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Venise ** à *** (juillet 2004 & mars 2010)

02.04
2010

Elle ne se visite pas, elle se contemple, elle se vit. A pied ou sur l’eau, tapie dans un silence trompeur, elle se laisse admirer, résistant aux assauts d’acqua alta et de touristes.

Bien entendu, on peut visiter ses innombrables musées,  souvent d’ailleurs installés dans de splendides palais, ses églises et basiliques, mais mieux vaut se perdre dans ses dédales le nez en l’air et s’éloigner dans ses quartiers moins touristiques que d’aller s’enfermer pour y contempler ses magnifiques tableaux et témoignages de son passé.

A Venise, à faire absolument :

- préférer l’avion et rejoindre la piazzeta par bateau, sans passer (superstition vénitienne) entre les deux colonnes du XIIe s., provenant de Constantinople et surmontées, l’une du lion ailé de Saint-Marc, l’autre de Saint-Théodore, premier patron de Venise.

- monter en haut du Campanile qui offre une vision «panoramique» de la ville du haut de cette haute tour de98 mètres qui faisait office à la fois de phare et de clocher, et qui, s’étant effondrée, a été reconstruite (accès à 6 euros en 2004) .

- la Place Saint-Marc **, le «coeur » de la cité que Napoléon appelait « le plus beau salon du monde » et qui fut tour à tour le siège des fêtes religieuses, des jeux et des évènements politiques de la république de Venise. Vue extérieure de la Basilique Saint Marc, du Palais des Doges, de la Torre dell’orolegio, du Campanile. Les pigeons ont déserté la place Saint-Marc, eux qui faisaient la joie des touristes, des venderus de graines et des microbes. Terminée la fiente de pigeon sur les monuments.

- le Palais des Doges ** : Grandiose, il fut le lieu de résidence du Doge mais aussi le siège du gouvernement, de la justice et de la police. Ce palais du plus pur style gothique, non meublé, mais aux vastes salles d’apparat richement décorées aux plafonds et aux murs,  avec de belles cheminées issues du maniérisme et des vitraux sphériques. Dans ce palais où tout le monde devait être invité, mais où l’on permettait aux gens fâchés de ne point se  croiser, on mulipliait les endroits d’où l’on pouvait apercevoir les allées et venues des autres. On accède ensuite aux prisons où Marco Polo et Casanova furent enfermés. Fin de la visite avec le célèbre Pont des soupirs appelé ainsi non par romantisme mais à cause des gémissements des condamnés à mort qui empruntaient ce fameux pont aprés avoir appris la sentence.

- les maisons vénitiennes dont on peut remarquer les cheminées apparentes, les rivets destinés à fixer les poutres à l’intérieur, les premiers étages d’apparat, les alignements verticaux des fenêtres et les terrasses perchées sur leur toit.

- le Pont de l’Academia (tout récent, datant de 1930) offre l’une des pus belles vues sur le Grand Canal et où les plus grands aquarellistes vénitiens comme Canaletto et Guardi ont peint leurs plus belles oeuvres.

- les quais du Zattere, le long du canal de la Giudecca, où les vénitiens VIVENT, viennent faire leur jogging, bronzer, pique-niquer, boire un Spritz ou manger des glaces.  C’est devenu davantage le quartier,  avec le Dorsuduro qui le jouxte, des Beaux-Arts (peinture vénitienne du XIVe au XVIIIe s. à la Galerie dell’Accademia

-cubisme, dadaïsme, surréalisme,… à la fondation Guggenheim – nouvelle collection privée d’art contemporain, de François Pinault au palais Grassi qui fait polémique)  et des antiquaires, plus que celui des entrepôts à sel et de régates.

- la vue extérieure de la Chiesa di Santa Maria della Salute (façade du 16e siècle),

- la façade de la Ca d’oro, le plus beau palais de style gothique vénitien (1440), qui doit son nom (maison d’or) aux feuilles d’or qui couvraient jadis sa façade, avec sa dentelle de pierre et ses loggias superposées, afin d’éblouir les passants du grand Canal, dans lequel elle se reflétait. Un spectacle particulièrement réussi au coucher du soleil.

