Mots-clefs ‘résistance’

L’armée des ombres

15.04
2014

Mardi cinéma


Sortie en salle : 1969

Réalisateur :  Jean-Pierre Melville

l’armée des ombres (1969) bande annonce par dictys

Idées et scénario : adapté par Jean-Pierre Melville du roman du même nom de Joseph Kessel.

L’histoire

20 octobre 1942, en France occupée, Philippe Gerbier, ingénieur distingué des Ponts et Chaussées soupçonné de résistance, est arrêté par la police de Vichy, placé dans un camp, puis remis entre les mains de la Gestapo, à Paris. Gerbier réussit à s’évader et retourne à Marseille où est basé le réseau qu’il dirige effectivement. Son bras droit, Félix Lepercq, a identifié le jeune Paul comme étant le traître qui l’a dénoncé. Avec l’aide de Guillaume Vermersch, dit « Le Bison « , Félix et Gerbier conduisent Paul dans une maison inhabitée de Marseille pour l’y exécuter, non sans mal. Marqué par l’exécution, Félix tombe sur un ancien camarade de régiment, Jean-François Jardie, qui accepte de s’engager auprès de lui dans la Résistance, à la fois par ennui et goût de l’aventure. Ce dernier mène avec succès plusieurs opérations d’importance croissante. Lors de sa première mission à Paris, il fait la connaissance de Mathilde, pilier du réseau. Sa mission accomplie, il rend une visite-surprise à son frère aîné Luc. N’ayant pas vu son frère depuis longtemps, et ne se sentant plus assez proche de lui, Jean-François résiste à la tentation de lui faire connaître son engagement. Gerbier embarque avec le Grand Patron, le chef de leur groupe, dont l’identité est un secret jalousement gardé, sur un sous-marin britannique, jusqu’au quartier général de la France libre à Londres. Or le Grand Patron n’est autre que Luc Jardie. Gerbier écourte cependant son séjour lorsqu’il apprend l’arrestation de Félix par la Gestapo. Mathilde met au point un audacieux plan d’évasion, mais doit pouvoir prévenir Félix pour garantir le succès du plan. Or elle n’en trouve pas le moyen. Jean-François, sans rien dire à personne, rédige une lettre de démission à Gerbier et se dénonce à la Gestapo par une lettre anonyme, avec l’espoir d’être enfermé avec son ancien camarade de régiment…

L’analyse

Ce film historique des heures sombres de l’Histoire de France s’inspire de faits et de personnages ayant réellement existé. Sans avoir de trame forcément classique, il surprend toutefois par ses nombreux rebondissements et ses révélations. Cette histoire met particulièrement en scène la difficulté d’être résistant, la souffrance de tuer ceux et celles qui ont trahi la cause, quelle qu’en soit la raison. Car être un Résistant, un héros aux yeux de nos contemporains, c’est aussi s’obliger à la violence et au sang pour pouvoir lutter contre l’envahisseur. D’où une affection particulière pour ces hommes et ces femmes qui ont donné leur vie pour libérer la France, parfois « gratuitement » hélas. Un bon scénario, aidé par l’interprétation magnifique des acteurs.

Seul dans Berlin ** à *** de Hans Fallada (1947)

01.09
2010

Jeder stirbt für sich allein (1965)

« - Quel effet penses-tu que feront nos cartes ? demande Anna.

-    Tous commenceront par éprouver un choc en les voyant et en lisant les premiers mots. Car aujourd’hui tout le monde a peur.

- Oui, dit-elle. Tous.

« Presque tous ont peur, pense-t-elle… Nous, non. »

« - Ceux qui les trouveront, répète-t-il après y avoir réfléchi cent fois, auront peur d’être observés dans l’escalier. Ils dissimuleront vite les cartes et s’éloigneront rapidement… Ou bien, ils les déposeront de nouveau, et le suivant viendra.

- Ce sera comme ça », dit Anna.

