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La sorcière de Benoit Guillaume

13.05
2020

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Alors que ses filles jumelles ont atteint l’âge où sa propre mère lui a dévoilé son pouvoir, Lucie transmet à Maud et Lise ses dons de sorcellerie, qui la surpassent rapidement et prennent leurs distances avec elle. Alors que Lucie tente de sauver le couple du meilleur client de son mari, ce dernier la quitte avec tout son héritage, de même qu’elle apprend la séparation de ses parents…

Quel étrange mélange que cet album jouant sur les monochromes pour traiter, sur une trame fantastique, de la séparation en couple et entre les parents et les enfants, et donc de l’éclatement du noyau familial pour le recomposer ailleurs.  Le dessin m’a moins plu que le scénario adapté du roman de Marie Ndiaye, que je n’ai pas lu, et qui diffuse un sentiment de non-communication et de solitude absolue. Un ovni très intrigant.

 

La sorcière de Benoit Guillaume

d’après le roman de Marie Ndiaye

Actes sud BD, 2018

ill. en coul.

EAN13 9782330090470 : 26 € TTC

 

Bonjour tristesse de Frédéric Rébéna

19.09
2018
cop. Rue de Sèvres

cop. Rue de Sèvres

 

Finie l’insouciance de ses 17 ans et la farniente dans une magnifique villa de la Côte d’Azur au bord de la mer : quand Anne, froide et trop raisonnable, débarque cet été-là, Cécile commence à avoir mauvaise conscience, et cela lui déplait. Pire, son père s’éloigne d’elle. Aussi va-t-elle le manipuler grâce à son désir toujours ardent de sa maîtresse Elsa Mackenbourg…

Rien à dire : l’adaptation est plus que fidèle, elle redonne toute sa vigueur, toute son énergie au roman de Françoise Sagan : la verticalité d’un dessin art déco, des couleurs nettes et tranchantes, un soleil de plomb sur une mer étale. Mais, soit dit entre nous, c’est bien là le drame d’une jeune bourgeoise gâtée pourrie par la vie, autocentrée, qui écarte tout risque de devoir se mettre à faire des efforts ! Une excellente adaptation de cette histoire tout à fait immorale et fière de l’être.

 

REBENA, Frédéric. Bonjour tristesse / adapté de F. Sagan ; préf. de F. Beigbeder.

Rue de Sèvres, 2018. 104 p. : ill. en coul.

EAN13 9782369813828 : 18 €

 

Momo de Jonathan Garnier & Rony Hotin

15.03
2017

 

cop. Casterman

cop. Casterman

 

Momo, drôle de nom pour une fillette élevée par sa mamy, le père, marin, parti en haute mer durant des semaines. Sa grand-mère s’inquiète, trouve qu’elle n’a pas beaucoup d’amis. Alors Momo décide de se faire des amis au village, et fait la connaissance d’un trio de garçons de son âge, férus de mangas. Mais c’est plutôt avec Françoise qu’elle aime traîner, la jeune Parisienne, en roller, qui fume et qui a affublé du sobriquet « banane » le chef d’un groupe de gars de son âge…

Issu du métissage entre le manga et la BD franco-belge, le dessin de Rony Hotin semble tout droit sorti d’un film d’animation de Miyazaki, comme le souligne cette magnifique couverture tout en jeux d’ombres et de lumières. Il sert admirablement bien le scénario simple, d’inspiration autobiographique, de Jonathan Garnier, qui renoue avec les rivalités d’enfance, les amitiés naissantes et les amours tus. Une vraie madeleine de Proust.

 

GARNIER, Jonathan, HOTIN, Rony

Momo

Casterman, 2017

80 p. : ill. en coul.

EAN13 9782203095373 : 16 €

 

Revoir Paris : tome 2 de Schuiten et Peeters

25.01
2017

9782203097261Arrivée sur Terre, abandonnant ses congénères âgés, Kârinh taille sa route seule, pour rejoindre Paris. Soupçonnée d’être envoyée en mission cachée par l’Arche, Kârinh finit par être sauvée par Mathias Binger, qui lui ouvre les portes du vieux Paris, musée pour touristes fortunés protégé par un dôme de verre. Kârinh retrouve alors son père…

Ce deuxième et dernier tome de Revoir Paris pêche un peu au niveau du scénario, bien faible par rapport à ce à quoi Benoit Peeters nous avait habitués. On suit les désillusions de Kârinh et la curiosité amoureuse de Mathias, sans creuser ces deus ex machina de dissidents dans la sphère. Mais, heureusement, les dessins réalistes de François Schuiten restent éblouissants. Je ne bouderai pas le plaisir que j’ai tout de même eu à lire ces deux tomes, mais je reste sur ma faim, une fin ouverte d’ailleurs.

SCHUITEN, François, PEETERS, Benoit. – Revoir Paris : tome 2. – Casterman, 2016. – 63 p. : ill. et couv. en coul. ; 32 cm. – (Univers d’auteurs). – EAN13 978-2-203-09726-1 : 17 €.

Cours, Bong-gu ! de Byun Byung Jun

18.05
2016
cop. Kana

cop. Kana

Au premier coup d’oeil, c’est le graphisme de ce petit manhwa qui séduit, doux et délicat, aux tendres couleurs pastel. Et puis, à la lecture de cette bande dessinée coréenne, qui se lit comme une BD franco-belge, il serait difficile de ne pas être attendri par cette histoire d’une mère et de son petit garçon partis de leur île à la recherche de leur époux et père disparu depuis quelques années dans la grande ville de Séoul, où ils se heurtent à l’indifférence de leurs contemporains. Seuls un grand-père réduit à mendier dans les transports en commun, avec sa petite-fille, leur porteront secours…

Trop choupinou !