- Le Grand Canal illuminé, à bord du vaporetto ligne 1, en passant sous le Rialto : attention : Venise n’est en aucun cas une ville nocturne. Elle se vide de ses âmes la nuit, comme fantomatique.

- un petit tour en gondole si les clichés ne vous effraient pas. Il vous en coûtera 80 euros pour un circuit proche du quartier Saint-Marc.

- Burano, principalement connue pour ses dentelles, cette petite île de pêcheurs offre avec ses façades colorées un spectacle populaire et plein de vie.

Marché aux poissons le matin, promenade dans les rues et visite de l’Eglise San Martino proche de l’une des meilleures Pasticceria (pâtisserie) de Burano ainsi que du Musée dei Merletto (de la dentelle).

Venise, c’est justement aussi un artisanat d’art

- vous irez visiter dans le Dorsoduro 3172, l’atelier de masques vénitiens Ca’macana, qui a conçu ceux du film de Kubrick, Eyes Wide Shut.


Venise, c’est aussi pour ceux qui veulent connaître son histoire :

- le Musée Correr *, dédié à l’histoire de Venise, au sein de l’aile Napoléon de la place Saint-Marc, achevée dans la moitié du 19e siècle, sous la domination autrichienne. Il nous transporte, au travers de ses tableaux notamment, dans l’histoire politique de Venise, celle de la navigation vénitienne
et au sein de la vie quotidienne vénitienne. Partout bien sûr on retrouve le lion ailé, symbole de Venise. On remarquera sur les plans de l’époque que le Rialto était bien le seul pont enjambant le Grand Canal, et que Venise était composée de petites îles rattachées entre elles.

- le quartier juif, délimité jadis par deux grilles, dont il ne reste plus que des gonds. A l’époque, c’était autant pour rassembler une communauté reconnue pour ses compétences endans le commerce et la banque, pouvant opérer des prêts, que pour se protéger. Sur la grande place, des policiers veillent. L’entrée des mosquées est payante. Les immeubles sont les seuls de Venise à comprendre autant d’étages.

- dans les environs la maison de Tintoret, dans le Canareggio.

- à proximité, remarquez les trois statues de Maures, mamelouks turcs.

- en allant à Murano ou à Burano vous apercevrez l’île Saint-Michel, île des morts depuis 1870, sur décision de Napoléon en 1807.


Venise, c’est aussi pour les amoureux de l’art :

- dans la continuité du musée Correr, et avec le même billet, on trouvera la Biblioteca nazionale Marciana, qui fut la plus importante bibliothèque de Venise et l’une des plus grandes d’Italie. Elle contient l’une des plus riches collections de manuscrits du monde. On ne voit pas un seul livre hélas au cours de son exploration : il ne reste plus qu’à admirer cette superbe pièce de style Renaissance, conçue par Sansevino, ses fresques et décorations.

- L’intérieur de la Basilique Saint Marc *: Edifiée au XI° siècle pour abriter le corps de Saint Marc que deux riches marchands vénitiens réussirent à subtiliser à Alexandrie. De style Byzantin, elle prend la forme d’une croix grecque et l’intérieur est entièrement revêtu de mosaïques inspirées elles aussi de byzance. En tout 4000m2 d’or et de verre mélangés, à la vénitienne au marbre avant de découvrir le «trésor» de la Basilique. La visite du rez-de-chaussée est gratuite, l’entrée à l’étage pour contempler la place est en revanche payante.

Traversez le canal en traghetto (gondole collective où l’on se tient debout)  devant le palazzo Gritti pour rejoindre le quartier de Dorsoduro (0,50 euro la traversée).


- L’église baroqueSanta Maria della Salute, dont l’extérieur attire plus l’oeil que son intérieur.

