Mots-clefs ‘théâtre’

Poétique d’Aristote

20.01
2014

Pour Aristote, tous les arts tendent à l’imitation par le rythme, le langage et la mélodie des CARACTERES (vice ou vertu faisant la différence entre les caractères, entendus comme personnages), des EMOTIONS et des ACTIONS. Avant de se pencher sur l’épopée et tout particulièrement celle d’Homère, il s’intéresse tout particulièrement à la tragédie, dont il analyse les 6 composantes : l’histoire, qui s’entend comme agencement des faits accomplis, imitation d’une action (acte et parole), les caractères (les auteurs conçoivent les caractères au travers des actions), l’expression, la pensée, soit toutes les paroles que les caractères prononcent pour faire une démonstration ou énoncer une maxime, le spectacle et le chant. Partant du constat que ce qui séduit le plus dans les tragédies, ce sont les péripéties et les reconnaissances, il préfère les événements qui suscitent crainte et pitié surtout quand se déroulent contre toute attente, et analyse les différentes possibilités de reconnaissances. Pour être belle, l’histoire doit être simple, et que le retournement se fasse du bonheur vers le malheur causé par une erreur grave du personnage, qui sera bon plutôt que mauvais.

Rédigé aux alentours de – 335 avant JC, premier ouvrage connu dans l’Histoire consacré à la dramaturgie, la Poétique d’Aristote, à la suite du livre X de la République de Platon, présente l’art comme mimesis, comme imitation, mais contrairement à lui en fait l’éloge en tant que source de plaisir esthétique. Il y expose les principes dramaturgiques de la tragédie, mais pas de la comédie, second tome hypothétique qui fera l’objet du roman Le Nom de la Rose d’Umberto Eco (1980).

Littérature : textes théoriques et critiques

05.10
2012

 

cop. Nathan université

 

100 textes d’écrivains et de critiques classés et commentés par Nadine TOURSEL et Jacques VASSEVIERE, agrégés de lettres modernes.

C’est la rentrée pour les étudiants : l’occasion de vous présenter un ouvrage qui m’a été très utile lors de la préparation d’examen en lettres, il y a plus d’une quinzaine d’années.

Clair et concis, Littérature : textes théoriques et critiques classe en effet en huit parties les textes indispensables à la résolution des grandes problématiques qui se posent sur l’oeuvre littéraire :

- Qu’est-ce qu’un oeuvre littéraire ? : spécificité du texte littéraire, les critères de qualité, l’oeuvre et le réel.
- L’expérience de l’écrivain : la création littéraire, l’écriture et ce qui s’y joue, l’homme et l’oeuvre.
- L’oeuvre et ses lecteurs : qu’est-ce que lire ?, l’oeuvre et son public, le destin de l’oeuvre. Qu’est-ce qu’un classique ?
- Structures du récit : modes du récit, temps et espace, le personnage, la description.
- Le roman : le roman en procès, roman et réel : le réalisme en question, roman et récit, roman et personnage.
- La poésie : le langage poétique, la création poétique, lire un poème, fonction de la poésie.
- Le théâtre : la communication théâtrale, la mise en scène, les fonctions du théâtre.
- Fonctions de la littérature : littérature et morale, littérature et politique : la question de l’engagement, littérature et culture.

Une introduction ouvre chacune des parties de ces différentes problématiques, suivie d’une présentation claire et synthétique de trois à cinq textes de théoriciens, d’universitaires ou d’écrivains. De quoi donner une vision d’ensemble des oeuvres indispensables à la compréhension du questionnement posé, et surtout de donner envie de les lire !

Un ouvrage de référence pour les étudiants en lettres.

Le mardi où Morty est mort de Rasmus Lindberg

12.02
2012

 

La fuite du temps, la récurrence des paroles et gestes quotidiens, la maladie, la mort, autant de thèmes qui atteignent de plein fouet le lecteur/spectateur dès les premières répliques, lorsque le grand-père vient à mourir :

« Le grand-père. – Là, c’est le matin. Là, c’est le soir. Là, c’est le matin. Là, c’est le soir. Là, c’est le matin. Là, c’est le soir. Là, c’est le matin ! Là, c’est le soir. Là, c’est… le matin. Là, c’est le soir.

