Mots-clefs ‘merveilleux’

Balthazar au pays blême de Corteggiani & Domecq

18.10
2017
cop. Casterman

cop. Casterman

 

Dans un orphelinat de Saint-Pétersbourg, au début du siècle dernier, Balthazar se réveille d’un cauchemar, certain qu’on va venir le chercher. Guidé par une voix, il décide de s’enfuir. Au même moment, des soldats viennent le chercher et son meilleur ami se fait passer pour lui. Balthazar trouve alors refuge dans la roulotte de Maroussia…

Le dessin est rond, entre le manga et l’album pour enfants, le découpage bien rythmé, les atmosphères de couleurs bleues, vertes et rouges alternées ; le scénario mêle les personnages emblématiques du folklore russe au conte merveilleux, laissant malgré tout de nombreuses zones d’ombre nuisant à la vraisemblance de l’ensemble.

CORTEGGIANI, François, DOMECQ, Mathilde

Balthazar au pays blême

Casterman, 2017

120 p. : ill. en coul.

EAN13 9782203094390 : 18 €

Légendes de la mer de Bernard Clavel

03.09
2017
cop. Livre de poche

cop. Livre de poche

Bernard Clavel s’est inspiré de mythes et contes régionaux, de Bretagne comme des quatre coins du monde, pour imaginer ces légendes de la mer et des fleuves.

On est loin de la petite sirène, prête à tout sacrifier pour son beau prince : ici les sirènes se montrent redoutables pour les pêcheurs. Les intentions des hommes, suivant qu’elles soient bonnes ou mauvaises, se trouvent récompensées ou sévèrement punies. Ainsi sont louées leurs bonnes actions envers les animaux de la mer, et aux plus méritants sont offerts des objets magiques.

Un recueil que j’ai retrouvé de mon enfance, que j’ai dû lire maintes fois alors. Les histoires non édulcorées ne m’ont pas forcément séduites, toutes finalement ou naïves ou cruelles.

Hilda et la forêt de pierres de Luke Pearson (2017)

16.01
2017
cop. Casterman

cop. Casterman

 

Dans la ville de Trollbourg, Hilda passe son temps à mentir à sa mère pour ne pas l’inquiéter, alors qu’elle enfreint toujours les interdits. Mais cette fois-ci, elle va entraîner sa mère malgré elle dans ses aventures et se retrouver dans un repaire de trolls….

Ce cinquième tome des aventures de Hilda, à l’imaginaire toujours aussi foisonnant et au superbe graphisme, invite à une suite qu’on a bien hâte de lire ! Une série à offrir aux enfants à partir de 8 ans.

A lire du même auteur dans la série : Hilda et la parade des oiseauxHilda et le trollHilda et le géant de minuit et Hilda et le chien noir.

PEARSON, Luke. - Hilda et la forêt de pierres / trad. par Basile Béguerie. – Casterman, 2017. – n.p. : ill. en coul. ; 31 cm. – EAN13 978-2-203-09756-8 : 16 €.

 

La petite sirène et autres contes de Hans Christian Andersen

26.08
2016

7209Après les Contes de Charles Perrault, voici ceux de Hans Christian Andersen, qu’il a lui-même écrits de toutes pièces à partir de récits populaires et non rassemblés. Réputé comme étant meilleur écrivain et surtout moins misogyne, j’étais curieuse de savoir si j’allais davantage apprécier ses contes, après avoir comparé sa version originale de La Petite sirène avec celle de Walt Disney, et surtout de relire La fameuse Reine des neiges, avant que ma fille ne voie un jour l’adaptation infidèle de Walt Disney. Quels contes contient ce fameux recueil ?

J’en connaissais comme vous la plupart, mais ma mémoire avait grandement besoin d’être rafraîchie : La petite Sirène, La princesse sur un pois, La petite poucette, L’intrépide soldat de plomb, Le vilain petit canard, La Reine des neiges, La petite fille et les allumettes, et d’autres absolument pas : Le coffre volant, La cloche, La bergère et le ramoneur, Les amours d’un faux col, La vierge des glaciers.