- la Casa Goldoni, maison natale de Goldoni, grand auteur de la commedia dell’arte et de comédies, souvent comparé à Molière. Depuis 1953 elle est devenue le siège de l’Institut d’études théâtrales. On y visite son rez-de-chaussée orné d’un puits et d’un escalier en pierre d’Istrie, deux salles à l’étage autour d’une pièce projetant une vidéo : l’une exposant un très joli théâtre de marionnettes d’époque, l’autre des objets et tableaux évoquant les scènes ayant inspiré les comédies de la commedia dell’arte.

- la Ca’rezzonico *, l’un des plus beaux palais vénitiens qui nous plonge dans la Veniseartistique et culturelle du XVIII° siècle. On y remarquera la salle de bal au sol fragile. Elle n’est presque plus meublée d’époque, et les tableaux y ont été ajoutés. Visite de 20 minutes à 3h30 selon l’intérêt pour les tableaux.

- la Ca d’Oro, le plus beau palais vénitien et son jardin, alors en cours de rénovation. Actuellement, une fois encore, sa façade que l’on peut admirer du grand Canal contentera la plupart, l’intérieur ayant été réhabilité pour abriter la Galleria Franchetti, collection de peinture et d’objets d’art du XVe au XVIIe s.

A manger et à boire !

A l’apéro : vous verrez tous les Vénitiens boire vers 18h un Spritz (2,50 euros) ou un Bellini, Prosecco (vin blanc pétillant) au jus de pêche.

Déjeuner ou dîner : adresse à retrouver sur la rue qui part de la gare et avant le premier pont à enjamber (l’un des rares menus touristiques à 13,50 euros qui propose une véritable cuisine vénitienne, avec un rapport qualité – prix correct). Exemple : premier plat = risotto aux crevettes, second plat = morue, sardines ou foies de veau avec polenta et crudités.

Dîner : Souvenir impérissable de deux dîners fameux, d’inspiration à la fois vénitienne et française (dont un risotto à la seiche et à la feuille d’or, un soufflé au chocolat accompagné d’un Maury) en  juillet 2004  du restaurant la Rivista, Dorsoduro 979/a, qui ne se dit pas gastronomique mais qui propose des mets et vins à la hauteur d’une adresse de luxe. Bien sûr les prix sont à la hauteur de ce plaisir gustatif.


Le soir : prendre un verre au café Florian (1720), place Saint-Marc, sur les traces des écrivains, des peintres et des plus grandes célébrités, si vous vous accordez ce luxe. Attention quand l’orchestre se met à jouer, c’est plus romantique, mais cela rallonge aussi considérablement il conto !

Où faire de beaux rêves

si votre bourse le permet, ne perdez pas votre temps à des allers-retours : logez dans Venise-même.

<Pour un voyage de noces, vous pouvez choisir le Palazzo Priuli, véritable palais près de la place Saint-Marc. Veillez cependant à ne pas prendre une chambre avec terrasse car on vous dirigera hors du palais.


Vos achats

- Les Marchés du Rialto et son célèbre Pont (construit de 1588 à 1592) : Centre financier et plaque tournante du commerce à Venise, le quartier du Rialto fut durant des siècles un gigantesque souk à ciel ouvert où l’on trouvait épices, soieries, pierres précieuses, café. Il demeure l’endroit le plus animé de Venise. La Pescheria, magnifique halle, constitue l’un des plus beaux marchés aux poissons d’Italie et autour les étals regorgent de fruits et légumes de la région.

- Le verre de Murano : Mesdames, ne partez pas sans un pendentif en verre de Murano (estampillé au verso). Suivant sa fabrication par la communauté chinoise qui envahit le marché ou sa fabrication à la main, vous paierez de 2 euros à plus d’une centaine d’euros. Une boutique à l’accueil très aimable, avec des produits d’un bon rapport qualité-prix : Altre il Vetro, calle del Capellier, S. Polo 1593.


Séjours en juillet 2004 et mars 2010

Documentaires et guides sur Venise lus :

SIMONIS, Daniel. Venise : le guide. LONELY PLANET, 05/2008. 292 p.. ISBN 978-2-84070-751-6.

