
cop. Flammarion
Michel, généticien, prend une année sabatique pour mieux réfléchir. Âgé de quarante ans, il est le directeur de recherches d’une des meilleures équipes européennes de biologie moléculaire. Adolescent, il n’a pas su saisir sa chance auprès d’Annabelle qui l’aimait, et depuis, se désintéresse complètement de la sexualité et se bourre de tranquillisants et de travail. Bruno, son demi-frère, dont les parents soixante-huitards l’ont abandonné pour pouvoir continuer à vivre pleinement leur luxure, cherche en vain des aventures sexuelles. La chance finit enfin par tourner en sa faveur lors d’un séjour au Lieu du Changement, camping post-soixante-huitard tendance New Age…
Comme je sors de cette lecture à demi-convaincue et pleinement partagée !
Belle entrée en matière que de créer directement le suspens en parlant dans l’incipit de troisième mutation métaphysique, dont le personnage principal serait l’artisan. Le narrateur serait un observateur scientifique et rationnel a posteriori.
Ce qui m’a plu aussi, c’est qu’il s’agit finalement aussi et surtout d’un roman sur les remords et sur les regrets, sur les « et si… ». Le roman est truffé de passages et d’actes marqués, sentis comme irréversibles. Ce qui me plait dans ce roman, c’est son visage d’innocence perdue, de fuite du temps, de nostalgie.
Et puis il y aussi cette impression de Michel de ne pas être dans le monde, probablement partagée par le Michel s’écrivant.
Pourtant, dans ce roman, probablement par provocation, il y a également beaucoup d’inepties, comme cette réflexion comme quoi un monde féminin serait bien meilleur qu’un monde masculin, ce qui est plus proche d’une forme de misogynie (les femmes seraient toutes douces, altruistes, pacifiques et attentionnées) que du féminisme ! Il n’est qu’à lire la suite p. 210 sur les femmes qui seraient les seules à avoir besoin d’un être à aimer, à pouponner, etc. D’ailleurs Houellebecq tue ses deux protagonistes femmes généreuses en les faisant se suicider, pour ne pas être diminuées par la maladie.
Et l’histoire de Bruno, monsieur branlade du cap d’Agde, c’est d’un ennui ! La découverte par Bruno des plaisirs sexuels libertins dans les centres New Age et au Cap d’Agde prend quasiment tout le roman. A se demander si Michel Houellebecq n’a pas voulu jouer avec le lecteur-voyeur, en dévoilant à ceux qui n’en auraient pas connaissance, les frasques libertines d’1 à 2 % de ses concitoyens, tout au plus.
Mais notre Eros en mauvaise posture est sauvé par Michel Thanatos, personnage fantasmagorique autobiographique qui fait songer aux romans de Sternberg dans lesquels ce dernier mettait en scène un lui-même rêvé, fantasmé. Par ses connaissances en biologie moléculaire, le personnage principal place alors le lecteur en position d’infériorité intellectuelle, comme Umberto Eco : les lecteurs adorent ça.
La fin rattrape tout le reste, mais rend totalement invraisemblable le récit par un narrateur de la galère sexuelle de Bruno, le demi-frère, dont il devrait se contre-fiche. Et ne me dites pas que c’est le reflet de la société contemporaine : s’il fallait retenir de notre société seulement ça, ce serait oublier les 90% de Bidochon qui peuplent les banlieues pavillonnaires de leurs deux enfants avec chien et écran plat, et ressortent tous les samedis de l’hypermarché avec leur marmaille sur le caddie.
Enfin, Michel Houellebecq, dans ce roman, fait un peu songer au Michel Onfray de l’anticipation réaliste, opposé aux religions, pour les avancées génétiques.
Pour conclure, Michel Houellebecq est bien malin mais ce n’est pas pour moi un grand écrivain.