Mots-clefs ‘Philosophie’

Le temps

13.02
2020

IMG_20200206_215702Dans ce recueil de textes philosophiques, Alban Gonord commence par ceux qui finalement m’ont le plus intéressée : Sénèque, dans ses Lettres à Lucilius, opère la distinction entre le temps que nous possédons dans le projet et le temps qui nous possède dans la vieillesse. Nietzsche, dans Seconde considération intempestive, insiste sur l’importance de pouvoir oublier comme condition du bonheur. Sartre, dans L’Etre et le néant, soutient que le passé est déterminé subjectivement par l’homme, qui le choisit et le construit en regard de ce qu’il projette d’être. Et en toute fin d’ouvrage, Deleuze ancre l’éternel retour dans celui de la différence.

Ainsi il ne serait pas pertinent de représenter le temps par une flèche linéaire, mais davantage comme une métaphore du fleuve, la figure du cercle ou encore un son, une mélodie.

Cela m’a donné envie d’aller plus loin avec :

BERGSON

MERLEAU-PONTY. Le visible et l’invisible.

SPINOZA. Lettre XII.

ELIADE, Mircea. Le mythe de l’éternel retour.

JANKELEVITCH, Vladimir. L’irréversible et la nostalgie. Quelque part dans l’inachevé.

 

 

Philosophie de la danse de Paul Valéry

12.05
2017
cop. Allia

cop. Allia

 

Paul Valéry prévient aussitôt son lecteur :

« il faut vous résigner à entendre quelques propositions que va, devant vous, risquer sur la Danse un homme qui ne danse pas. »

Car, selon lui,

« Toute époque qui a compris le corps humain, ou qui a éprouvé, du moins, le sentiment de mystère de cette organisation, de ses ressources, de ses limites, des combinaisons d’énergie et de sensibilité qu’il contient, a cultivé, vénéré la Danse. » (p. 10), ce qui explique son intérêt pour la danse et l’essai qui va suivre.

Il amorce alors une première définition :

« C’est que la Danse est un art déduit de la vie même, puisqu’elle n’est que l’action de l’ensemble du corps humain ; mais action transposée dans un monde, dans une sorte d’espace-temps qui n’est plus tout à fait le même que celui de la vie pratique. » (p. 10-11).

Après avoir passé en revue quelques occupations ou mouvements d’animaux qui ne peuvent pas passer pour de la danse, il revient sur la relative oisiveté de l’être humain, qui s’attache à des passe-temps inutiles, comme l’art de danser :

« L’homme est cet animal singulier qui se regarde vivre, qui se donne une valeur, et qui place toute cette valeur qu’il lui plaît de se donner dans l’importance qu’il attache à des perceptions inutiles et à des actes sans conséquence physique vitale. » (p. 16).

Pour mieux le définir ensuite, Paul Valéry finit par décrire l’état du danseur :

« Il observe que ce corps qui danse semble ignorer ce qui l’entoure. Il semble bien qu’il n’ait affaire qu’à soi-même et à un autre objet, un objet capital, duquel il se détache ou se délivre, auquel il revient, mais seulement pour y reprendre de quoi le fuir encore… «  (p. 27)

Cet objet capital, c’est le sol, vers lequel il revient toujours, gouverné par les lois de la pesanteur dont il essaie de s’arracher.

Et l’esprit dans ce corps qui danse ne voit rien de ce qui l’entoure, il n’est attentif qu’à ce qui se passe à l’intérieur.

Aussi, pour Paul Valéry, la danse constitue « une poésie générale de l’action des êtres vivants ».

Dans ce si joli petit livre, Paul Valéry nous livre une tentative de définition de la danse avec laquelle je suis en accord, dans la mesure où il la caractérise tout à la fois en lien avec la vie intérieure, le sol et la poésie. Inutile au processus vital comme tout autre art, la danse s’apparente au mouvement poétique, comme elle peut provoquer une sorte de transe (techno, danse africaine, les derviches tourneurs) jusqu’à l’épuisement des forces.