Eh bien, de tous ces contes, c’est Le Vilain petit canard qui me plait le plus finalement (dans lequel l’auteur aurait placé les principaux épisodes de sa vie), certains contes se rapprochant trop de thématiques qui me déplaisent (La petite Sirène, La princesse sur un pois, La petite poucette, La bergère et le ramoneur), d’autres contes me paraissant par trop tristes (La petite fille et les allumettes), même si l’humour et l’ironie du sort restent palpables chez certains (L’intrépide soldat de plomb, Le coffre volant, Les amours d’un faux col) et que La Cloche parait même un brin écolo-mystique. Quant à la Reine des neiges, je cherche en vain ce qui justifie que Disney ait pu conserver ce titre en en ayant totalement modifié le contenu, le conte original n’ayant a priori rien à voir avec le film d’animation éponyme qui connait un énorme succès auprès des enfants. D’ailleurs, sa version du Vilain petit canard est elle aussi détestable et en modifie totalement l’intention. 

Verdict plus nuancé qu’avec Perrault donc, avec des contes qui respirent la joie et la tristesse de la vie.

Les contes de Perrault de Marc Soriano

22.04
2016
cop. Tel Gallimard

cop. Tel Gallimard

Normalien agrégé de philosophie, Marc Soriano (1918-1994) se spécialisa dans l’étude de Charles Perrault et de Jules Verne. Romancier et psychanalyste, professeur de littérature populaire et pour la jeunesse à Bordeaux III et professeur émérite à Paris VII, il publia en 1968 Les Contes de Perrault, culture savante et traditions populaires, où il se propose de répondre à des questions insolubles :

Oui ou non, ce fameux recueil est-il un livre pour enfants ? Si oui, à quel courant pédagogique se rattache-t-il ? Si non, qu’est-il exactement ?

De quelle manière se rattache-t-il à la mode des contes de fées ? Et à la querelle des Anciens et des Modernes ?

Pourquoi Perrault, chef de file des Modernes, se donne-t-il la peine de recueillir ces « contes de vieilles », venus d’un lointain passé ?

S’agit-il de contes réellement populaires ou d’une oeuvre de lettré ?

etc.

Pour analyser les contes en vers et les histoires ou contes du temps passé - Griselidis, Peau d’Ane, Les souhaits ridicules, La Belle au bois dormant, Le Petit Chaperon rouge, La Barbe bleue, La Chat botté, Les Fées, Cendrillon, Riquet à la houpe et Le Petit Poucet – Marc Soriano commence par se poser la question de la paternité de l’oeuvre et de ses sources d’inspiration, bien souvent empruntées à la littérature orale ou à la littérature napolitaine de Basile que Perrault adapte très librement (Peau d’Ane en particulier). Marqués par la mentalité d’une époque – le XVIIe siècle – et par la gémellité de l’écrivain, ces contes ne sont pas tant destinés aux enfants que des transmissions d’une mémoire collective. Aussi la misogynie ainsi que l’insuffisance éducative des parents transparaissent dans les textes, parfois grotesques (Les Trois souhaits), d’autres fois truffés d’erreurs et de contradictions. Seul Le Petit chaperon rouge se dégage du lot finalement, seul conte d’avertissement véritablement destiné aux enfants. D’ailleurs ce dernier meurt chez Perrault, et non dans la version des frères Grimm, qui lui substitue le dénouement du Loup et des 7 chevreaux. En outre, il permet des jeux de voix, des mimiques, des répétitions d’expressions importantes qu’hélas certains éditeurs suppriment actuellement : « le petit pot de beurre », « tire la chevillette, la bobinette cherra », « c’est pour te manger »,…. Soriano, abordant l’aspect psychanalytique du conte, assimile alors l’action de « dévorer » à « faire l’amour » (déshabillé de la grand-mère, petit Chaperon rouge dans le lit) et le personnage du loup au père, et donc au complexe d’Oedipe, le cauchemar absolu étant alors désiré, le petit Chaperon rouge souhaitant être mangé (les petites filles réclamant que leur père joue le rôle du loup pour les dévorer).