Sollers, Philippe. Dictionnaire amoureux de Venise. PLON, 483 p.. ISBN 2-259-19719-1. Résumé : D’Accademia à Zattere, Philippe Sollers évoque Venise à travers sa passion et son expérience personnelle de la ville qu’il parcourt chaque année depuis sa jeunesse. Il insiste sur le côté sensuel et envoûtant de cette ville en perpétuelle mutation qui a su marier ses attraits culturels et naturels.

BEC, Christian. Histoire de Venise. PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE, 2002. 125 p. ; cartes, couv. ill. ; 18 cm. Que sais-je ?. Bibliogr. p. 125. ISBN 2-13-052836-8, ISSN 0768-0066. Résumé : Parmi toutes les cités du monde, Venise peut se vanter avec raison d’avoir la plus extraordinaire des biographies. Aujourd’hui, ce chef-d’oeuvre architectural est confronté aux menaces de la submersion, de la pollution et d’une forte chute démographique. Où se situe l’avenir de cette ville exceptionnelle ?

Fictions inspirées de Venise lus :

Ecrivains anglosaxons:
SHAKESPEARE, William. Le marchand de Venise. Comme il vous plaira. Beaucoup de bruit pour rien. Dans : Le marchand de Venise, 308 p. Montrouge cedex : GARNIER-FLAMMARION, 1964.
Ernest HEMINGWAY

Ecrivain allemand :
MANN, Thomas. La mort à Venise suivi de Tristan. FAYARD, 1971. 189 p. LIVRE DE POCHE. ISBN 2-253-00645-9 Résumé : Un vieil homme tombe amoureux d’un jeune garçon … Récit d’une passion folle et fatale qui saisit un écrivain d’âge mûr à l’apparition d’un gracieux adolescent d’une extraordinaire beauté. Dans « Tristan », le dilemme qui s’offre à l’héroïne est de tenter de vivre en étouffant ses dons d’artiste ou « mourir de musique ».

Ecrivain espagnol :

Mendoza, Eduardo. L’île enchantée **. SEUIL, 1993. 300 p.. Points (Paris). ISBN 978-2-02-037543-6, ISSN 0768-0481


Écrivains français :
BEAUSSANT, Philippe. Le rendez-vous de Venise *. Grasset, 2003. 196 p.. ISBN 2-213-60993-4. Descripteurs : Venise : Italie / Florence : Italie / amour / peinture / Rome : Italie.

BESSON, Philippe. Un garçon d’Italie. POCKET, 2009. 221 p.. ISBN 978-2-266-13606-8.

CASANOVA, Jacques (de Seingalt). Histoire de ma vie. PARIS : GALLIMARD, 2008. 375 p. FOLIO CLASSIQUE. ISBN 978-2-07-037760-2

Sollers, Philippe. La Fête à Venise. PARIS : GALLIMARD, 11/2008. 281 p. Folio. ISBN 978-2-07-038603-1.

Sollers, Philippe. Le Coeur Absolu. PARIS : GALLIMARD, 11/2002. 445 p. Folio. ISBN 2-07-038101-3.

Sollers, Philippe. Casanova l’admirable. PARIS CEDEX 07 : GALLIMARD, 2007. 338 p. Folio. ISBN 978-2-07-040891-7, ISSN 0768-0732.

GOLDONI, Carlo / GOZZI. Goldoni.

Mendoza, Eduardo. L’île enchantée. SEUIL, 1993. 300 p.Points (Paris). ISBN 978-2-02-037543-6, ISSN 0768-0481 Résumé : Fabregas décide de vivre son rêve. Sur un coup de tête, il fait sa valise, claque la porte de sa maison catalane et abandonne les siens. Peu à peu, ce qui aurait pu n’être qu’une escapade se transforme en errance dans une Venise décadente. Captivé par une jeune fille fuyante, Fabregas collectionne rencontres fortuites, événements insolites et situations cocasses…

MOURET, Jean-Noël. Le goût de Venise **. MERCURE DE FRANCE, 05/2009. . ISBN 978-2-7152-2303-5.

Bande dessinée :
PRATT, Hugo. Fable de Venise. Dans : Corto Maltese : Fable de Venise, 75 p. : ill. ; 22 *50 cm. STOCK, 1981.