 

Les particules élémentaires de Michel Houellebecq

28.08
2015
cop. Flammarion

cop. Flammarion

Michel, généticien, prend une année sabatique pour mieux réfléchir. Âgé de quarante ans, il est le directeur de recherches d’une des meilleures équipes européennes de biologie moléculaire. Adolescent, il n’a pas su saisir sa chance auprès d’Annabelle qui l’aimait, et depuis, se désintéresse complètement de la sexualité et se bourre de tranquillisants et de travail. Bruno, son demi-frère, dont les parents soixante-huitards l’ont abandonné pour pouvoir continuer à vivre pleinement leur luxure, cherche en vain des aventures sexuelles. La chance finit enfin par tourner en sa faveur lors d’un séjour au Lieu du Changement, camping post-soixante-huitard tendance New Age…

 

Comme je sors de cette lecture à demi-convaincue et pleinement partagée !

Belle entrée en matière que de créer directement le suspens en parlant dans l’incipit de troisième mutation métaphysique, dont le personnage principal serait l’artisan. Le narrateur serait un observateur scientifique et rationnel a posteriori.

Ce qui m’a plu aussi, c’est qu’il s’agit finalement aussi et surtout d’un roman sur les remords et sur les regrets, sur les « et si… ». Le roman est truffé de passages et d’actes marqués, sentis comme irréversibles. Ce qui me plait dans ce roman, c’est son visage d’innocence perdue, de fuite du temps, de nostalgie.

Et puis il y aussi cette impression de Michel de ne pas être dans le monde, probablement partagée par le Michel s’écrivant.

Pourtant, dans ce roman, probablement par provocation, il y a également beaucoup d’inepties, comme cette réflexion comme quoi un monde féminin serait bien meilleur qu’un monde masculin, ce qui est plus proche d’une forme de misogynie (les femmes seraient toutes douces, altruistes, pacifiques et attentionnées) que du féminisme ! Il n’est qu’à lire la suite p. 210 sur les femmes qui seraient les seules à avoir besoin d’un être à aimer, à pouponner, etc. D’ailleurs Houellebecq tue ses deux protagonistes femmes généreuses en les faisant se suicider, pour ne pas être diminuées par la maladie.

Et l’histoire de Bruno, monsieur branlade du cap d’Agde, c’est d’un ennui ! La découverte par Bruno des plaisirs sexuels libertins dans les centres New Age et au Cap d’Agde prend quasiment tout le roman. A se demander si Michel Houellebecq n’a pas voulu jouer avec le lecteur-voyeur, en dévoilant à ceux qui n’en auraient pas connaissance, les frasques libertines d’1 à 2 % de ses concitoyens, tout au plus.

Mais notre Eros en mauvaise posture est sauvé par Michel Thanatos, personnage fantasmagorique autobiographique qui fait songer aux romans de Sternberg dans lesquels ce dernier mettait en scène un lui-même rêvé, fantasmé. Par ses connaissances en biologie moléculaire, le personnage principal place alors le lecteur en position d’infériorité intellectuelle, comme Umberto Eco : les lecteurs adorent ça.

La fin rattrape tout le reste, mais rend totalement invraisemblable le récit par un narrateur de la galère sexuelle de Bruno, le demi-frère, dont il devrait se contre-fiche. Et ne me dites pas que c’est le reflet de la société contemporaine : s’il fallait retenir de notre société seulement ça, ce serait oublier les 90% de Bidochon qui peuplent les banlieues pavillonnaires de leurs deux enfants avec chien et écran plat, et ressortent tous les samedis de l’hypermarché avec leur marmaille sur le caddie.

Enfin, Michel Houellebecq, dans ce roman, fait un peu songer au Michel Onfray de l’anticipation réaliste, opposé aux religions, pour les avancées génétiques.

Pour conclure, Michel Houellebecq est bien malin mais ce n’est pas pour moi un grand écrivain.

Comment naissent les araignées de Marion Laurent

01.04
2015

cop. Casterman

Les Etats-Unis, dans les années 1990. Alice souffre du peu d’autonomie que lui laisse sa mère. Un soir où elle réussit à sortir, elle fait la connaissance de Dwight, peu communicatif, qui aime la dessiner, mais qui disparait du jour au lendemain, sans un mot. Empruntant la voiture de son oncle, elle renverse quelqu’un… Isadora, alcoolique, fait la manche depuis qu’elle s’est faite licencier d’une maison de retraite, hantée par la mort de sa propre mère qui a détruit sa vie… Alice et Isadora sauvent ce soir-là Billie, qui allait au même cours de danse qu’Alice avant que son frère et ses amis ne décident de le lui interdire, ainsi que tout contact avec le garçon blanc dont elle est amoureuse… Dwight, enfin, est amoureux d’Alice depuis bien avant leur rencontre mais n’a jamais osé le lui avouer…

Ce roman graphique entrelace les destins de trois Américaines et d’un jeune Américain à la manière d’un film choral. Pour ce faire, Marion Laurent préfère un dessin au trait pur, découpe ses planches et choisit ses plans comme des images cinématographiques. A travers les destins croisés de ces quatre personnages, Alice, adolescente timide, Isadora, sans domicile fixe car ayant rompu toute attache familiale, Billie, jeune afro-américaine brimée par l’extrémisme religieux de sa mère et de son frère, et Dwight, artiste introverti, elle aborde le manque de confiance en soi, la perte des repères, le carcan familial, mais aussi l’art et l’amour. Une première histoire bouleversante de cette jeune auteure.

 

LAURENT, Marion.

Comment naissent les araignées

Casterman (2015).

157 p. : ill. en coul. ; 19*28 cm.

EAN13 978220306075-3 : 23 €.