Edith.- Mm. Ca c’est un bon café.

Le grand-père. – Là, c’est le matin. Là, c’est le soir. Là, c’est le matin. Là, c’est le soir. Là, une semaine s’est écoulée. Là, encore une. Là, c’est le mois de mai. Là, c’est le mois de novembre. Là, c’est Noël. Là, c’est le printemps. Là, je viens d’avoir un enfant. Et là, c’est de nouveau Noël. Là, c’est l’été. Là, c’est encore Noël. Là, c’est le matin. Là, c’est le soir. Trois ans plus tard.

Edith.- Mm. Ca c’est un bon café. » (Incipit)

 

Grand-père Johan meurt quelques lignes plus loin. Amanda, sa petite fille, remarque sur la joue de sa grand-mère, Edith, devenue veuve, un kyste, et finit par oser le lui dire, alors que le moment ne semble pas être opportun pour elle pour le lui faire remarquer. D’ailleurs, après analyse du médecin Herbert, ce kyste est le signe d’une mort imminente. Edith n’a donc pas le temps de pleurer son mari qu’elle se retrouve sans plus de passé ni d’avenir. Amanda, elle, est pleine de vie : elle est amoureuse d’Herbert qui cherche son chien Morty, qui vient de s’enfuir…

Cette pièce, jouée par quatre à six personnages et un chien, aborde des thèmes existentialistes de façon particulièrement décalée. Pour trancher dans le vif, Rasmus Lindberg use de raccourcis chronologiques et de monologues qui peuvent paraître complètement absurdes. Les frontières entre le réel et l’anormal s’abolissent, et les personnages, en quête d’un sens à donner à leur vie, semblent adopter une logique qui leur est propre. Une comédie existentialiste à l’humour noir corrosif.

 

Le mardi où Morty est mort : théâtre / Rasmus Lindberg ; traduit du suédois par Marianne Ségol-Samoy et Karin Serres. – Saint-Gély-du-Fesc : Éd. Espace 34, 2011. – 42 p. ; 21 cm. – (Théâtre contemporain en traduction). – EAN 9782847050769 : 10 euros. -

Polina ** à *** de Bastien Vivès (2011)

13.07
2011

 

copyright KSTR

En danse classique, la sélection est sévère, l’apprentissage pire encore, surtout lorsqu’on a comme professeur Monsieur Bojinski. C’est ce dernier qui repère très vite Polina, à l’âge de 6 ans, jusqu’au jour où il lui propose un solo qu’il a composé. Mais Polina est en âge d’aimer et de choisir sa voie…

Après Le Goût du chlore* et Dans mes yeux**, le talent de Bastien Vivès se confirme ici : le dessin en noir et blanc s’avère tout en délicatesse et suggestion, tandis que le scénario, digne d’un excellent roman d’apprentissage, nous révèle le destin d’une danseuse professionnelle, d’abord sculptée par la danse classique, puis s’éveillant à la danse moderne et contemporaine, pour enfin trouver la célébrité dans une troisième voie… Il nous livre une héroïne d’abord pleine de doutes et d’angoisses, qui va s’affirmer tout au long du récit, jusqu’à préférer son indépendance hors des sentiers battus, sans oublier ceux pour qui elle aura compté.

Un grand moment d’émotion.

Vous pouvez voir la présentation faite par Bastien Vivès de Polina (Mediapart).

Polina / scénario & dessin, Bastien Vivès. - [Paris]  : KSTR , impr. 2011.- 206 p.  : ill., couv. ill.  ; 28 cm. - ISBN 978-2-20302613-1 : 18 €.

Les Inrockuptibles ** (1986-)

24.03
2011

copyright Les Inrockuptibles

Parce que la lecture, c’est aussi lire la presse :

Un magazine d’actualité culturelle !

Pour la petite histoire

A l’origine, Les Inrockuptibles, hebdomadaire culturel, était un magazine trimestriel français consacré au rock, d’où son titre, mot-valise, contrepèterie inspirée du fameux film Les Incorruptibles. Peu à peu d’autres rubriques culturelles ont fait leur entrée, comme la littérature et le cinéma, quelques brèves aussi. En mars 1992, la revue devient mensuelle, et en 1995, hebdomadaire. Désormais le magazine se veut généraliste, et accompagne régulièrement ses numéros de compilations sous forme de CD.

