Essai sur la relation du corps à l’esprit
Dans le premier chapitre, Bergson s’attaque à l’idéalisme et au réalisme comme étant deux thèses également excessives. Il est faux de réduire la matière à la représentation que nous en avons, d’en faire une chose qui produirait en nous des représentations mais qui serait d’une autre nature qu’elles : la matière est un ensemble d’ »images », à mi-chemin entre la « chose » et la « représentation », perçues quand j’ouvre mes sens, inaperçues quand je les ferme.
« il n’y a pas de perception qui ne soit imprégnée de souvenirs. » (p.30)
La mémoire, en tant qu’elle recouvre d’une nappe de souvenirs un fond de perception immédiate et en tant aussi qu’elle contracte une multiplicité de moments, constitue le principal apport de la conscience individuelle dans la perception, le côté SUBJECTIF de notre CONNAISSANCE des CHOSES.
« il n’y a pas de perception sans affection. » (p. 59)
« (…) l’affection n’est pas la matière première dont la perception est faite ; elle est bien plutôt l’impureté qui s’y mêle. » (p. 60)
La mémoire est pour lui « une survivance des images passées. » (p. 68)
Dans le second chapitre, Bergson distingue deux types de souvenirs :
- « le souvenir de la leçon, en tant qu’apprise par cœur, a tous les caractères d’une habitude. Comme l’habitude, il s’acquiert par la répétition d’un même effort. Comme l’habitude, il a érigé la décomposition d’abord, puis la recomposition de l’action totale. Comme tout exercice habituel du corps, enfin, l s’est emmagasiné dans un mécanisme qu’ébranle tout entier une impulsion initiale, dans un système clos de mouvements automatiques, qui se succèdent dans le même ordre et occupent le même temps. »
Ce type de souvenir constitue une action, une « habitude éclairée par la mémoire. »
- le souvenir de telle lecture particulière, un souvenir daté, qui ne se répète pas.
Ce type de souvenir constitue une représentation.
Aussi le « déjà vu » serait une fusion ou juxtaposition entre la perception et le souvenir.
Dans les chapitres suivants, Bergson n’aura de cesse de développer et de préciser cette distinction. Il faut selon lui que « le passé soit joué par la matière, imaginé par l’esprit. » (p. 251) Qu’est-ce à dire ? Qu’un type de souvenir s’ancre dans le corps comme une habitude motrice, un automatisme, causé par une perception qui prépare les actions, tandis que le second type de souvenir est rappelé par l’esprit, c’est la représentation de l’objet absent.
« La mémoire est autre chose qu’une fonction du cerveau, et il n’y a pas une différence de degré, mais de nature, entre la perception et le souvenir. » (p. 266)
Ainsi, « l’intérêt d’un être vivant est de saisir dans une situation présente ce qui ressemble à une situation antérieure, puis d’en rapprocher ce qui a précédé et surtout ce qui a suivi, afin de profiter de son expérience passée. » A l’origine, le souvenir a donc une utilité vitale qui permet la survie, par association, ressemblance ou contiguïté.
Un ouvrage philosophique qui fait paraître simple une distinction à laquelle on n’aurait pas songé sinon. Ainsi ce que l’on perçoit est tout entier subjectif, chargé d’affection, dès lors que cette perception n’est pas neuve mais nourrie d’un passé, d’expériences antérieures. Ce que l’on rappelle du passé par l’esprit est tout aussi subjectif, parfois cette « image » est même construite ou reconstruite par différentes phases du passé et par le présent. J’aurais aimé que Bergson évoque ce dernier aspect, mais il n’en parle pas.