Et elle se représente la cage d’escalier : une cage d’escalier mal éclairée, comme elles sont toutes à Berlin. Tous ceux qui liront ces cartes auront soudain l’impression d’être des criminels. Tous donneront raison à l’auteur ; mais on n’a pas le droit de penser ainsi, puisque la mort plane sur ceux qui ont de telles pensées. » (p. 165)

1940. Anna et Otto Quangel apprennent par courrier la mort de leur fils au front, alors que la France vient de capituler. Furieuse contre ce pays qui lui a arraché son fils unique, elle le reproche alors à son mari, resté comme indifférent « Toi et ton Führer ! ». L’insulte fait mouche plus qu’elle ne le croit. Un lent réveil secoue ce dernier, contremaître avare de ses mots et de ses marks, qui décide de réagir face à cette dictature qui terrorise tous ses concitoyens…

Achevé en 1947, l’année de la mort de son auteur, de son vrai nom Rudolf Ditzen, ce roman devra attendre 1965 pour être publié, sous le titre « Jeder stirbt für sich allein », converti en France deux ans après en un « Seul dans Berlin », beaucoup moins fort et universel. C’est en effet un véritable brûlot contre la corruption  et la délation allemandes sous le IIIe Reich, contre la violence profondément inhumaine perpétuée par la Gestapo, contre les méthodes des asiles et hôpitaux, contre une Justice haineuse à la solde du parti. Certes, il ne faisait pas bon vivre non plus quand on était allemand sous Hitler. Mais là ne réside pas seulement l’intérêt de ce roman, au style, il est vrai, plutôt quelconque, mais surtout dans son message d’espoir et d’incitation à la résistance. Primo Levi en parlait d’ailleurs comme étant « l’un des plus beaux livres sur la résistance allemande antinazie ». Car on parle peu de ces gens qui, étant parvenus à éviter les camps de concentration à cause de leur couleur politique, ont choisi de devenir des opposants de l’ombre, au sein d’une population effrayée ou endoctrinée. Se mentir à soi-même, taire son sentiment d’équité, pour survivre en obéissant à des lois injustes et haineuses, ou réagir en son âme et conscience, même seul face à des milliers, pour mourir sans un remords, sans honte de ce que l’on a été, de ce que l’on a fait ? Tel est le dilemme auquel se trouvèrent confrontés de nombreux peuples, et peut-être cet exemple aura-t-il encore besoin d’être relu car l’Histoire fonctionne hélas parfois par cycles, et il n’est meilleur terreau pour attiser la haine des minorités que l’indigence, et il n’est meilleure voie pour instaurer une dictature que la remise en cause de la liberté d’expression avec, pour commencer, le contrôle des médias.

« Il ne suffit pas de vouloir sauver quelqu’un, encore faut-il que ce quelqu’un vous aide. » (p. 148)

FALLADA, Hans. – Seul dans Berlin / trad. De l’all. Par A. Virelle et A. Vandevoorde. – Denoël, 2009. – 558 p.. – (Folio ; 3977). – ISBN 978-2-07-031296-2 : 8,20 euros.

Acheté fin juin 2010 à la librairie « Les Temps modernes » d’Orléans.

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La mort n’oublie personne de Didier Daeninckx (1989)

29.07
2010

Isolé dans un pensionnat pour apprentis, Lucien Ricouart est retrouvé noyé dans un bassin près duquel Marc Blingel, l’un des élèves parti à sa recherche avec un professeur, lit l’inscription tracée dans la terre « Mon père n’est pas un assassin ». Vingt-quatre ans après, Marc, devenu historien, interviewe Jean Ricouart, son père, sur son parcours de résistant…


Les histoires de Didier Daeninckx sont toujours d’autant plus révoltantes qu’elles s’inspirent de faits réels et dénoncent des pans de l’histoire que beaucoup préfèrent laisser dans l’ombre. Dénonciations de collaborateurs envieux, tortures, déportations, parodie de justice, suicide suite à des insultes calomnieuses injustifiées, tout concourt en effet à créer autant de monstres qu’il y a d’êtres humains capables de malfaisance. Miliciens, soldats, voisins, juges, tous, même des enfants, sont capables du pire.

La dénonciation des discriminations et des injustices est bien le fer de lance de l’inspiration de Didier Daeninckx. Et on ne peut qu’y applaudir. Nonobstant il y a comme une petite ambiguïté gênante dans ce choix de n’écrire que sur ce que l’humanité a pu faire de pire, de plus scandaleux, puisqu’on ne peut que réussir à émouvoir au plus haut point le lecteur avec un matériau aussi épouvantable que la torture, la calomnie ou la déportation.

DAENINCKX, Didier. – La mort n’oublie personne. – Denoël, 2009. – 189 p.. – (Folio policier ; 60). – ISBN 978-2-07-040807-8.
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