Mots-clefs ‘relation humain-animal’

La danseuse d’Izu de Kawabata

16.07
2017
cop. Biblio

cop. Biblio

 

La danseuse d’Izu entame ce recueil de cinq nouvelles,qui est une oeuvre de jeunesse de ce lauréat du prix Nobel de littérature en 1968 : un étudiant, séduit par la danseuse qui se produit dans une troupe de forains, choisit de faire route avec eux, malgré l’opprobre sur les « gens de cette espèce« .

Elégie fait l’éloge, à l’annonce de la mort de celui que l’amante a aimé et qui est parti avec une autre, du « sentiment de l’analogie du destin des plantes et de celui des hommes« , et donc des textes sacrés du bouddhisme à l’inverse des autres religions qui croient que l’homme survit « en conservant, dans un monde à venir, la forme qui fut déjà sienne dans un monde antérieur ».

Bestiaire raconte l’amour d’un homme pour une danseuse écervelée qu’il s’apprête à revoir après plusieurs années, qui lui fait pensée aux oiseaux dont il s’entoure, à défaut d’aimer la compagnie des hommes, et qu’il laisse cruellement mourir par négligence ou par accident.

Retrouvailles conte celles de Yuzo, après la défaite de la seconde guerre mondiale, avec Fujiko, son ancienne maîtresse.

Et enfin La lune dans l’eau raconte les souvenirs d’une épouse qui a eu l’idée de confier à son mari, alité et mourant, sa glace à main pour qu’il puisse voir leur potager, le ciel et les nuages…

Tout est ici d’une cruauté sans nom, enrobée de subtilité, de raffinement, d’élégance toute japonaise. A la finesse psychologique de Kawabata, je continue néanmoins à préférer la tension d’un Fusil de chasse de Yasushi Inoué.

Le cabaret des muses : tome 4 de Gradimir Smudja

11.05
2016
cop. Delcourt

cop. Delcourt

A la suite d’un troisième volet faible scénaristiquement, Gradimir Smudja s’enfonce définitivement avec la suite de cette histoire hippique complètement absurde, et présentant peu d’intérêt.

Une prouesse graphique coulée par un délire anthropomorphique.

Le cabaret des muses : tome 3 de Gradimir Smudja

04.05
2016
cop. Delcourt

cop. Delcourt

Sur demande du Moulin rouge, le Bordel des muses devient avec ce troisième volet le Cabaret des muses.

Si l’album tient ses promesses graphiques, avec des cases imitant les plus grands peintres, l’histoire en revanche est passablement tirée par les chevaux / cheveux… Et la chute de Darling, la jument, ne laisse pas de songer à celle de la belle Mimi.

Rox et Rouky de Walt Disney

13.03
2016
cop. Disney

cop. Disney

Rox, un renardeau devenu orphelin dès les premières minutes de l’histoire, est pris sous l’aile maternelle de la chouette Big Mama avant d’être adopté par une brave fermière, la veuve Tartine. Mais le voisin de cette dernière, Amos Slade, est chasseur. Pour seconder son vieux chien de chasse, il vient d’adopter lui aussi un chiot, Rouky. Les deux orphelins vont bientôt se lier d’amitié…

Rox et Rouky, sorti en 1981, est resté dans nos mémoires avec l’incontournable voix de Dorothée, à l’époque. Cette histoire d’amitié semble confronter la nature pacifique de ces jeunes animaux à la culture, c’est-à-dire au rôle qu’on leur attribue. Ainsi Rouky est destiné à vouloir la mort de son ami, Rox, alors que rien objectivement ne devrait l’y pousser, si ce n’est son maître. Les animaux comme les humains sont croqués avec tendresse. Un Walt Disney qui, pour une fois, montre le désenchantement de ses personnages principaux, très apprécié des petits encore aujourd’hui.

A proposer à partir de 3 ans.

Copier cloner de Louis Rigaud (2009)

10.01
2016

 

 

Voici cette fois un film d’animation proche d’expériences réelles (virus récents,…).

Il met en scène de façon humoristique un système informatique appliqué sur du vivant, créant une rencontre entre le mécanique et le vivant, et une forte analogie entre l’environnement informatique et l’environnement agricole, le clonage pouvant être assimilé à un copié collé.

Ceci afin de mettre à jour les failles du système de façon très drôle.

Le terme « ma vache » n’a d’ailleurs rien de possessif, ni d’affectif, mais se réfère à quelque chose de construit, sélectionné, comme s’il s’agissait d’une marque déposée.

Ainsi on observe l’extinction progressive du vivant : espace vert, paramètre naturel,… les alertes du système menant jusqu’à une expérience d’autodestruction.

Notez enfin le travail sur le son : au moment de l’incinération, les cris de vaches nous renvoient au vivant, et non au mécanique.

Une fable écologique amusante et efficace !

 

Le poids du papillon d’Erri De Luca

16.06
2015

cop. Folio bilingue

Un chasseur a tué sa mère, un aigle sa soeur : resté seul, il attendit son heure pour défier le mâle dominant d’une harde et devint roi des chamois. Un papillon blanc se fixa alors à jamais sur sa corne ensanglantée.