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Le goût de Venise ** (2009)

28.03
2010

Copyright Mercure de France

« Venise est une ville si extraordinaire qu’il n’est pas possible de s’en former une juste idée sans l’avoir vue. Les cartes, les plans, les modèles, les descriptions ne suffisent pas, il faut la voir. Toutes les villes du monde se ressemblent plus ou moins : celle-ci ne ressemble à aucune ; chaque fois que je l’ai revue, après de longues absences, c’était une nouvelle surprise pour moi ; à mesure que mon âge avançait, que mes connaissances augmentaient, et que j’avais des comparaisons à faire, j’y découvrais des singularités nouvelles et de nouvelles beautés. » (Goldoni)

Voir, goûter et vivre Venise, c’est une petite initiation à la Sérénissime que nous propose ici Jean-Noël Mouret, au travers de textes littéraires célèbres ou frappants.

Tout à tour ce sont Carlo Goldoni, Ernest Hemingway, Paul Morand, Philippe Sollers, Hugo Pratt, Hippolyte Taine, Eduardo Mendoza, qui nous décrivent tel ou tel lieu de Venise, sa basilique, ses îles et sa lagune.

Son commerce, son artisanat, sa gastronomie, ne sont pas en reste puisque ses cafés, dont le Florian, ses tavernes, son marché aux poissons, son verre de Murano et sa dentelle de Burano y sont évoqués par Patrick Mauriès, Paul Morand, Henri de Régnier, Gabrielle Wittkop, James Hadley Chase et Mary McCarhy.
Enfin, Venise telle qu’elle est vécue ou fantasmée, avec ses gondoles, son carnaval, son libertinage, apparaît dans les textes de Thomas Mann, Marcel Proust, les auteurs de commedia dell’arte Carlo Gozzi et Carlo Goldoni, Lorenzo de Ponte, Patricia Highsmith, Mary Mc Carthy, James Hadley Chase, Eduardo Mendoza, Silvio Pellico, Lord Byron ou Philippe Sollers, qui y possède d’ailleurs un appartement dans le Zattere.

Tantôt perçue comme décadente, tantôt fantasmée comme la ville de l’amour, Venise a fait couler beaucoup d’encre. Cette anthologie de textes à la fois classiques et contemporains constitue une excellente mise en bouche pour déguster l’histoire de Venise et sa petite histoire.

Le goût de Venise / textes réunis et présentés par Jean-Noël Mouret. – Mercure de France, 2009. – 137 p.. – (Le petit Mercure. « Le goût de… »).
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Histoire de Venise * de Christian Bec (2005)

19.01
2010

Christian Bec retrace ici toute l’histoire de Venise. En voici une synthèse s’attardant sur quelques centres d’intérêt.

Née à l’époque romaine, VENISE émerge au sein d’une lagune, vaste étendue d’eau calme, peu profonde mais soumise aux aléas des marées. Elle a pour voisines plusieurs îles (Murano, Burano, Torcello,…) et un archipel (Rialto) d’une soixantaine d’îlots, à peine émergés, groupés autour du méandre d’un fleuve qui deviendra le Grand Canal. Peu accessible, si ce n’est en barque, elle bénéficie d’une relative sécurité.
Après des incendies, la reconstruction de la cité recourt souvent à la brique et à la pierre d’Istrie. De tout temps, le centre de la ville demeure le quartier Saint-Marc.

Architecture et urbanisme

La Basilique, reconstruite en 1063, mais sans être encore revêtue de marbre à l’extérieur, recueille les reliques de saint Marc, qui devient le patron de ce qui va être la Civitas Veneciarum, apportées vers le milieu du IXe siècle. C’est un bel exemple d’architecture byzantine (prise de Constantinople en 1204) : Venise proclame pendant des siècles sa double appartenance à l’Orient et à l’Occident, par le biais de son commerce maritime entre autres. Edifiée selon un plan en croix gecque à cinq coupoles et supportée par de grands piliers reliés par des arcs, elle est décorée demosaïques. Les gables gothiques qui ornent sa façade sont du XVe siècle.

