Un jour, François Vallier, jeune pianiste célèbre, reçoit la lettre d’un infirmier d’un hôpital psychiatrique qui dit l’avoir découvert grâce à l’une de ses patientes qui l’écoute continuellement. Il laisse alors tout en plan pour se rendre sur place et demande à voir Sophie, internée depuis des années, avec qui il a eu une relation amoureuse, et qu’il a fuie, la laissant livrée à elle-même dans des circonstances tragiques…
Beau titre, beau thème, mais quoi… un roman que je vais vite oublier, tant l’écriture, l’intrigue, les personnages même, manquent de résonance, le protagoniste étant lui-même complètement antipathique.
La dernière image, c’est celle que l’on voit juste avant de rendre son dernier soupir. Et ce dernier soupir, un représentant en dés à coudre et en enclumes vient de le rendre au cours d’une partie de billard, dans un bar, qui a mal tourné. Paniqués, le tenancier et le meurtrier déplacent l’homme dans la vitrine d’une boutique apparemment vide, « La dernière image ». Mais au contraire, celle-ci est tenue par un certain Baron tzigane, qui récupère le dit mort, lequel se réveille sur un radeau-violon, sur un océan de note, au milieu des requins-cigares…
Quelle aventure, mes aïeux ! Encore une fois, Fred nous embarque dans un rêve qui aurait pu être macabre s’il n’avait été aussi plein d’humour, de fantaisie et d’imagination, dans la même veine que sa série Philémon. Magique !
Retrouvez les autres albums de Fred, avec Philemon, dans Carnets de SeL :
Orphelin de mère, petit-fils d’un baron de la pègre de Chicago, Moe a grandi en Italie, auprès d’un père ivrogne et brutal. Mais à sept ans, la rencontre d’un maître organiste, Paolo Durante, lui révèle la musique. Il tombe amoureux d’une aliénée échappée d’asile, amour impossible qui le marquera… Moe rentre au Conservatoire, entouré de fils et de filles de musiciens ou compositeurs célèbres. Son amour du jazz détonne…
Beaucoup de mal à entrer dans ce roman, qui tombe des mains… Trop hermétique pour les non-connaisseurs, une atmosphère obscure…
Prix Médicis 2000
APPERRY, Yann. – Diabolus in musica. – Paris : LGF, 2000. – 283 p.. – ISBN 2-253-1523-58 : 5,50 €.
John Cage, un nom pareil on s’en souvient : ça tape ! John Cage (1912-1992), justement, vous devez le connaître au moins de nom, en tant qu’artiste ayant révolutionné la musique au XXe siècle. Destiné aux professeurs enseignant l’histoire des arts en terminale, ce livret s’attache à nous montrer toutes les facettes interdisciplinaires de cet artiste ancré dans son époque.
Sa vie durant, il aura accompagné les oeuvres chorégraphiques de son compagnon de vie Merce Cunningham (« Le sujet de la danse, c’est la danse elle-même« ), en composant des musiques toujours liées à l’idée d’un déroulement du mouvement dans l’espace et inscrites dans une dimension spatio-temporelle.
Plus connu pour sa musique expérimentale, John Cage a pourtant aussi renversé les codes établis au travers de ses compositions et ses créations plastiques aléatoires, à la fin des années 60. Objets, dessins, gravures et aquarelles sont inspirés de la philosophie bouddhiste zen et du taoïsme, notamment du livre de sagesse chinois, le Yi-King, dont il va user du principe du tirage au sort (River rocks and smoke, 1990).
Quelles ont été ses autres sources d’inspiration ? D’abord la lecture de L’Art des bruits du futuriste Luigi Russolo (1916), Jean Arp, jongleur du hasard, Satie, Dada et Duchamp (ready-made), dont les objets et images tirés du quotidien témoignent non plus d’un savoir-faire chez l’artiste, mais d’un savoir-choisir. Erik Satie, qu’il apprécie, compose le premier happening, création interdisciplinaire, Le Piège de Méduse. En littérature, ce sont Rimbaud et Mallarmé, et surtout James Joyce, à l’écriture fragmentaire, qu’il a le plus admirés. En philosophie politique, il est marqué par la pensée de Thoreau et de Wittgenstein, et donc par l’anarchie et le principe d’indétermination.
En 1952, ces influences aboutissent à Water music pour piano, où se mêlent bruits d’écoulement d’eau, de sifflet et de radio, tel un collage sonore d’éléments réels du quotidien. La même année, il ose enfin écrire la pièce de musique sans sons dont il avait parlé lors d’une conférence en 1947, la composition 4’33 » de silence. Le « geste banal », sans jugement esthétique, fait place au concept.
John Cage
John Cage a ouvert la voie à d’innombrables artistes, brisant les codes établis, les frontières entre le quotidien et la scène artistique, entre les arts, entre la vie et l’art, en véritable anarchiste dans le vrai sens du terme. Un grand Monsieur.
John Cage : un artiste dans son temps / dossier réalisé par Ulrike Kasper. – Scéren-CNDP, 2009. – 79 p. : ill. en cool.. – (Baccalauréat ; Histoire des arts). – EAN13 9782240030481 : 15,90 €.
