill. n.b. + coul..

LARCENET, Manu. – Blast : 3. La tête la première. – Dargaud, 2014. – 204 p. : ill. n.b. + coul..

LARCENET, Manu. – Blast : 4. Pourvu que les bouddhistes se trompent. – Dargaud, 2014. – 204 p. : ill. n.b. + coul..

Le choix d’Ivana de Tito

22.02
2012

cop. Casterman

Lorsqu’Ivana apprend en 2008, comme tout le monde à la télé, l’arrestation de Radovan Karadzic, elle semble être avec sa grand-mère la seule à accuser le coup, alors que tous se réjouissent de ce parfum de page enfin tournée sur la guerre et ses atrocités. Au contraire, elle part en quête d’informations mystérieuses, dussent-elles être obtenues en faisant le ménage dans des locaux d’une association la nuit, après son travail. Quand enfin elle les trouve, elle prend des congés et rassemble ses économies et celles de sa grand-mère pour partir à Milan…

On connaissait de Tito sa série Tendre banlieue, le voici revenu à la bande dessinée adulte, abordant toujours un drame au coeur de son histoire, mais cette fois prenant corps dans l’Histoire. Même si les dessins de Tito sont peu attirants, l’intrigue, qui semble s’inspirer, en bien moins tragique, du Choix de Sophie de William Styron, se révèle à la fois captivante et poignante.

TITO. – Le choix d’Ivana. – Casterman, 2012. – 64 p. : ill. en coul. ; 32 cm. – EAN13 9782203041189 : 15 €.

La rivière noire ** d’Arnaldur Indridason (2011)

30.01
2011

Un samedi soir, dans un bar, un jeune homme choisit une jeune femme seule pour l’aborder, lui faire boire un ou deux verres dans lesquels il a versé des cachets de Rohypnol, plus connus sous le nom de drogue du violeur. Seulement, le lendemain matin, ce jeune homme prénommé Runolfur est retrouvé égorgé, gisant dans son sang, dans son appartement, et la jeune fille a disparu, ayant oublié sous le lit un châle dégageant une forte odeur de cuisine indienne…

Dès l’incipit, le lecteur est induit en erreur : la victime du meurtre auquel les premières pages l’avaient préparé n’est pas celle qu’il attendait. L’inspectrice Elinborg va donc enquêter sur la vie de ce jeune homme apparemment sans histoire, qui apparaît très rapidement davantage comme un criminel que comme une victime. Car les véritables victimes, ce sont ces femmes violées qui n’osent parler, détruites, et qui s’exaspèrent d’une justice mal faite.

Quand on lit un polar d’Arnaldur Indridason, il est difficile de le lâcher : cet auteur islandais sait toujours savamment mêler des considérations relevant du cercle privé – ici les relations tendues entre l’inspectrice et son fils adolescent, la lecture de son blog, les raisons de sa passion pour la cuisine – et celles évoquant des problèmes de société – ici la honte du viol, l’absence de vie privée dans les villages où tout se sait, et où on se tait. Un bon roman policier, mais on lui préfère tout de même deux de ses autres polars, La Femme en vert (2006) et L’Homme du lac (2008).

Du même auteur :

La Cité des jarres * (2005)

La Femme en vert ** (2006)

La Voix ** (2007)

L’Homme du lac *** (2008)

Hiver arctique ** (2009)

Hypothermie ** (2010)

INDRIDASON, Arnaldur. – La rivière noire / trad. de l’islandais par Eric Boury. – Métailié, 2011. – 299 p.. – (Métailié noir). – ISBN 978-2-86424-758-6 : 19 €.
Service de presse
Sortie : le 3 février

En chemin elle rencontre… ** (2009)

09.05
2010

Les artistes se mobilisent contre la violence faite aux femmes

En France, une femme meurt tous les deux jours et demi sous les coups de son conjoint, environ 70 000 adolescentes de dix à dix huit ans sont menacées d’être mariées de force, entre 55 000 et 65 000 fillettes ou femmes sont mutilées ou menacées de l’être.

Dans le monde, ce sont 5 000 femmes qui sont tuées, au nom de l’honneur, des centaines de milliers de femmes sont victimes de la traite en vue de la prostitution…

Pour que les femmes osent parler, pour briser le silence, pour une prise de conscience et de responsabilité, les artistes, femmes et hommes, se mobilisent pour la défense du droit humain. Avec Kris, Corbeyran, Masson, Lapière, Collignon, Lepage… et avec le soutien d’Amnesty International. (présentation de l’éditeur, qui parle d’elle-même)

Cet album collectif jette un regard critique sur ce vrai problème de société, relevant des droits de la femme les plus élémentaires. Chaque artiste choisit  ainsi son angle d’attaque pour dénoncer l’inadmissible et le silence qui l’entoure. Brutal, dérangeant, nécessaire à une véritable prise de conscience. 

A mettre en suggestion d’achat dans votre bibliothèque, et dans les salles d’attente du planning familial et toute autre association de défense des droits des femmes.