Les Inrocks aujourd’hui

Changeant plusieurs fois de formules, le magazine se dit toujours généraliste culturel.

Qu’en est-il ?

Sur 122 pages en couleurs de ce magazine dont d’aucuns regrettent le côté branchouille parisien, on compte en moyenne désormais

  • 39 pages consacrées à l’actualité, soit près d’un tiers de la revue, avec un point de vue divers gauches,
  • une rubrique magazine donnant un coup de projecteur sur une actualité culturelle un peu brûlante,
  • un best-of en dernière page de tout ce qu’il faudrait aller voir, lire ou écouter en ce moment,
  • et 24 pages de publicité, généralement culturelles, en accord avec les rubriques concernées.

Toujours plus d’actualités, de décryptage de look, de buzz,… plus les années passent, et les directeurs de la rédaction changent, plus le magazine perd de sa pertinence : l’actualité culturelle passe bien après, au sens propre comme au figuré, l’actualité politique tout court, « infos » peu fouillées que l’on peut lire par ailleurs dans les quotidiens et hebdos, lesquels proposent des articles de fond. C’est bien dommage car il n’y a pas énormément de presse culturelle digne de ce nom par ailleurs.

Je prise peu en outre certains choix bien marqués des Inrocks, péremptoires, ses chouchous qu’il porte à bouts de bras, de la « jet-set intello culturelle » du tout-Paris, fréquemment : Michel Houellebecq, Frédéric Beigbeder en littérature, la Palme d’or Oncle Boonmee, le groupe Revolver, les Versaillais qui ont déjà la grosse tête, et les groupes anglo-saxons plutôt que les groupes français (d’où le quiproquo créé par le groupe Cheveu), les critiques ayant été pris dans leur propre piège…

N’empêche que je le feuillette chaque semaine, glanant ici et là quelques idées, intéressée par les sorties ciné, un article sur Céline et les pamphlets, un autre sur The King of Limbs, le nouveau Radiohead, vendu en téléchargement, testant un nouveau modèle économique et vexant la critique musicale logée à la même enseigne que n’importe quel internaute pour le juger,… mais d’année en année l’intérêt va s’amenuisant : ne subsiste que l’attrait des compilations de CD accompagnant régulièrement le magazine.

Sortant chaque mardi, ce mensuel est disponible en kiosque (2,50 euros) et sur abonnement. Vous pouvez retrouver le magazine en ligne sur www.lesinrocks.com.

Roberto Zucco * de Bernard-Marie Koltès (1988)

13.02
2011

Copyright éditions de Minuit

Les prisonniers n’ont jamais compris que pour s’évader, il fallait passer par le toit et non essayer de franchir les murs, songe Roberto Succo, arrêté pour le meurtre de son père, et tuant sa mère à son évasion. Sur son chemin, il viole aussi une « gamine » qui n’aura de cesse de le retrouver, éprise de cet « agent secret » l’ayant arraché à sa famille, recherché pour le meurtre d’un inspecteur de police. Et de trois. Quelle sera la prochaine victime de ce tueur en série ?…

Cette pièce, parce qu’inspirée de faits réels, fit scandale à l’époque. En effet Roberto Zucco fut bel et bien un tueur en série qui terrorisa la Savoir en 1987 et 1988. Ce fut aussi le dernier texte de Koltès avant sa mort. Rien de tel pour élever cette pièce en symbole, où l’on ne peut ni se positionner en juge ni en victime.

Les relations entre les différents personnages, de la bourgeoise frustrée à la patronne d’un bordel, du frère avec sa soeur au tueur avec sa mère, se révèlent toutes d’une violence et d’un égoïsme rares. Seul Roberto Zucco reste impassible, incapable semble-t-il du moindre sentiment. Qui est-il ? Qui sont tous ces gens qu’il croise, que veulent-ils ? Pour cet assassin, tout semble relever du « nonsense », de même qu’il ne semble pas « être au monde » mais en dehors des rapports humains habituels. Transparent, il aimerait être transparent, pour glisser inaperçu dans la vie, mais il semble animé par le Mal, et agit par impulsion, en conséquence. En mettant en scène la mort et le meurtre, c’est-à-dire l’absence de valeur accordée à la vie, Bernard-Marie Koltès n’est pas loin ici des aphorismes de Cioran ni du théâtre de l’absurde.