Au XIVe siècle, le rapprochement avec l’occident permet à  l’art gothique de pénétrer dans Venise : cela donnera entre autres le palais des Dosges, reflet de l’art gothique vénitien, qui,  au contact de l’art byzantin devient le gothique fleuri, exubérance hyperbolique de motifs, de courbes et de lignes.
Demeure du chef de l’Etat et siège des principales magistratures,  le palais voit le jour à partir de 1340, plus modeste à l’origine, puis agrandi en 1422. A l’époque, les institutions originales qui gouvernent la cité paraissent idéales aux yeux de l’opinion locale et étrangère. Séparant l’Eglise de l’Etat, elles mêlent le pouvoir d’un seul (le doge), au comportement princier, à celui d’une élite (le Sénat) et de tous (le Grand Conseil, en fait un cercle très restreint de l’aristocratie marchande d’ancienne origine). Durant 500 ans cette Constitution va être conservée, autre raison d’admiration.

La Ca’d’oro, construite entre 1424 et 1434, constitue un bel exemple de palais privé du XVe siècle, mélange d’art roman et d’art gothique.

Elu doge en 1523, Andrea Gritti voudra faire de Venise une nouvelle Rome, en particulier le complexe politique et religieux de Saint-Marc. Aux différentes influences existantes s’ajoute alors un classicisme nouveau, comme celui de la piazza Saint-Marc. Fleurissent alors de somptueux palais et maisons (case) (rez-de-chaussée réservé au commerce et habitation à l’étage).

Histoire culturelle (quelques notes)

Pétrarque y séjourna durant 5 ans à partir de 1362.
La comédie y est introduite au début du XVIe siècle à Venise par les Compagnie della Calza
Constituent des points forts de la production littéraire vénitienne au XVIIe siècle : le roman, fruit d’une bonne dizaine d’auteurs, vénitiens ou non, publiés à Venise, et le théâtre, avec 17 théâtres publics. En 60 ans près de 400 pièces sont représentées : commedie dell’arte, tragédies et mélodrames.

Monteverdi y acquiert une renommée internationale, tout comme Venise fut l’une des capitales de la musique européenne avec Vivaldi, Albinoni, Benedetto Marcello, Galuppi et d’autres.

De nombreux écrivains, comme Casanova, homme aux moeurs libres, Goldoni, qui dépeint la vie du peuple, y séjournèrent. Plus tard ce seront Gautier et Chateaubriand qui descendront à l’Hôtel d’Europe, Sand, Musset, Louise Colet à l’Hôtel Daniel.

Dans tous les domaines artistiques – architecture, musique, peinture, littérature, théâtre -, Venise reste incontournable.

Histoire économique

Venise connaît un fort développement économique grâce à son commerce maritime, vers lequel se tournent très vite les habitants, au vu de l’insuffisance de leurs ressources. A partir de l’an mil et durant des siècles, marins, marchands et armateurs créent un vaste empire en Méditerranée. Mais, dès la découverte de l’Amérique, les trafics maritimes se déplacent lentement de la Méditerranée vers l’Atlantique. Peu à peu Venise décline économiquement, les banques font faillite, et politiquement,  perdant ses territoires à l’Orient.

L’économie se tourne alors vers l’industrie lainière et l’imprimerie. Au XVIe siècle la cité compte une cinquantaine d’éditeurs-imprimeurs. Chacun d’entre eux publie une vingtaine d’éditions et une dizaine en met plus de quarante sur le marché : soit trois fois plus que Florence, Milan et Rome réunies. Au XVIe siècle, Venise devient donc l’un des plus grands centres éditoriaux d’Europe.

En 1630-1631 la peste fauche plus de 46 000 Vénitiens…

Au 18e siècle Venise attire un tourisme culturel considérable. Avec ses cafés (dont le célèbre Florian), ses concerts, ses théâtres, ses maisons de jeu et de rendez-vous, ses fêtes (songez au carnaval), elle est la capitale européenne du plaisir.

