Mots-clefs ‘première guerre mondiale’

Les poilus 1. frisent le burn-out de Bouzard

02.03
2016
cop. Fluide glacial

cop. Fluide glacial

En ces temps de commémorations officielles de 1914-1918, Fluide Glacial rend lui aussi hommage à la Grande Guerre à sa façon, enfin à celle de Guillaume Bouzard, qui avait publié entre autres chez eux Moi, Bouzard. Car dans ces tranchées, en pleine bataille de Verdun, ce sont les gags qui pleuvent : la confusion des lignes ennemies pendant les combats, la lubie fantaisiste des hauts gradés pour former la troisième compagnie, la lettre posthume de Gros bidon à sa fiancée…  Mais pas seulement, en témoigne  par exemple Lettre à Suzanne, où la virilité homophobe des villageois cède la place à la fraternité des soldats.

De quoi mettre une bonne note d’humour au milieu d’une exposition d’ouvrages sur la première guerre mondiale.

Bouzard, Guillaume

Les poilus : 1. frisent le burn-out

Fluide Glacial (2016)

48 p. : ill. en coul. ; 29*23 cm.

EAN13 9782352075394 : 10,95 €

Dictionnaire de la grande guerre

30.11
2014

cop. Larousse

En guise d’ouverture, avant d’aborder chronologiquement la Grande Guerre, les auteurs reviennent sur la mémoire collective du conflit, les torts partagés dans le déclenchement de la guerre, la ténacité des soldats et la défaite de l’Allemagne. Force est de constater qu’une sélection à été faite parmi les entrées du Dictionnaire de la Grande Guerre, sélection indispensable que résout généralement l’index.

Somme toute, un ouvrage de référence sur le sujet.

Dictionnaire de la Grande guerre / sous la dir. de Jean-Yves Le Naour. – Larousse, 2014.- 495 p. : couv. ill. en coul. ; 19 cm.- (A présent). – Bibliogr., Chronol., Index. – EAN13 978-2-03-589746-6 : 9,90 €.

La guerre des Lulus : 1915 – Hans

29.01
2014
cop. Casterman

cop. Casterman

Mercredi, c’est bande dessinée

Les Lulus, ces quatre anciens pensionnaires de l’orphelinat livrés à eux-mêmes dès le début de la guerre, et leur amie Luce, sont bien embarrassés par la présence du soldat allemand, Hans, qu’ils ont dû faire prisonnier. Après avoir surmonté leur frayeur, Hans, qui a voulu déserter son régiment, devient pour eux un véritable ami…

Dans cette suite à La Maison des enfants trouvés, Régis Hautière rend palpable les injustices et horreurs de la guerre, tout en rendant ses personnages terriblement attachants. Cette série qui, tout en flirtant avec l’humour de La Guerre des boutons, traite de la guerre avec intelligence et humanité, a vraiment tout pour elle !

HAUTIERE, Régis, HARDOC. – La guerre des Lulus : 1915 – Hans / coul. de David François et Hardoc. – Casterman, 2014. – 56 p. : ill. en coul. ; 32 cm. – EAN13 9782203063976 : 13,50 €.

Reçu en service de presse.

La guerre des Lulus : 1914 – la maison des enfants trouvés

13.02
2013

 

cop. Casterman

 

Mercredi, c’est bande dessinée

Les Lulus, ce sont quatre pensionnaires de l’orphelinat de l’abbaye de Valencourt en Picardie : Lucas, Lucien, Luigi et Ludwig. Les Lulus, ce sont quatre pensionnaires de l’orphelinat de l’abbaye de Valencourt en Picardie : Lucas, Lucien, Luigi et Ludwig. En été 1914, dans l’ignorance dela guerre qui arrive jusqu’au village, ilsprofitent des moments d’inattention des deux prêtres pour faire le mur et rejoindre leur cabane dans la forêt. Un jour, en leur absence, l’abbaye et tout le village sont évacués par l’armée française : se retrouvant seuls derrière les lignes allemandes, les Lulus s’organisent pour trouver des vivres…

Pas facile de relater la guerre dans une bande dessinée à destination des enfants, et pourtant Régis Hautière y parvient haut la main en imaginant cette histoire d’enfants perdus, qui nous rappellent un peu ceux de Peter Pan, réfugiés dans leur cabane en bois, avec l’aide du trait à la fois rond et précis de Hardoc. Ses dialogues truculents et pleins de naïveté sur la mort et sur la religion abordent le thème de la guerre sans sang ni violence, volontairement proche de l’ambiance d’une Guerre des boutons. On reste sur notre faim en attendant la suite avec impatience !

HAUTIERE, Régis, HARDOC. – La guerre des Lulus : 1914 – la maison des enfants trouvés / coul. de David François et Hardoc. – Casterman, 2013. – 56 p. : ill. en coul. ; 32 cm. – EAN13 9782203034426 : 12,95 €.

Reçu en service de presse.

