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Le tango du disparu * d’Annie Goetzinger & Pierre Christin (1988)

17.11
2008

A Buenos Aires, par un soir de grand vent, un inconnu attire l’attention de l’assistance en jouant Recuerdo dans une milonga, une boîte à tango. Un orchestre bientôt est formé de musiciens et d’un chanteur issus d’horizons différents et promis à un avenir peu rose, morose, on le sait déjà. Enrique Pracanico, joueur légendaire de bandonéon, rencontre Arnaldo Bähler, issu d’une prestigieuse famille militaire, qui va lui écrire des textes, avant de devenir « El Maestro », l’un des penseurs de l’Alianza Anticommunista Argentina, et surtout sa femme, dont il fera sa maîtresse, la sublime Elba Eva…

A l’image du tango, ce roman graphique exhale toute la nostalgie d’un temps révolu, celui du sang et de la passion, celui de l’amour et de la douleur, celui d’un bonheur trop fragile et de l’injustice. Envoûtant, il respire le parfum de la tragédie dès ses premières notes, laquelle adviendra, incontournable. Bel hommage donc que cette singulière  biographie, noire aux dessins gris, de ce bandonéoniste mort sous la dictature.

Cet ouvrage a été publié en 1988 chez Flammarion.

GOETZINGER, Annie, CHRISTIN, Pierre. - Le tango du disparu. – Métailié, 2008. – 154 p. : couv. ill. en coul. + ill. en n.b. – (Hors coll.). – ISBN 978-2-86424-668-8 : 18 €.

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Jocaste de Brian Aldiss

14.04
2006

cop. Métailié

Traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par Catherine de Léobardy

Œdipe règne sur Thèbes, entouré de la Sphinge, enceinte, qu’il retient prisonnière, de ses deux fils et deux filles, Antigone étant sa préférée, et de leur mère Jocaste, dont la grand-mère Sémélé, vieille sorcière, chasse les harpies, avec pour animal de compagnie un griffon. Mais Thèbes vit sous le poids d’une malédiction. Les Dieux semblent attendre l’expiation d’un péché, d’un crime : Oedipe lance alors un appel pour retrouver et punir le meurtrier de son prédécesseur, le roi Laïos, dont il a épousé la séduisante femme, Jocaste. Cette dernière l’a pourtant supplié de n’en rien faire, perturbée par les prédictions de Sophocle lui-même, rencontré dans une autre dimension, puis du devin Tiresias. Que cache Jocaste à son époux ? Qui est vraiment Œdipe ?

Brian Aldiss propose ici sa version romanesque de la tragédie d’
Œdipe, fils de roi ayant, sans le savoir, assassiné son véritable père et épousé sa mère, devenant doublement coupable de parricide et d’inceste. Il offre cette fois à Jocaste le premier rôle, celui de la mère et épouse qui sait tout mais ne lui avouera jamais rien, et donc la véritable responsable de sa tragédie.

J’avoue avoir failli reposer ce roman au bout des vingt premières pages : Brian Aldiss semblait au début vouloir revisiter le mythe d’Œdipe de façon déconcertante, avec tout un bestiaire mythologique proche de l’héroïc-fantasy et avec d’innombrables anecdotes salaces. Puis le récit prend forme, et, une première intrusion de Sophocle dans la narration nous surprend et perturbe Jocaste, à qui il affirme qu’elle n’est qu’un personnage secondaire dans cette tragédie grecque qu’il a écrite pour mettre en exergue l’inéluctabilité du destin et de la fatalité. D’autres incursions suivront, dont celle, finale, de ce jeune Karimov prêt à être exécuté pour avoir osé présenter à son Président Œdipe roi et Antigone, qui apparaîtra à son tour aux yeux de la jeune femme prête à enterrer son frère, encourant la mort, préférant accomplir son devoir moral que respecter la loi d’un seul homme, fusse-t-il Roi de Thèbes.

Une version troublante, dont la violence et la sexualité incestueuse à peine contenue mettent le lecteur plus mal à l’aise que dans la tragédie de Sophocle.

 

ALDISS, Brian. – Jocaste. – Métailié, mars 2006. – 213 p.. – (Bibliothèque anglo-saxonne). – ISBN : 2-86424-575-2 : 17 €.