Tabataba, la pièce qui suit, est un huis clos entre un frère et une soeur qui lui reproche de ne pas se faire beau et de sortir flirter avec sa bande de copains, au lieu de lui faire honte et d’astiquer sa moto. Koltès dénonce-t-il par ce biais une discrimination sexuelle dans laquelle se conforte la grande soeur, ne vivant que par le biais de son petit frère, n’ayant pour tout honneur que la belle figure et les beaux habits repassés de ce dernier ?

Coco, enfin, encore un huis clos, oppose la célèbre Coco Chanel, mourante, à sa domestique, Consuelo, la bouche peinturlurée de rouge à lèvres. Le rapport s’inverse : la dominée répond vertement à la classe dominante et lui dit ses quatre vérités, pour finalement s’entendre dire qu’elle a bien raison de toujours s’habiller de la même couleur…

Dans le théâtre de Bernard-Marie Koltès, les relations entre les personnages sont plus que tendues : elles engagent un conflit. Car pour pouvoir être, il faut soit être-pour-autrui, soit pouvoir s’arracher à autrui. D’où l’existence simultanée d’un conflit entre fils et parent, entre coupable et loi, entre frère et soeur, entre maîtresse et domestique, et d’un conflit intérieur… ou de sa fin.

Le balèze : « A quoi tu réfléchis, petit ?

Zucco : Je songe à l’immortalité du crabe, de la limace et du hanneton.

Le balèze : Tu sais, je n’aime pas me battre, moi. Mais tu m’as tellement cherché, petit, que l’on ne peut pas encaisser sans rien dire. Pourquoi as-tu tellement cherché la bagarre ? On dirait que tu veux mourir.

Zucco : Je ne veux pas mourir. Je vais mourir. » (p. 49)


Objet singulier à lire.


Roberto Zucco ; (suivi de) Tabataba / Bernard-Marie Koltès. – Paris : Éd. de Minuit, 1990. – 125 p. ; 18 cm. - ISBN 2-7073-1297-5 (br.) : 49 F.

Le candidat * de Gustave Flaubert (1874)

31.03
2007

Bourgeois dans une petite ville de province, Rousselin attire les amitiés intéressées, noble désargenté, directeur du journal local et autres commerçants. Ces derniers finissent par l’inciter à être candidat à la prochaine élection. La fonction le grise, peu importe qui il est censé représenter, l’important est d’être élu. Il est alors prêt pour cela à changer d’étiquette électorale autant qu’il le faudra, à promettre tout et n’importe quoi, même à vendre sa fille au plus offrant en voix et en fortune, pourvu qu’il soit élu député. ..

Double effet de surprise : la première, après avoir lu ce titre au coeur de l’actualité, Le candidat, associé au nom de Gustave Flaubert ; la seconde, en regardant à deux fois le nom de Flaubert et en se demandant s’il ne s’agirait pas d’un homonyme, car on ne le savait pas auteur de théâtre. Mais il s’agit bien de Gustave Flaubert, l’auteur de Madame Bovary, qui s’est essayé à une pièce du vaudeville, délaissant un peu son épreuve du gueuloir pour épingler avec cynisme les basses manoeuvres mises en branle par le suffrage universel. Cette satire en quatre actes n’a hélas rien perdu de son actualité dans sa critique des promesses électorales et des tractations politiques !

Vous trouverez la critique écrite par Villiers-de-l’Isle-Adam (rien que cela) à la fin de la comédie et ici, et ici Flaubert parlant du Candidat dans sa correspondance.

FLAUBERT, Gustave. – Le candidat. – Marseille : Le Mot et le Reste, 2007. – 125 p.. – (Attitudes). – ISBN : 978-2-915378-36-8 : 13 €..
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