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Edvard Munch : l’oeil moderne : l’exposition

18.11
2011

Rien de tel que de télécharger l’excellent dossier pédagogique pour préparer sa visite à une exposition, en le lisant dans le train à l’aller, puis de feuilleter au retour le catalogue d’exposition, pour y retrouver les oeuvres qu’on y a admirées.

Les deux se complètent à merveille. Car si le premier permet de préparer et d’éduquer notre oeil, le second joue plus ou moins le rôle d’album souvenir, s’attardant sur l’explication de certaines toiles ou photographies de Munch. Hélas la reproduction de tableaux dans un livre reste toujours aussi décevante : il y manque le rendu des couleurs, le format et la texture des tableaux, d’où l’intérêt d’aller à la rencontre de l’oeuvre originale, et à l’exposition Edvard Munch, l’oeil moderne, présentée à Beaubourg jusqu’au 9 janvier. Vous y découvrirez non pas Le Cri, l’oeuvre emblématique datant des débuts de Munch (1893), mais « comment sa production des années 1900 à 1940 s’est nourrie du développement de la photographie et du cinématographe, de ses expériences dans le domaine théâtral, ainsi que des interrogations de son temps concernant » « la reproductibilité de l’oeuvre d’art » et « les possibles interprétations des pratiques artistiques et littéraires ».

Arrêts parmi les 140 oeuvres sur les suivantes :

Vampire (1893), Puberté (1894-1895), Le Baiser (1897), La Vigne vierge rouge (1898-1900), Jalousie (1907), Femme en pleurs (1907, grand format), Le Soleil (1910-1913), Enfants dans la rue (1910-1915), Travailleurs rentrant chez eux (1913-1914), Autoportrait à Bergen (1916), L’Artiste et son modèle (1919-1921), Nuit étoilée (1922-1924), L’Enfant malade (1925), La Bagarre (1932).

 

Edvard Munch :  l’oeil moderne  :  l’exposition  :  [réalisé à l'occasion de l'exposition présentée au Centre Pompidou, Paris, Galerie 2, du 22 septembre 2011 au 9 janvier 2012, à la Schirn Kunsthalle, Francfort, du 9 février au 13 mai 2012 et à la Tate Modern, Londres, du 28 juin au 12 octobre 2012  [conception et rédaction, Marion Diez, Caroline Edde  ; traduction, Caroline Taylor-Bouché]. 

Paris  : Cente Pompidou , 2011
59 p.  : ill. en noir et en coul., couv. ill. en coul.  ; 27 x 27 cm
Textes en français et en anglais 

ISBN 978-2-84426-538-8 (rel.) : 8,50 €.

Le rabaissement de Philip Roth

13.11
2011

cop. Gallimard

 

« Il avait perdu sa magie. »

« Le suicide, leur dit-il, c’est le rôle que vous vous écrivez pour vous-même. Vous l’habitez, et vous le jouez. Tout est mis en scène avec soin – où on vous trouvera, et comment on vous trouvera. » Puis il ajouta : « Mais il n’y aura qu’une représentation. » (p. 22)

Cette toute première phrase de l’incipit et cette autre du personnage principal, Simon Axler, durant son séjour en maison de repos, à l’intention des autres patients dont la tentative de suicide avait échoué, constituent la quintessence de ce qu’il faudrait retenir de ce roman.

En effet, Philip Roth part du constat de la cause de son désespoir (l’artiste déchu), pour revenir après 120 pages et une relation amoureuse (ou plutôt sexuelle) qui rallume son désir de vivre de façon illusoire et temporaire, sur sa conséquence (le suicide comme seule issue trouvée à ce désespoir).

