
cop. Gallimard
Il y a des jours où ce que l’on fuit vous poursuit : le coeur lourd, les idées noires, j’ai voulu me les changer précisément, ces idées, en savourant d’avance ma projection dans un futur plus ou moins proche orchestrée par Alain Damasio, dont j’avais apprécié La Zone du dehors. Las ! La première nouvelle m’a littéralement heurté de plein fouet là où cela faisait mal, la seconde a continué son ouvrage et la dernière achevé. Jugez-en par vous-même :
Dans Annah à travers la Harpe, un père vient trouver Le Trépasseur dans l’espoir de faire revenir des morts sa fillette de deux ans renversée par une voiture…
Dans So Phare away, Farrago perce la Nappe avec son phare pour communiquer avec Sofia, juchée en haut de son autre phare, à l’autre bout de la Ville. Parfois, tous les six mois, au péril de sa vie, le phartiste parvient à la rejoindre, à l’occasion d’une marée. Un jour, elle veut à tout prix annoncer à Farrago qu’elle est enceinte…
Dans Aucun souvenir assez solide, un père essaie de se souvenir de sa femme et de sa fillette de trois ans pour pouvoir refabriquer un monde avec elles…
Les deux nouvelles qui ouvrent et ferment ce recueil crient l’impossibilité du deuil, la douleur de perdre un être cher, qui plus est ce qu’il y a sûrement de plus attendrissant au monde : une fillette de deux-trois ans (soit l’âge de ma propre fille). Grâce aux souvenirs d’un père en souffrance, ces deux mondes du futur auraient le pouvoir de faire revenir d’entre les morts sa fille, bien vivante pour le premier, visible dans une réalité numérique pour le second. La plus longue, So phare away, et la plus intéressante, n’en est pas moins intimiste : dans une Ville minérale où deux amants ont choisi la verticalité et la solitude lumineuse des phares, grâce auxquels ils communiquent, la distance qui les sépare, cette horizontalité, cette asphalte tantôt fluide tantôt dure, traversée par un trafic incessant et par des poussées inopinées d’édifices, va finalement déchirer cet amour.
Trois belles nouvelles inventives, mais d’une tristesse !
D’autres n’ont pas paru en souffrir : des lectures plus détaillées et plus élogieuses sur les blogs Fin de partie et Systar.
DAMASIO, Alain.
So phare away et autres nouvelles.
Gallimard (Folio 2€, 5897 ; 2015)
102 p.
EAN13 9782070462216 : 2 €.