De quoi nous faire abandonner définitivement l’idée de lire à nos enfants la plupart des contes d’autrefois, notamment Peau d’Ane (l’inceste), Cendrillon (paumée sans les hommes) et La Belle au bois dormant (vierge accouchant de deux enfants durant son sommeil)…

Alice au pays des merveilles de L. Carroll vs Walt Disney

28.02
2016
cop. GF-Flammarion

cop. GF-Flammarion

 

Après La Petite Sirène, penchons-nous sur l’adaptation cinématographique (1951) des Aventures d’Alice au pays de merveilles (1865) et de l’Autre côté du miroir (1871) de Lewis Carroll, qui n’ont jamais cessé d’inspirer écrivains, psychanalystes, philosophes, musiciens et réalisateurs.

Les frontières entre le réel et le rêve y sont ténues, l’absence de logique implacablement logique, et les jeux de langage propices aux quiproquos.

L’histoire

Qu’arrive-t-il à la petite Alice qui s’ennuie ? Toute une série de rencontres avec des personnages tous plus ou moins fous (Le Chapelier fou), dès l’instant où elle suit dans son terrier ce lapin en retard, consultant sa montre à gousset, et atterrit dans un monde où les animaux (Le Lièvre de Mars, le chat du Cheshire, le Bombyx) et les fleurs parlent et raisonnent, où l’on peut grandir ou rapetisser à volonté suivant ce que l’on mange ou boit, un monde onirique gouverné par une reine despotique dont les sujets ne sont autres qu’un jeu de cartes. Aussi, dans ce monde illogique, tout devient très relatif… de quoi aiguiser son esprit critique.

Mon avis

Difficile d’adapter l’humour britannique et son art du non-sense… Cette libre adaptation du roman de Lewis Carroll ne me semble pas si mauvaise, cherchant à rendre linéaire un récit particulièrement original et décousu, et à ne retenir que quelques vingt personnages emblématiques sur les 80 existants (et en ajoutant un, la poignée de porte). En revanche, de nombreuses chansons, emblématiques de Disney, émaillent le récit. Pas d’histoire de fille attendant patiemment son prince charmant ici, mais une petite fille de bonne famille refusant une éducation austère et l’apprentissage par les livres pour s’évader seule, poussée par la curiosité, dans un imaginaire débridé et fantasque. Si vous souhaitez lire son interprétation psychanalytique, lisez ceci.

A garder donc dans la vidéothèque des enfants.

La petite sirène de H. C. Andersen vs Walt Disney

21.02
2016
cop. Susanne Davidson

cop. Susanne Davidson

Le début de cette année 2016 me conduit à revoir avec ma fille de longs métrages d’animation, notamment des Walt Disney : Rox et Rouky, Les Aristochats, La Belle et le clochard, Le Livre de la jungle,…

Parallèlement je relis les contes de Charles Perrault, des frères Grimm et de Hans Christian Andersen, ceux du premier m’ayant permis de me rendre à quel point leur vision, celle d’une époque, entérine discriminations sexistes et sociales.

Commençons par comparer la version originale (1836) de La Petite Sirène à celle remaniée du 33e film de Walt Disney par Jon Musker et Ron Clements (1989) :