Le Der des ders de Tardi et Didier Daeninckx

07.03
2012

cop. Magnard Casterman

Ancien Poilu de la Grande Guerre, toujours hanté par le même cauchemar, Eugène Varlot s’est reconverti en détective privé auprès des veuves et des familles éplorées, pour retrouver la trace de leurs disparus. Irène, avant de lui demander de l’engager comme secrétaire à ses côtés, ne s’était pas gênée pour l’accuser d’être un profiteur de toute cette boue remuée d’après-guerre. Engagé officiellement pour une histoire d’adultère par le colonel Fantin, habitant Aulnay sous Bois, Varlot découvre que cette affaire de chantage dissimule en réalité un scandale militaire et financier…

Sur une toile de fond d’après-guerre, Tardi nous emmène découvrir les destins détruits de gueules cassées ou en reconstruction de célibataires, dans un décor d’un Paris 1920 inspiré des photographies d’Eugène Atget de la fin du 19e siècle. Cette affaire de mariage d’intérêt et de gros sous amène aussi notre détective à découvrir des pans cachés de l’Histoire par l’Armée française, comme la mutinerie des Russes de La Courtine, ayant coûté la vie à d’innombrables soldats, ou à des secrets honteux de gradés récompensés pour leur bravoure. Varlot va aussi faire la taupe, à ses risques et périls, chez les anarchistes, qui, ici comme à l’époque, sont perçus comme des groupuscules engagés extrêmement violents, rapides de la gâchette et poseurs de bombe.

On reconnaît bien là la patte de Didier Daeninckx dans ce scénario sans concession, déterrant le linge sale des gradés et n’ayant pas peur des dénouements de la vie réelle, se révélant être trop rarement des « happy end ».

 

 

 

Varlot soldat * de Daeninckx & Tardi (1999)

09.03
2011

Copyright Tardi

27 avril 1917. Ce matin-là, Varlot a vingt ans, mais ce sont « des vies qu’on soufflait à la place des bougies« , car il est au front, en pleine boucherie. A un moment donné, alors qu’il s’est réfugié avec trois de ses camarades dans un trou d’obus, il est obligé de tirer dans la tête de l’un d’eux, Griffon, le boute-en-train de l’escouade, pour masquer son suicide, et garde sur lui la lettre que ce dernier a laissée pour sa jeune épouse Amélie. Peine perdue : aussitôt un obus de 105 tue ses autres camarades sauf lui, qui, blessé, est transporté dans une église reconvertie en hôpital. Là, ils sont plusieurs à entamer une chanson contre les gradés et la guerre, ce qui vaut à Varlot d’être dénoncé par un médecin comme meneur d’insurrection, et envoyé droit au peloton d’exécution. Alors que trois jeunes soldats, avant lui, ayant refusé de monter à l’assaut, sont fusillés, un obus tombe, et seul Varlot en sort, une fois de plus, indemne. Perdu, il finit par se retrouver à Mons, décide alors d’aller remettre la lettre à la femme de Griffon et atterrit dans un bordel pour allemands, en trouvant l’adresse de la maison qui figure sur l’enveloppe. Il confie alors la lettre sans le savoir à Amélie elle-même et repart au front…

Deux grandes vignettes noires et blanches par page mettent en exergue le sombre spectacle que donne à voir la première guerre mondiale : éclatement des corps sous les grenades, amputations, champs de ruines, morts, suicides, peloton d’exécution,… au front, claquement de bottes des patrouilles allemandes dans le silence et bordels à l’arrière.

Textes comme dessins dénoncent la guerre comme une véritable boucherie, où les hommes ne sont plus que de la chair à canon ou à obus, fusillés au moindre cri d’injustice ou au moindre acte de désobéissance. Des deux côtés il n’y a d’autre issue qu’une mort presque certaine.

Macabre, horrible à juste titre.

Varlot soldat / Daeninckx ; [adapt. et dessins de] Tardi. – Paris (16 rue de la Pierre-Levée, 75011) : l’Association, 1999. – Non paginé [36] p. : ill., couv. ill. ; 29 cm. – (& ; 20).

L’ordre du jour ** d’Edlef Köppen (1930)

06.03
2011

Copyright éd. Tallandier

« Vous ne devriez pas lire ce livre.
Roman sans lecteurs, interdit par les nazis dès 1933, condamné au silence depuis soixante-treize ans, L’Ordre du jour figure en tête de la Liste des produits littéraires nocifs et indésirables établie par les services de propagande du Reich. » (note de l’éditeur en quatrième de couverture)

Censuré pendant la période nazie, perdant son auteur en 1939, mort des suites de ses blessures de guerre, L’Ordre du jour, qui fut pourtant salué par la critique à sa parution, tomba dans l’oubli jusque dans les années soixante-dix. Erreur que corrige cette présente édition française… datant de 2006. Or ce roman sur la première guerre mondiale, injustement méconnu à côté du succès extraordinaire que remporta A l’ouest rien de nouveau d’Erich Maria Remarque (1929), mérite amplement qu’on s’y arrête :