Elle sera alors la Sérénissime, grand carrefour d’influences et de commerce européen.

Mais, en 1797, à raison de sa faiblesse et de l’incapacité de ses dirigeants, Venise tombe sous la coupe de Bonaparte, qui la cède 6 mois après à l’empire d’Autriche, pour la reprendre, etc. Elle passe ainsi de main en main étrangère jusqu’en 1866 (à part l’éphémère IIe République de 1848). Son tourisme, son industrie et son commerce s’écroulent, sa noblesse ruinée fuit, et sa vie culturelle décline. 

Rejoignant enfin l’Italie en 1866, Venise passe d’abord par une phase de dépression et, devenue provinciale, semblera incapable de retrouver son rang. En revanche, elle retrouve son rayonnement culturel, notamment avec ses Biennales à partir des années 30 dans les domaines de la musique, du cinéma et du théâtre.

A l’heure actuelle, Venise ploie sous les menaces de la submersion, de la destruction du patrimoine, de la pollution et d’une forte chute démographique (taux de natalité, migration de la population), et s’interroge sur son avenir : réside-t-il seulement dans la difficile conservation de son site et de ses chefs-d’œuvre ou bien dans une adaptation obligée aux exigences de la modernité ? Est-elle vouée à rester une cité-musée, avec la plus forte concentration de musées d’Italie, dont la fondation Peggy Guggenheim, ou va-t-elle s’ouvrir à la modernité, bien qu’aient été abandonnés des projets tels que ceux de Franck Loyd Whright, Le Corbusier ou Kahn ?

Telle est évidemment la question que l’on se pose, noyé dans la foule admirant cette ville-musée, mais presque stéréotypée, dont ne se réjouissent que les  commerçants exclusivement tournés vers le tourisme de masse, et les gondoliers, et n’y voyant quasiment plus les signes d’une vie quotidienne moderne possible.

Un petit Que sais-je comme toujours bienvenu pour appréhender l’histoire de cette ville extraordinaire, plus rêvée et fantasmée qu’ancrée dans la réalité.

BEC, Christian. – Histoire de Venise. – Paris : PUF, 2005. – 125 p.. – (Que sais-je). – 978-2130528364 : 9 euros.

L’île enchantée ** d’Eduardo Mendoza (Espagne, 1989)

20.09
2005

La Isla inaudita (1989)

« Une gondole les déposa au pied d’un escalier raide aux marches recouvertes d’une mousse veloutée qui le rendait très glissant. Du mur latéral pendait un anneau, bruni par la rouille. L’endroit, situé dans la courbe d’un canal étroit où les rayons de soleil ne pénétraient jamais, avait quelque chose de lugubre. L’eau était couleur de plomb et sentait le mollusque mort, le poisson et le goudron. » (p. 98)

Divorcé avec un enfant, à la tête d’une entreprise sur le bord de la faillite, Fabregas choisit de prendre la poudre d’escampette, histoire de changer d’air. Après une escale à Paris il finit par atterrir à Venise. Cette escapade se transforme bientôt en un séjour prolongé de semaines en mois, lorsqu’il fait la connaissance d’une jeune fille mystérieuse, demeurant dans un palais délabré…

Eduardo Mendoza nous relate moins ici une intrigue qu’il ne nous livre sa vision d’une ville envoûtante. Du coup ses personnages sont comme gagnés par cette indolence maladive de cette ville silencieuse ou par la réputation sulfureuse de ce lieu de libertinage. Anecdotes, histoires et mythes sur Venise émaillent ainsi son récit.  Mais à ces ingrédients authentiques qui nous permettent de mieux appréhender l’Histoire de Venise et sa petite histoire, il ajoute aussi sa popre vision  d’une cité tantôt dangereuse tantôt décadente, contribuant par là à donner de la Sérénissime une image plus fantasmée et inquiétante que réelle.

Mendoza, Eduardo. L’île enchantée. SEUIL, 1993. 300 p.. Points (Paris). ISBN 978-2-02-037543-6, ISSN 0768-0481
emprunté au C.D.I.