En chemin elle rencontre… Les artistes se mobilisent contre la violence faite aux femmes. Des ronds dans l’O éditions / AMNESTY INTER.PUBLICATIONS, 2009. 95 p. : ill; en coul.. . ISBN 978-2-917237-06-9
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L’empreinte de l’ange ** de Nancy Huston (1998)

28.07
2008

cop. Actes sud

Paris, mai 1957. Quand Raphaël Lepage, grand flûtiste, embauche comme bonne à tout faire Saffie, une jeune allemande au visage impassible, il sait déjà qu’il en est profondément épris. Un mois après, il l’a épousée. Cependant, mariée, puis mère, Saffie ne change pas d’attitude à son égard, comme détachée de la vie et du monde. Mais le jour où il l’envoie donner à réparer sa flûte chez un luthier, dès qu’elle pose ses grands yeux verts sur ce Juif hongrois prénommé Andras, elle se retrouve métamorphosée par un amour fou  et c’est à ce dernier qu’elle va ouvrir son coeur et confier son passé auquel elle survit avec difficulté. Quant au sien, Andras s’en souvient pour mieux comprendre les enjeux présents et s’engager aux côtés des Algériens…

« Saffie ne se sent-elle jamais coupable ? Comment fait-elle pour supporter cette duplicité, jour après jour, mois après mois ? C’est le même corps qu’elle donne à l’un et à l’autre homme ; n’y a-t-il jamais d’interférence dans sa tête ?
Non : pour la simple raison qu’elle est amoureuse d’Andras, alors qu’elle n’a jamais été amoureuse de Raphaël. » (p. 229-230).
« Lorsque deux amants ne disposent pour se parler que d’une langue à l’un et à l’autre étrangère, c’est… comment dire, c’est… ah non, si vous ne connaissez pas, je crains de ne pouvoir vous l’expliquer » (p. 230)

 

Ces deux passages, qui témoignent de l’intrusion du narrateur et la prise à témoin du lecteur dans l’histoire, reflètent à eux seuls l’atmosphère de cette bouleversante histoire d’amour, avec pour toile de fond les crimes de guerre, viols, meurtres et tortures, que ce soient ceux des soldats russes sur les allemandes restées seules ou ceux des soldats ou des policiers français sur les algériens. Un très beau roman.

Actes Sud, 1998. – 328 p.. – (Babel ; 431).

Les soleils des indépendances d’Ahmadou Kourouma

18.11
2005

Salimata est rongée par le pire des maux : elle ne connaît pas le bonheur d’être mère. Dès lors, sa vie est toute entière consacrée à la consultation de marabouts, des griots et des féticheurs, à l’administration de remèdes, aux dons aux plus pauvres qu’elle.  Or, c’est Fama, son mari, qui semble être stérile, mais c’est un homme, et un homme ne peut l’être, et c’est le digne descendant des Doumbouya. Comble du malheur pour cette femme : depuis son excision et le viol qui en a découlé, elle ne supporte d’être touchée que par un seul homme, Fama, qui, à la mort de son cousin, retourne à son village pour hériter de la charge de chef, prince malinké, dans ce climat d’insurrections…

Le reflet d’un monde qui nous est entièrement inconnu, saisi et appréhendé par A. Kourouma qui a su si bien rendre ses sons, ses mots, sa voix. Mais j’ai éprouvé des difficultés à entrer dans la chair de ces personnages, à me laisser émouvoir par ce récit…

KOUROUMA, Ahmadou. – Les soleils des indépendances. – Paris : éd. Du Seuil, 2001990. – 204 p. : couv. ill. en coul. ; 20*13 cm. – ISBN 2-02-012598-6.

La Cité des Jarres * d’Arnaldur Indridason (2005)

12.11
2005

Un vieil homme est retrouvé assassiné chez lui. Son meurtrier a laissé derrière lui un étrange message griffonné qui commence par rendre perplexe l’inspecteur Erlendur avant de l’inciter à suivre la piste d’une ancienne photo retrouvée coincée dans le bureau du défunt, celle de la tombe d’une enfant de quatre ans. Au fil de son enquête, Erlendur exhume et rassemble le puzzle de tragédies vieilles de quarante ans : la victime n’est plus celle que l’on croit, mais toutes celles qui ont pu croiser le chemin de ce vieillard amateur d’immondes films pornographiques…

Roman noir à l’atmosphère désenchantée obsédante, La Cité des Jarres transporte son lecteur sous le ciel gris d’un décor islandais, aux relents d’odeurs d’égoûts et de crimes impunis. Admirablement orchestré, ce roman d’investigation islandais fait osciller le lecteur entre les soucis personnels d’Erlendur en conflit avec sa fille droguée, la fugue énigmatique d’une jeune mariée, la souffrance de victimes de viols que la société sinon elles-mêmes culpabilise, ou encore celle de perdre un enfant. Un polar efficace, évoquant avec finesse des sujets sensibles que bien peu se risquent à traiter sans tomber dans le pathos.

INDRIDASON, Arnaldur. – La Cité des Jarres / trad. de l’islandais par Eric Boury. – Paris : Éd. Métailié, 2005. – 286 p. ; 22 cm. – (Bibliothèque nordique). – ISBN 2-86424-524-8 : 18 €.

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