Ce soir-là, en cette « Nuit parfaite », des téléspectateurs assistent en direct aux retrouvailles, vingt ans après, du chorégraphe d’un groupe de chanteuses devenu légendaire, Jõao de Lucena, avec celle qui écrivait sous pseudonyme les paroles de la chanson Afortunada, Solange de Matos. Cette dernière se souvient… A l’époque, à la fin des années quatre-vingt, elle n’est âgée que de dix-neuf ans quand les soeurs soprano, Maria Luisa et Nani Alcides, la présentent à Gisela Batista, qui se fait fort de mener au succès le groupe formé par ces trois filles, Madalena Micaia dite l’African Lady, et elle-même, mais à quel prix…
L’écriture subtile et sensible de Lidia Jorge nous emmène au coeur des tensions qui agitent ces jeunes femmes, tiraillées entre leur vie sentimentale et leur volonté de réussir, qui exige tant de sacrifices. Ces pressions psychologiques, ce ne sont pas tant les hommes qui les managent qui les leur font subir, que leur consoeur charismatique, Gisela. Non contente de mettre en exergue la condition féminine à cette époque, Lidia Jorge fait aussi de cette histoire un roman d’apprentissage où la jeune narratrice fait l’expérience de la force poétique voire protectrice des mots, mais aussi des mensonges et des secrets d’un cercle mondain, qui n’hésite pas, pour assurer sa gloire, à cacher quelques cadavres dans un placard. Un très beau roman, à la puissance hypnotique, déroulant lentement les arcanes du succès pour les mettre en lumière, sans porter de jugement.
« Je suis revenue sur mes pas. Le vent froid de la nuit poussait le papier vers la grille des eaux pluviales, encore un instant et il disparaîtrait au fond. Je voulais me souvenir de la phrase que j’avais écrite et je ne me souvenais plus de rien, pas même du mot « Afortunada ». Chanceuse. J’avais pensé que ce qui était écrit n’était peut-être rien et pourtant, une fois perdu, ça me semblait être un trésor. Je me suis précipitée sur le bout de papier qui n’arrêtait pas de courir en cahotant tout droit vers la grille, mû par une force d’attraction, telle une balle de golf vers le trou. Ma chance s’en allait avec lui. Chanceuse. J’ai rattrapé le bout de papier au dernier instant, je l’ai déplié devant mes yeux et j’ai vu qu’il était intact : « Afortunada, afortunada, elle a de la chance et ne désire rien. » Mais il n’y avait pas que ces mots-là, non, quelqu’un avait écrit : « Elle a un amour et n’a pas d’amant / Elle a un logis et n’a pas de maison / Elle a de la chance et ne désire rien. » » (p. 150)
JORGE, Lidia. – La nuit des femmes qui chantent. – Métailié, 2012. – 309 p.. – EAN13 9782864248484 : 21 €.
Si vous ne vous êtes encore jamais intéressé à la danse moderne, il est possible que les noms de Doris Humphrey, Charles Weidman, Martha Graham, Ruth Saint Denis, José Limon, Louise Brooks, … entre autres, ne vous disent strictement rien. Et pourtant cela ne diminuera en rien votre plaisir à lire ce roman qui retrace, à travers le destin de Doris Humphrey, célèbre danseuse et chorégraphe américaine des années 30, la carrière de ces pionniers américains de la danse moderne, de 1920 à 1975.
« En danse moderne nous prétendons non vous divertir, comme le fait la danse classique, mais vous troubler et vous instruire. Je voudrais vous amener à vibrer jusque dans votre respiration et vos fibres musculaires. Oui, atteindre en vous une zone viscérale, inconscient peut-être. C’est pourquoi la danse moderne, à l’inverse du ballet traditionnel, rejette le vedettariat et la virtuosité pour la virtuosité. Le caractère démocratique de notre danse se situe à l’opposé de l’élitisme académique. Notre compagnie détient un fonctionnement égalitaire, chacun peut devenir le partenaire de l’autre. Et le sol et l’espace sont aussi pour nous des partenaires. J’aimerais que vous sentiez combien le corps, le mien ou le vôtre, peut se mouvoir en prenant appui sur l’espace comme sur un être vivant, un être aimé oserai-je dire, qui parfois le soutient, parfois le lâche. Ainsi le danseur moderne fait-il naître les formes à partir des variations de l’énergie. Regardez… » (p. 153-154).
Quelle est la part de fiction dans cette « biographie romancée » ? Comment s’autoriser à inventer autour de personnages qui ont réellement existé ? Pourquoi avoir choisi d’écrire un roman centré autour de la rivale de Martha Graham, alors Claude Pujade-Renaud fut son élève, puis elle-même chorégraphe et professeur ? Voilà des questions que nous ne manquerons pas de poser à cette nouvelliste et romancière, que nous rencontrerons l’an prochain.
Dans cette histoire passionnante, Claude Pujade-Renaud brosse le portrait extraordinaire d’une femme d’exception, Doris Humphrey, qui éprouve beaucoup de difficultés à couper le cordon ombilical avec sa mère comme avec ses professeurs. Fille ou élève, elle préfère oublier son corps de femme, souillé dans une chambre d’hôtel, et avec lui toute sexualité ou maternité, pour mieux dompter son corps de danseuse et s’interroger sur ses créations et sur les méthodes d’apprentissage de ses disciples. Quelles concessions, quels sacrifices sont à faire pour pouvoir créer pleinement ? L’héroïne cite à un moment donné Une chambre à soi de Virginia Woolf, et refuse longtemps mariage et enfants. Sa véritable famille, on le voit, ce sont ceux qui vivent comme elle pour la danse, ce sont ses trois partenaires, Pauline Lawrence, Charles Weidman et José Limon.
Un magnifique roman, vibrant et sensible. Comment ne pas vouloir danser après cela ?
La Danse océane / Claude Pujade-Renaud. - Arles : Actes sud , 1996 .- 382 p. ; 18 cm .- (Babel ; 234). – ISBN 2-7427-0912-6.