Ce matin de novembre, le roi des chamois sent son corps s’affaiblir et sa fin proche. Le vieux chasseur, le meilleur d’entre tous, va prendre sa retraite et ne veut pas partir sans un dernier trophée…

Dans l’esprit d’une fable philosophique, et notamment épicurienne, Erri De Luca prépare ici le combat entre deux rois solitaires, l’un animal, l’autre homme, tous deux faisant corps avec la montagne dont ils connaissent tous les secrets. Dans ce duel, peu importe qui mourra mais l’un recevra de l’autre une leçon de la nature. Vraiment un très beau texte.

 

DE LUCA, Erri.

Le poids du papillon = Il peso della farfalla.

Trad. De l’italien par Danièle Valin.

Gallimard (Folio bilingue, 193 ; 2015).

139 p.

EAN13 9782070461424 : 7 €.

Le chat de Georges Simenon

25.12
2011

« Mamie, je t’aime ! » Que de vieilles dames entendent-elles cette exclamation aux fêtes de fin d’année, songeant à part elles que dans les yeux de leurs petits-enfants brillent moins leur amour que la perspective de beaux cadeaux de Noël. Une fête devenue davantage une aubaine pour la société de consommation qu’une manifestation d’affection. Au moins la famille est-elle réunie… Mais quid de cette fête quand on s’y retrouve seul, sans famille pour nous accueillir mais aussi sans amis, ces derniers étant invités dans leur propre famille ? N’est-ce pas alors le jour le plus triste de l’année ?

C’est en croyant remédier à cette solitude qu’Emile et Marguerite vont choisir de faire ménage ensemble…

cop. Livre de Poche

Tous deux veufs, Marguerite Doise et Emile Bouin se sont mariés par peur de finir leurs vieux jours seuls. Depuis des années, la maison seule émet des bruits, trahissant leurs déplacements, sans qu’ils aient besoin de s’observer. Car pas un mot ne sort plus de leur bouche depuis bien longtemps. Les mots, c’est sur le papier qu’ils se les jettent à la figure, comme pour cracher leur venin : « Le chat » écrit Emile, « le perroquet » rétorque Marguerite….

Ainsi Georges Simenon entame son récit, in medias des, avant d’introduire le passé de l’un, prolo, fils de maçon, aux manières rustres, ayant toujours su profiter de la vie avec son ex-femme, et de l’autre, bourgeoise rentière, nostalgique d’un rang social révolu car ruinée, et d’un mari premier violon à l’opéra. Et puis arrive l’élément perturbateur qui à jamais va les faire sombrer dans le mutisme… La mort suspecte du chat, vengée sous le coup de la colère. Et le jeu commence, ou plutôt la guerre du mutisme.

« Il riait à son tour, en dedans. Ils avaient beau être seuls dans la maison silencieuse et s’être condamnés tous les deux au mutisme, ils ne s’y en échangeaient pas moins des réparties féroces.

- Attends un peu… Je vais te dégoûter de ton dîner…

Il sortait le calepin de sa poche, écrivait trois mots, détachait la bande de papier qu’il lançait avec adresse dans l’assiette de sa femme.

Sans s’étonner, elle dépliait le billet.

« Attention au beurre. »

C’était plus fort qu’elle : elle se raidissait. Elle n’avait jamais pu s’habituer complètement à cette plaisanterie-là. Elle savait que le beurre n’était pas empoisonné, puisqu’elle le gardait sous clef dans son buffet à elle, quitte à ce qu’il devienne mou, parfois coulant. » (p. 24)

Lu dans le cadre du Challenge Littérature belge

 

La suite, bien sûr, je me garderai bien de vous la dévoiler, si vous n’avez pas non plus vu son adaptation cinématographique, car il y a une suite, forcément, une fois racontées les circonstances qui les ont amenés à cette extrémité : vont-ils rester ensemble ? Pourquoi Emile ne part-il pas ? Vont-ils finir par s’attacher l’un à l’autre ? Qui des deux mourra le premier ?

Il semblerait que Georges Simenon, pour écrire cette histoire publiée en 1967, se soit largement inspiré de ses parents retraités pour décrire l’atmosphère du Chat. Ici le drame, pour ce maître du polar, c’est le quotidien entre deux personnages issus d’horizons différents qui s’acharnent à vouloir rester ensemble, s’étant peu à peu habitués l’un à l’autre, comme s’accrochant à un récif pour ne pas être emporté par la mort, alors qu’ils font vivre l’un à l’autre un enfer. Une histoire qui pourrait paraître invraisemblable si on n’avait pas vu de nos propres yeux, bien souvent, un couple d’une ancienne génération tenir par la seule force de l’habitude et du qu’en dira-t-on, voire à qui l’idée d’une séparation ne traverse même pas l’esprit.

Ici l’histoire est très habilement amenée, presque en huis clos avec deux magnifiques portraits de personnages : une chronique de la vie ordinaire où les silences en disent plus que les mots.

Un petit bijou d’introspection de l’âme humaine.

 

J'ai beaucoup aimé

Le chat /Georges Simenon. - Paris  : Librairie générale française , 2007.- 190 p.  : couv. ill.  ; 18 cm .- (Le livre de poche  ; 14321). - ISBN 978-2-253-14321-5 : 5 €.