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La guerre sans nom * de Patrick Rotman et Bertrand Tavernier (2001)

19.11
2010
Peut-être avez-vous vu déjà La Guerre sans nom de Bertrand Tavernier ? Ce film où d’anciens appelés de la guerre d’Algérie témoignent, habitant la région de Grenoble. On apprenait qu’ils étaient équipés des mêmes fusils que pendant la guerre 14-18, les fusils Lebel ; ils relataient leur vie quotidienne, les bordels militaires de campagne, leurs privations, les contrôles des villages, mais aussi les humiliations, les préjugés, le sourire kabyle, la torture, les corvées de bois, le sort réservé aux harkis et l’OAS…
Cet ouvrage constitue le récit du tournage du film de Bertrand Tavernier, l’ensemble « matériel » des témoignages recueillis pour le film.

Mais là où l’image suffit, ou suggère, ici il faut ajouter quelques lignes pour rendre les impressions des enquêteurs. Ce qui n’a pas été filmé aussi. Comme l’anecdote de ce cycliste qui décharge un chapelet d’injures haineuses en comprenant qu’ils parlent de l’Algérie. Comme le témoignage de Camille Pivano, difficilement audible car opéré à la gorge.

Tous les récits du film, et plus encore, retranscrits là, noir sur blanc.

La guerre sans nom [Texte imprimé] : les appelés d’Algérie, 1954-1962 / Patrick Rotman, Bertrand Tavernier. - [Nouv. éd.]. - Paris : Éd. du Seuil, 2001. - 305 p. : couv. ill. ; 18 cm. – (Points ; 913). – ISBN 978-2-02-051064-6 (br.) : 7 €.
Indice(s) Dewey : 965.046 8
Emprunté au C.D.I..

Le pain nu de Mohamed Choukri (1980)

31.10
2010

Titre original : al-khubz al-hâfî

« Nous habitions une seule pièce. Mon père, quand il rentrait le soir, était toujours de mauvaise humeur. Mon père, c’était un monstre. Pas un geste, pas une parole. Tout à son ordre et à son image, un peu comme Dieu, ou du moins c’est ce que j’entendais… Mon père, un monstre. Il battait ma mère sans aucune raison. » (p. 13)

Dans les années 1940, à Tanger, le jeune Mohammed quitte rapidement sa famille qui vivote avec les ventes dur le marché de sa mère. Son père, qu’il hait, ivre la plupart du temps, les brutalise tous, jusqu’à assassiner son frère. Il survit d’expédients, dormant à la belle étoile et ramassant des poissons morts traînant sur le port, et dépense le peu qu’il gagne auprès des prostituées.

Ecrit en 1952, ce roman autobiographique fut censuré au Maroc jusqu’en novembre 2000, à cause de la crudité des scènes sexuelles. Il ne sera publié en France qu’en 1980, par Maspero, traduit par Tahar Ben Jelloun. Devenu un classique de la littérature marocaine, il dénonce, au travers de ses personnages souffrant de la faim et de la misère, les injustices sociales du Maroc de l’époque. Usant d’un style dépouillé et cru, il dépeint une réalité qui l’est plus encore : ce sont toutes les menaces qui planent sur ce jeune garçon livré à lui-même, de la maladie à la famine, du viol jusqu’au meurtre. On en sort écoeuré par la triste condition de tous ces jeunes adolescents, errant dans le Maroc d’alors comme dans de nombreux autres pays aujourd’hui. On en sort aussi lassé par la sexualité débridée du narrateur. Et pas forcément convaincu par la qualité littéraire intrinsèque du texte. Mais par ce qu’il ose décrire, oui.

Le pain nu [Texte imprimé] : récit autobiographique / Mohamed Choukri ; présenté et trad. de l’arabe par Tahar Ben Jelloun. - Paris : Seuil, 1997. - 160 p. : couv. ill. ; 18 cm. – (Points ; 365). - ISBN 978-2-02-031720-7 (br.) : 5,50 €.
Emprunté au C.D.I.