Engagé volontaire, le canonnier Adolf Reisiger est envoyé dès octobre 1914 aux alentours d’Arras, commence par des corvées absurdes et répétitives, avant de partir à la bataille de Notre-Dame-de-Lorette. Au front, souvent, c’est l’attente des ordres sans pouvoir contre-attaquer les salves de l’ennemi. Soigné deux fois à l’hôpital de Douai, Adolf est transféré en 1916 à la bataille de la Somme, où une contusion pulmonaire le contraint à une nouvelle hospitalisation pendant deux mois. Fin 1916, le voilà en Russie, où un cessez-le-feu donne soudain un visage humain à l’ennemi en face, avec qui les soldats font du troc, avant de s’interrompre sans prévenir. A son grand soulagement, il repart au printemps 1918 pour l’ouest de la France où c’est la défaite…

Au tout début le narrateur se déclare extrêmement volontaire : il veut accomplir son devoir pour la patrie. Et, insidieusement, de fil en aiguille, à force de voir ses camarades se faire déchiqueter pour un ordre absurde, des gradés plus jeunes que lui perdent et la tête et la vie, découvrir des armes de plus en plus meurtrières, comme les tanks ou le gaz (description effroyable d’un bois mort qu’il traverse et dans lequel son camarade périt). De fait, au fur et à mesure, il met un visage connu sur les morts, jusqu’à reconnaître le sien sur celui d’un soldat en face, ou la voir planer sur les dormeurs dont la guerre a creusé les traits et fait ressortir les orbites. A un moment donné, il écrit deux poèmes pacifistes, sans vraiment s’en rendre compte, et qui, publiés, vont lui attirer des ennuis. Ce n’est que le signe avant-coureur d’une lente conversion vers le pacifisme, qui le mènera tout droit à un asile d’aliénés à la fin de la guerre.

« Le sol glaiseux est répugnant, on dirait du miel synthétique. Les hommes, dans leur trou, ne peuvent plus faire de mouvement normal, les membres dérapent dans une gelée visqueuse. Il n’est quasiment plus possible d’être assis. Un simple mouvement de tête suffit à mettre le corps en déséquilibre. Ils s’arc-boutent des deux mains sur le fond pour se soutenir.
L’ennemi marmite.
La pluie déverse.
L’eau monte lentement dans le trou.
Reisiger plonge dans sa poche de tunique, en ressort un carnet, déjà à moitié trempé. Il le place à travers tunique et chemise, contre la poitrine. Winkelmann veut sauver son pansement individuel. Il le tire de la poche : gonflé, graisseux comme une éponge usée. Il le laisse tomber à terre. Tous deux le voient nager comme un petit navire, puis sombrer.
L’ennemi marmite.
La pluie déverse.
Ils sont trempés jusqu’aux os. L’eau, dans le trou, est montée si haut qu’elle baigne leurs coudes.
L’ennemi marmite.
Quelle heure ?
Lorsque l’aviateur est revenu, il devait être minuit. Reisiger ressort une main de l’eau, retrousse la manche, la montre-bracelet fonctionne encore. Il la tend à Winkelmann. Sept heures du matin.
Depuis sept heures, l’ennemi marmite.
L’obus de 75 millimètres projette 508 éclats à la ronde, l’obus de 150 millimètres 2030, l’obus de 305 millimètres 8110. Profondeurs de pénétration : dans la terre  1,80 mètre, 4,10 mètres, 8,80 mètres.
L’ennemi marmite.
La pluie déverse. » (p. 227)

Largement autobiographique, L’Ordre du jour retranscrit de manière romanesque toute l’horreur de la première guerre mondiale durant ses quatre longues années, un témoignage qui s’inscrit donc davantage dans la durée qu’A l’ouest rien de nouveau, et qui permet de nous faire vivre l’horreur côté allemand. Non seulement ce récit en devient plus fort, sans chercher ni beauté ni héroïsme dans le moindre acte, mais surtout il revêt une forme littéraire bien plus moderne que celle du roman d’Erich Maria Remarque, puisqu’à sa transcription romanesque du conflit, dans un style très sobre, Edlef Köppen a joint des documents historiques provenant des archives de Potsdam et des coupures de presse ou encarts publicitaires conservés par sa mère durant la guerre : entre les extraits du journal du canonnier sont ainsi intercalés avec à propos des messages de la direction générale de la censure, de la police des moeurs, du Vatican, des télégrammes aux généraux, etc. et ordres du jour. Et c’est ainsi qu’a posteriori Edlef Köppen découvre que tous les soldats envoyés à l’ouest en 1918 n’étaient finalement que de la chair à canon, donnés en sacrifice à l’ennemi pour en détourner les forces armées.

Un de ces romans puissants qui vaut tous les discours sur l’horreur de la guerre.



traduit de l’allemand par François Poncet
postface de Jens Malte Fischer
Paris  : Ed. Tallandier , 2006
365 p.  ; 22 cm
ISBN 978-284734-259-8 (br.)