Nonobstant ces thèmes relevant pourtant de la sphère intime (le vieillissement, le suicide), Philip Roth préfère à l’introspection les dialogues, et au « je-narrateur » la troisième personne du singulier, si bien qu’on reste toujours à distance de ce personnage dont on observe l’humeur en dents de scie, qu’une dernière rupture ébranlera tout à fait. Si on ajoute à cela l’histoire du meurtre d’un mari incestueux, celle de l’ancienne partenaire de son amie qui choisit de devenir un homme, et celle de son amante qu’il a vu naître et qu’il relooke, qui lui sort sa panoplie d’objets sexuels et l’entraîne dans une partie à trois,

Apprécié

il y a de quoi se demander si ce trentième roman de Philip Roth mérite bien le concert d’éloges dont il a pu faire l’objet, tant il semble se complaire dans le trivial et rester à la surface des choses, et surtout hélas des personnages.

Rentrée 2011
Gallimard, 2011. – 121 p.

Emmanuel Carrère

05.11
2011

Le Prix Renaudot 2011

Le 29 septembre 2011, la librairie Les Temps modernes d’Orléans accueillait Emmanuel Carrère, à l’occasion de la parution de son roman Limonov **, dont vous pouvez également lire la chronique dans mes carnets de lecture.

 

 

Voici en écoute, pour vous, l’intégralité de cette rencontre.

 

 

Interview d’Emmanuel Carrère à propos de Limonov by carnets de sel

 

La commedia des ratés d’Olivier Berlion

02.11
2011

 

cop. Dargaud

Lors d’une visite à ses parents à Vitry-sur-Seine, Antonio Polsinelli rend un curieux service à un ami d’enfance, Dario, qui l’attendait sur le chemin du retour, en écrivant pour lui une lettre à une mystérieuse femme. Le lendemain, ce dernier est retrouvé assassiné, et Antonio apprend qu’il hérite d’une vigne en Italie, à proximité du village d’où viennent ses parents et ceux de Dario. Victime à son tour d’une tentative de meurtre, il décide de se rendre sur place afin de comprendre pourquoi ce vin médiocre attire tant de convoitise…

 

Premier volet d’une adaptation du fameux roman de Tonino Benacquista, cette histoire, laissée en suspens, donne une représentation tout à fait juste des paysages et des caractères des personnages. Elle est particulièrement fidèle à l’intrigue originale, même si, fatalement, elle va à l’essentiel, coupant de savoureuses réflexions. C’est pourquoi, pour ma part, je préfère, et de loin, la lecture du roman à son adaptation en planches de couleurs.

 

Apprécié

La commedia des ratés. Première partie / Olivier Berlion ; d’après un roman de Tonino Benacquista. – Dargaud, 2011. – 76 p. : ill. en coul., couv. ill. en coul. ; 32 cm. - EAN 9782205067194: 14,95 €.

Betty d’Arnaldur Indridason

30.10
2011

cop. Métailié

Betty… C’est à cause d’elle que tout a commencé, et que le narrateur se retrouve en détention provisoire, accusé de meurtre, semble-t-il… Et pourtant, il reste toujours aussi subjugué par l’épouse de l’armateur milliardaire qui l’avait embauché comme juriste… S’il avait refusé, rien ne serait arrivé de tout cela… Mais il n’avait rien vu venir, ou peut-être, amoureux, n’avait-il rien voulu voir venir….

Ecrit avant la série du commissaire Erlendur qui fit connaître Arnaldur Indridason dans le monde entier, ce roman noir dévoile au premier abord une intrigue assez classique, dont on devine sans peine ce qu’il va advenir du narrateur suspecté de meurtre. Et puis, passées les cent premières pages, un changement brutal de point de vue fait reconsidérer toute la situation, rendant plus complexe la psychologie des protagonistes, sans pour autant en modifier l’issue… Et c’est en cela qu’il s’agit d’un bon polar, mettant à mal certains préjugés… mais chut, je ne peux en dire davantage, sous peine de vous ôter le plaisir de découvrir par vous-même de quoi finalement il retourne…


Du même auteur, tous les autres romans critiqués dans Carnets de SeL :

La Cité des jarres * (2005)

La Femme en vert ** (2006)

La Voix ** (2007)

L’Homme du lac *** (2008)

Hiver arctique ** (2009)

Hypothermie ** (2010)

La rivière noire ** (2011)