Lecture dans le cadre de mon Challenge danse

cop. SeL

cop. SeL

 

Diogène et les cyniques ou la liberté dans la vie simple

09.02
2015

 

cop. Le passager clandestin

« Platon le voyant laver ses légumes s’approcha de lui et lui dit tranquillement :

- Si tu te mettais au service de Denys, tu ne laverais pas des légumes.

- Et toi, répondit Diogène tout aussi tranquillement, si tu avais su laver des légumes, tu ne serais pas au service de Denys. »

Figure centrale du cynisme antique, Diogène semble être celui qui a le mieux incarné cette pensée, qui l’a appliquée à son existence-même. Etienne Helmer souligne la radicalité des changements et des renoncements qu’implique le fait de devoir se suffire à soi-même pour accéder au bonheur par une vie simple, vertueuse, d’une frugalité extrême et un retour complet à la nature, en deçà de toutes les conventions et coutumes… quitte à créer le scandale en autorisant l’anthropophagie, l’inceste et le parricide, et en abolissant les rites funéraires. Précurseur de la décroissance, Diogène cherche ainsi à réduire au maximum la distance entre l’appétit et son objet, le besoin et sa satisfaction, et donc la dépendance sociale, créée par le travail et le commerce, pour parvenir à une espèce d’autarcie ou d’autosuffisance libératrice.  

« A cette question « Quelle est la chose la plus belle dans l’homme ? » Il répondit : « La liberté de parole ». »

Proche finalement de la pensée épicurienne, Diogène s’en démarque par son comportement volontairement provocateur, propre à éveiller les consciences, qui, de nos jours, semblerait inimaginable.

 

 

HELMER, Etienne.

Diogène et les cyniques ou la liberté dans la vie simple

Le passager clandestin (Les précurseurs de la décroissance ; 2014)

103 p.

EAN13 9782369350194 : 8 €.

 

La philosophie pour ceux qui ont tout oublié

06.10
2014

cop. Larousse

cop. Larousse

Tout, vous saurez tout en quatre pages sur les principaux courants philosophiques et sur chacun des 67 grands philosophes jusqu’à Michel Foucault, il y a 30 ans. 25 dossiers sont également consacrés aux différents concepts, rédigés par Sébastien Barbara pour cette présente édition, puisque le reste des textes provient du Petit Larousse des grands philosophes. Ce qui ne retire rien à l’intérêt de cet ouvrage accessible et complet (si vous n’avez pas déjà le précédent), qui permettra aux lycéens non pas de se souvenir (à moins d’avoir une réminiscence platonicienne) mais de découvrir la philosophie.

La philosophie pour ceux qui ont tout oublié. – Larousse, 2014. – 367 p. : ill. n.b.. – EAN13 9782035902634 : 19,90 €.

Penser la mort ? de Vladimir Jankélévitch

07.04
2014
cop. Liana Levi

cop. Liana Levi

Peut-on penser l’impensable, la mort ? Dans quatre entretiens qu’il a donné à France Culture à la suite de la publication de son ouvrage sur La Mort en 1966, Vladimir Jankélévitch, qui a longtemps occupé la chaire de philosophie morale à la Sorbonne, s’exprime sur les multiples facettes de la pensée de la mort.

Dans un premier entretien avec Daniel Diné, le philosophe met l’accent sur le contraste entre le caractère somme toute banal, insignifiant de ce phénomène démographique, médical, à l’échelle de la planète, et le caractère unique, irrévocable de cette tragédie personnelle qui fait perdre le goût de la vie aux survivants. Si le défunt est « il » ou « elle », « Tout le monde est remplaçable », ce n’est jamais une perte pour la perpétuation de l’espèce humaine. Si le défunt est moi-même, je ne peux pas en parler. En revanche, si la mort est à la deuxième personne, si c’est un proche qui meurt, c’est là une expérience philosophique car cette mort me touche, et le prochain, cela peut être moi. D’ailleurs, quand les parents disparaissent, c’est la dernière barrière biologique qui disparait. Après c’est notre tour.

