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La ferme des animaux de George Orwell (1945)

02.10
2011
cop. Gallimard

Animal farm

  • Un soir, à la ferme du Manoir, peu avant de mourir, le vieux Sage l’Ancien, le cochon Moïse, rassemble tous les animaux pour leur faire part d’un rêve qu’il a eu, les incite à se soulever contre Mr Jones, à devenir libres et heureux, et leur apprend un hymne révolutionnaire, Bêtes d’Angleterre, que tous reprennent en choeur, rêvant du Grand Soir promis… qui advient, mettant en fuite les fermiers et leurs ouvriers agricoles. Les animaux prennent alors possession des lieux, rebaptisent leur territoire la Ferme des animaux, et pourvoient à leurs propres besoins, conseillés dans un premier temps par les deux plus intelligents d’entre eux, les cochons Napoléon et Boule de neige, secondés par Brille-Babil, un goret habile orateur. Ces derniers, reconnus par les autres pour leur intelligence supérieure, imaginent un nouveau système social, l’Animalisme, dont ils écrivent noir sur blanc les sept principes sur un mur :
  • Tout deuxpattes est un ennemi.
  • Tout quatrepattes ou tout volatile est un ami.
  • Nul animal ne portera de vêtements.
  • Nul animal ne dormira dans un lit.
  • Nul animal ne boira d’alcool.
  • Nul animal ne tuera un autre animal.
  • Tous les animaux sont égaux.

Mais du jour où Napoléon décide de chasser son rival Boule de Neige qui commence à lui faire de l’ombre, à l’aide de chiots qu’il a élevés pour assoir son pouvoir, leur démocratie n’est plus qu’une illusion, entretenue par Brille-Babil qui fait régner la peur et la désinformation pour assoir la dictature des cochons, et les animaux finissent par travailler pis que des esclaves, sans jamais récolter les fruits de leur production… Seul l’âne Benjamin, sceptique depuis les premières heures, a compris depuis longtemps ce qu’il est advenu de ses confrères, notamment de son ami Malabar, le cheval, courageux en besogne mais trop crédule…

Ecrivain militant, George Orwell entendait que sa plume devienne un acte politique. Sous les couverts d’une fable cruelle mettant en scène une révolution d’animaux dans le huis clos d’une ferme, tournant à l’échec avec la prise de pouvoir des cochons manipulant l’opinion, il évoque la révolution russe, imaginée par Marx et Lénine, suscitant plein d’espoirs chez les bolcheviques, conduite par Staline (Napoléon) et Trotsky (Boule de Neige), et son échec, puisque les intérêts du premier aboutirent à la mise en place d’une dictature, entretenue par la propagande (Brille-Babil) et la peur (les chiens).

« Tous les animaux

sont égaux

mais certains sont plus égaux que d’autres. »

(p. 144)

Toute l’histoire est habilement menée. Le lecteur éprouve tour à tour de l’intérêt pour leur entreprise, et de l’empathie pour certains protagonistes (le cheval Malabar un peu benêt mais brave bête, la jument Douce, plus intelligente, l’âne Benjamin, sceptique) avant de comprendre comment les animaux vont se faire mener par le bout du nez et à la baguette par ceux qui leur font croire qu’ils sont plus libres et heureux qu’avant leur révolution. Quel coup de génie que d’avoir songé à cette fable pour s’insurger contre toutes les dictatures qui s’échafaudent sur les ruines d’un autre empire grâce à de braves révolutionnaires qui ne voient rien venir ! On songe à la fable de La Fontaine, forcément, Les animaux malades de la peste, et jusqu’à la fin, on pense que d’une manière ou d’une autre, le dictateur Napoléon souhaitera le sacrifice de l’âne, témoin lucide et donc gênant de son pouvoir, mais non… L’âne demeure l’observateur impuissant du sacrifice inutiles de ces confrères, à l’image d’Orwell.

Une lecture édifiante, intelligente, INDISPENSABLE.

 


La Ferme des animaux / George Orwell ; trad. de l’anglais par Jean Quéval. – [Paris] : [Gallimard], 1983. – 150 p. : couv. ill. en coul. ; 18 cm. – (Collection Folio ; 1516). – ISBN 2-07-037516-1.

Acheté à Nantes à la librairie Durance

Lu sur une plage du Finistère sud.

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