Beaucoup aimé

INDRIDASON, Arnaldur. – Betty / trad. de l’islandais par Patrick Guelpa. – Métailié, 2011. – 205 p.. – (Métailié noir). – ISBN 978-2-86424-845-3 : 18 €.
Service de presse

 

 

 

La nuit de Stanislas Gros

19.10
2011

A voir la couv’, il s’agirait à première vue d’une histoire de chevalier, un rien mélancolique. Bingo ! Sauf qu’au coeur de cette nuit médiévale, ce chevalier de retour d’une bataille n’est pas le héros de l’histoire, bien loin de là, mais il partage la vedette avec un arbalétrier maladroit, son épouse et son amant fortuné, la mystérieuse sorcière surnommée Saturnia, et… des morts sortis de leur tombe. Mais cette nuit enseignera à tous ces personnages quel a été et quel est leur destin, ainsi que la nature des liens qui les réunissent…

Stanislas Gros s’est essayé pour ce troisième album, après les adaptations des grands classiques du Dernier jour d’un condamné et du Portrait de Dorian Gray, à l’écriture de l’ensemble, scénario et illustrations. On retrouve son coup de crayon assez naïf dans le traitement des personnages, auxquels il accorde une attention égale. Mais il innove réellement en réutilisant plusieurs fois la même case dans deux chapitres consécutifs pour montrer des points de vue différents de l’histoire. Par ailleurs, il sait alterner les passages graves à d’autres plus légers, comme il se garde bien de conclure par un happy end ou une fin moralisatrice et préfère nous offrir une histoire restée ouverte, en demi-teinte :
du coup,  pour ce premier album sorti complètement de son imaginaire, il réussit à nous faire entrer dans un univers assez sombre et fantastique doté d’un humour un peu décalé, sans tomber dans les poncifs du genre.

 

GROS, Stanislas. - La nuit. - Paris  : Gallimard : Bayou , 2011 .- 92 p.  : ill. en coul.  ; 25 cm .- (Bayou). - ISBN 978-2-07-062954-1 : 16 €.
Allez donc jeter un oeil sur le blog de Stanislas Gros, Le Ravi.
Du même auteur, chroniqués dans Carnets de SeL :

3 secondes de Marc-Antoine Mathieu

12.10
2011

3 secondes, cela peut paraître extrêmement court – le bip d’un SMS reçu, la déflagration d’un coup de feu, un piéton renversé -, mais Marc-Antoine Mathieu va dilater ces trois petites secondes en soixante-douze pages fois neuf vignettes, soit 648 cases sur papier et quelques minutes sur internet pour nous raconter une énigme policière muette mettant en scène une tentative de meurtre à la suite d’un scandale dans le milieu du football.

Autant le lecteur guette un à un les indices de cette enquête qu’on lui propose, dans un ralenti graphique travaillant sur des focalisations et des réverbérations infinies, autant l’internaute se trouve happé sur le site par un vertigineux zoom graphique. Ces deux expériences de lecture originales, faisant travailler l’intelligence du lecteur reconstituant et les textes à l’envers et le fil de l’histoire et sa composition spatiale, confirment le talent de Marc-Antoine Mathieu pour amener la bande dessinée dans des voies inexplorées jusqu’alors, la mettant elle-même en exergue, émergeant d’un noir profond pour s’achever sur un blanc éblouissant. Une fois de plus, Marc-Antoine Mathieu fait preuve d’une capacité d’invention forçant l’admiration.

Les 8 premières planches ici, et tout le reste – bio, interview, forum, version numérique- chez Delcourt.

Du même auteur, chroniquées dans Carnets de SeL :

Dieu en personne ** (2009)

Les sous-sols du Révolu ** (2006)

La 2,333e dimension *** (2004)

Le dessin *** (2001)

Mémoire morte ** (2000)

Le début de la fin ** (1995)

Le Processus *** (1993)

 

3″ / un zoom ludique par Marc-Antoine Mathieu. – [Paris] : Delcourt, 2011. – non paginé [67] p. : ill., couv. ill. ; 24 cm. - EAN 9782756025957 : 14,95 €.