J’ai eu le plaisir en décembre dernier de faire l’interview de Stanislas Gros, auteur des bandes dessinées Le Dernier jour d’un condamné, Le Portrait de Dorian Gray et La Nuit, autour d’un café dans son QG, la brasserie face à la cathédrale d’Orléans. Voici le compte-rendu de notre entretien en plusieurs parties. Ici la dernière :
As-tu des thématiques fortes qui te tiennent à cœur ?
Les rapports de classe, la bourgeoisie très riche d’un côté et les pauvres de l’autre. A part Le Dernier jour d’un condamné où Hugo prend parti très discrètement pour les bourgeois, sinon dans Le Portrait de Dorian Gray, j’ai ajouté ce thème. J’ai beaucoup utilisé dans Le Dandy illustré l’idée de se distinguer du vulgaire, d’avoir l’air plus raffiné que les autres, alors que ce sont des notions complètement fluctuantes. C’est lié à un comportement de classe.
Un autre thème me tient particulièrement à cœur, sans avoir encore eu l’occasion d’être développé jusqu’à présent : c’est le féminisme. A la fin du Portrait de Dorian Gray, j’ai donné par exemple le beau rôle à Lady Monmouth, capable de faire taire un philosophe approximatif. C’est une amie américaine qui m’a dit que j’avais fait quelque chose de féministe. A partir de là, j’ai eu une vraie prise de conscience. Cela remet beaucoup en cause. C’est une façon différente de penser la société, les rapports homme-femme, la virilité. Et j’essaie de ne plus laisser passer quelque chose de sexiste. J’ai voulu faire ça avec La Nuit. J’ai aussi essayé de contacter des scénaristes femmes, par exemple (…). C’est probablement le sujet qui va le plus revenir et qui me force le plus à réfléchir quand j’écris une histoire.
Est-ce difficile de vivre de son art lorsqu’on est dessinateur ? Dans quels autres domaines exerces-tu ton art ?
Oui, c’est difficile. Après, je me contente de peu. Les choses m’arrivent toujours un peu par hasard, cela s’enchaîne. Vu mon incapacité à me vendre, j’ai vraiment beaucoup de chance. Des auteurs m’ont encouragé et m’ont directement mis en relation avec les éditeurs. Il y a aussi ces dessins que je faisais pendant les concerts, on m’a proposé de les exposer, et j’en ai vendus. De même ensuite avec mes aquarelles. Ou des gens me demandent des illustrations.
Dans quel sens penses-tu que les codes de la bande dessinée peuvent éclater avec le support numérique ?
Pour l’instant, cela ne bouge pas vraiment, à part le blog de Boulet, même si son blog ressemble à des pages de BD. Cela n’a pas encore d’influence sur la BD. Sinon il y a Turbomedia, où des supports numériques permettent en cliquant de passer d’une case à la suivante. Mais cela n’est pas révolutionnaire non plus. De la même façon, Schuiten avec La Douce propose un gadget interactif sur Internet, mais cela ne change rien à la bande dessinée elle-même. Ces BD pourraient exister sans Internet, cela ajoute un truc, mais pas grand-chose au final. A la fin, on a un album avec des pages qu’on tourne, et une mise en page ordinaire en gaufrier.
Stanislas Gros travaille actuellement sur deux projets, chacun mettant en scène un artiste célèbre français sans pour autant qu’il s’agisse tout à fait de biopics. Les contrats n’étant à cette heure pas encore signés avec les éditeurs intéressés, nous n’en dirons pas davantage… A suivre donc.
BIBLIOGRAPHIE
1) Le dernier jour d’un condamné de Victor Hugo / coul. de Marie Galopin. - [Paris] : Delcourt , 2007 .- 47 p. : ill. en coul., couv. ill. en coul. ; 30 cm .- (Ex-libris). – ISBN 978-2-7560-0533-1 (rel.) : 9,80 €.
2) Le portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde / coul. de Laurence Lacroix. – Delcourt, 2008. – 63 p.. – (Ex Libris). – ISBN 978-2-7560-1120-2.
3) La nuit. - Paris : Gallimard , 2011. – 92 p. : ill. en coul. ; 25 cm . - (Bayou). - ISBN 978-2-07-062954-1 : 16 €.
SUR INTERNET
son blog : http://stanislasgros.blogspot.fr/
son site : http://www.stanislasgros.com/
et sa page Facebook