« La mort, non seulement nous empêche de vivre, limite la vie, et puis un beau jour l’écourte, mais en même temps nous comprenons bien que sans la mort l’homme ne serait même pas un homme, que c’est la présence latente de cette mort qui fait les grandes existences, qui leur donne leur ferveur, leur ardeur, leur tonus»

 Car la durée de la vie aura beau s’allonger sans cesse, la vie sera tout de même finie… 

Le second entretien avec Georges Van Hout porte sur la croyance religieuse et surtout sur celle d’un au-delà.

Le troisième entretien avec Pascal Dupont se penche sur le cas de l’euthanasie, qui est à la fois un problème philosophique et pratique pour le médecin qui ne veut pas être accusé d’être un meurtrier. 

Enfin, dans le dernier entretien, « Corps, violence et mort », sont examinées les pratiques sociales et gouvernementales vis-à-vis de la mort : cimetières, funérailles, peine de mort, greffes d’organes, guerres, tortures, répressions,… 

 

Il est souvent plus reposant de ne pas penser à la mort. C’est elle qui vient en général se rappeler violemment à nous, à travers le décès d’un proche. C’est pourtant le sujet philosophique par excellence, le seul peut-être par lequel il faille commencer. A la suite d’Epicure et de sa Lettre à Ménécée, Vladimir Jankélévitch, qui a longtemps occupé la chaire de philosophie morale à la Sorbonne, nous offre ici, dans un langage clair et direct, une réflexion sur la mort couvrant des champs aussi bien psychologiques et moraux, qu’éthiques scientifiquement, religieux, socio-culturels ou encore politiques. Des entretiens intéressants, qui entérinent mon avis sur la question.

Un jour une citation

19.12
2013
cop. Isaac Cordal

cop. Isaac Cordal

« Sans la mort, il n’y aurait pas de philosophie »  

Schopenhauer, Le Monde comme volonté et comme représentation, § XLI (PUF, p. 1203).

Qu’est-ce que croire ? de Roger Pouivet

16.09
2013
cop. Vrin

cop. Vrin

Qu’est-ce que croire ? Comment d’abord définir la croyance ? Roger Pouivet rapproche la croyance au sens d’opinion de la DOXA chez les Grecs, qui s’oppose à l’EPISTEME, connaissance ou savoir qui débouche sur la certitude. On se souvient du doute hyperbolique à l’égard de toutes ses croyances dont use Descartes dans ses Méditations métaphysiques pour contrer le Malin Génie ou Dieu trompeur et ainsi atteindre la certitude absolue.

Roget Pouivet remet en question la démarche épistémique de Platon (Théétète) et de Descartes en analysant ici les différentes conceptions philosophiques – déontologique et fiabiliste – qui s’affrontent autour de la croyance. Pour lui, ce sont les vertus intellectuelles la source de garantie de nos croyances et et d’une vie épistémique bonne. Partant, il avance un certain nombre de réponses philosophiques aux questions suivantes : sommes-nous responsables de nos croyances ? Qu’est-ce qu’une vertu intellectuelle ? Les croyances religieuses peuvent-elles être garanties ? Comment peut-on ne pas croire en l’existence de Dieu ? Est-il vrai que le savoir soit ce dont on ne peut pas douter ? Quelle est la valeur épidémique d’un témoignage ? Il achève son essai en commentant deux textes de Thomas Reid – Recherches sur l’entendement humain – et de Ludwig Wittgenstein – De la certitude, se prononçant pour le fiabilisme (analyse psychologique chez Reid, conceptuelle chez Wittgenstein), deux textes montrant que la garantie de nos croyances est fondamentalement liée à la valeur du témoignage et au sens commun.

Un ouvrage de réflexion ouvrant largement sur la question philosophique de la croyance. Une mine d’or  pour ceux et celles qui préparent l’agrégation de philosophie cette année.