Le conte

Cadette des six princesses, Ariel se languit du monde des humains dont parle ses soeurs. Le jour de ses quinze ans arrive le rite de passage à l’âge adulte : sa grand-mère lui permet enfin de remonter à la surface : à bord d’un navire une fête est organisée en l’honneur d’un beau prince, qu’elle sauve de la noyade lorsqu’une tempête éclate. A son réveil, le prince est secouru par une jeune fille. Depuis lors, Ariel n’aspire qu’au beau prince et à son âme immortelle. Car si les sirènes meurent en se transformant en écume au bout de trois cents années d’existence, les humains, eux, ont la vie plus courte mais l’âme immortelle. Elle décide alors d’aller trouver la sorcière, qui accepte de satisfaire ses « stupides désirs » qui ne lui apporteront que malheur, en échange… de sa langue, qu’elle lui coupe, pour lui confisquer ce qu’elle a de plus beau, sa voix. En buvant son élixir, la petite sirène, désormais muette, perd à jamais sa queue qui se transforme en deux jambes, la faisant souffrir comme si des aiguilles se plantaient dans ses pieds. Si le prince ne s’attache pas à elle, jamais elle n’aura d’âme immortelle, et s’il en épouse une autre, elle mourra, le coeur brisé. Hélas, si le prince s’attache bien à elle, il n’en tombe pas amoureux, mais d’une princesse en qui il reconnait celle qui le trouva sur le rivage. Alors que ses soeurs donnent leurs cheveux à la sorcière pour que la petite sirène puisse avoir le choix entre tuer son prince ou mourir, Ariel préfère mourir et se transforme en fille de l’air…

Le film

Le personnage de la grand-mère disparait au bénéfice de trois animaux qui accompagnent Ariel dans ses aventures, un poisson, un Bernard l’Hermitte et un cormoran. Cela supprime une figure féminine qui use de façon bienveillante du pouvoir, et cela ajoute des personnages humoristiques qui sont au service des autres, parmi lesquels le Bernard L’Hermitte, qui semble être un esclave noir, habitué à s’amuser, chanter et danser, véhiculant un message somme toute raciste.

La petite sirène ne tombe plus amoureuse d’une statue représentant son idéal masculin, mais de la statue du prince réel qu’elle a rencontré.

Les conditions de la transformation de la petite sirène en humaine exigent d’elle un sacrifice bien moindre : Ariel donne sa voix, sans qu’on l’ampute de sa langue, sa queue se transforme en jambes sans qu’elle dût en souffrir, elle a trois jours pour se faire aimer du prince sans quoi elle redeviendra sirène.

C’est la méchante sorcière qui se fait passer pour la princesse qui a secouru le prince, et avec qui il s’apprête à se marier, comme ensorcelé, ce qui adoucit l’effet des apparences trompeuses et du coup du sort. En effet, le prince est tombé amoureux de la voix de celle qui l’a sauvé.

Toute cette histoire, enfin, se termine par un happy end, la sorcière étant tuée par le prince, sauvant à son tour la petite sirène, et tous deux convolant en de belles noces sur le navire.

Mon avis

Au début du conte comme du film, les rôles traditionnels sont inversés : le prince séduit la jeune fille qui l’observe en chantant et en jouant de la musique, et cette dernière vole à son secours alors qu’il se noie. Dans la conte d’Andersen, la jeune sirène pouvait finalement gagner une âme immortelle, mais pas le coeur du prince, pour lequel elle a tout sacrifié, famille, queue de sirène, joies, jusqu’à sa vie. Pour devenir femme et séduire, la jeune femme doit endurer mille souffrances, et ce sans avoir l’heur de plaire à l’élu de son coeur. Chacun en effet est resté fixé sur une image de l’amour idéal, la sirène sur la statue dans son jardin qui ressemble au prince, le prince sur le visage de celle qu’il pense l’avoir secouru… Les apparences sont trompeuses, les fantasmes conduisent à des erreurs. De la souffrance d’être femme, de la puberté, le film ne parle pas. Le « Sois belle et tais-toi«  ne permet pas à la petite sirène originale d’accéder au bonheur, contrairement à celle du film. Et la mise en garde finale du conte d’Andersen n’existe plus chez Walt Disney, ce qui détourne complètement le message initial : tout est bien qui finit bien, les sacrifices de la petite sirène pour plaire au prince sont enfin récompensés, le prince, retrouvant sa virilité, vole à son secours à son tour, et son père confie sa fille chérie aux bons soins de ce dernier… Message anti-féministe et très patriarcal, complètement opposé à celui de Hans Christian Andersen.

A éviter donc. A cette version il me faudrait voir l’adaptation japonaise, qui semble plus proche du message original.