
cop. Gallimard
A l’occasion de funérailles, Claire retourne dans sa ville natale, en Normandie, y croise son ancien professeur de piano et son premier amour, devenu maire, et finit par tout quitter Versailles, son métier de traductrice, pour s’installer dans sa ferme abandonnée, de la même manière qu’elle a quitté il y a bien des années de cela son mari et ses deux filles, à peine nées. Du haut de la falaise, elle s’unit aux éléments, à cette terre, à cette mer, et aussi à Simon, celui qu’elle a toujours eu dans la peau… jusqu’au jour où l’une de ses amies appelle son frère, Paul, pour lui porter secours…
« J’étais émerveillé devant la solidité du lien qui les unissait. Rien de ce que l’un ou l’autre pouvait faire n’était capable d’altérer l’affection qu’ils se portaient. Rien de ce qu’ils avaient pu connaître au cours de leurs métiers, mariages, démissions, divorces, ni le frère ni la soeur ne voulaient l’examiner. Et surtout, en aucun cas ils n’auraient voulu le juger. Ce n’était pas de l’amour, le sentiment qui régnait entre eux deux. Ce n’était pas non plus une espèce de pardon automatique. C’était une solidarité mystérieuse. » (p. 185)
En fait de solidarités mystérieuses, Jean, le compagnon prêtre de Paul, évoque ici les liens forts qui unissent un frère et une soeur, à ne pas confondre avec l’amour passionnel qui unit et désunit Claire et Simon, ou l’amour qu’essaient de retrouver l’une pour l’autre une fille, Juliette, pour sa mère. Ni avec un autre, celui de l’attachement viscéral à un territoire, à une terre qui a vu grandir Claire.
Comme dans Villa Amalia, Pascal Quignard évoque une relation homosexuelle, sans s’appesantir dessus, mais surtout, il reprend le thème de la fuite. Car ici aussi, l’idée de fuite est omniprésente et traitée de manière positive : l’héroïne ne fuit pas une situation, mais elle tourne la page là encore, elle va de l’avant, elle cherche dans la fuite un moyen de se retrouver. Et, pour cela, une fois encore, elle s’accomplit dans la solitude, la fusion avec les éléments naturels. Sauf qu’ici elle tend à s’oublier dans un amour passionnel. C’est donc un beau roman, oui, par les thèmes qu’il aborde, à la langue sobre et simple, mais peut-être aurait-il fallu élaguer davantage pour qu’il monte en puissance, certains longueurs se faisant ressentir, surtout vers la fin.
Vous pouvez l’écouter en parler ici :
Interview de Pascal Quignard by carnets de sel
ou ici :

Bien aimé
Les solidarités mystérieuses / Pascal Quignard
[Paris] : Gallimard , 2011.- 251 p. ; 21 cm
ISBN 978-2-07-078479-0 : 18,50 €