« Après avoir pas mal cherché, je suppose, tu as trouvé mon agenda rouge. Tu t’es mis à le lire pour découvrir si je te trompais. Le second, que l’on pourrait appeler mon véritable agenda, c’est celui dans lequel je suis en train d’écrire. » (p. 9)
La narratrice, Irene America, entame ainsi un vrai journal secret en lieu sûr, en parallèle du rouge qu’elle ne destine plus qu’à la curiosité de son mari… qui a une fois de plus violé son intimité. Car Gil, son époux, est devenu célèbre en peignant sa femme, belle amérindienne, dont il est follement épris, dans des poses souvent érotiques, parfois humiliantes. Des tableaux que l’aîné de leurs trois enfants découvre en cachette sur internet, dont chacun se souvient en croisant le couple dans les soirées mondaines. Irene va alors vouloir s’amuser en utilisant ce carnet pour manipuler son époux…
Louise Erdrich est actuellement l’une des voix qui comptent outre-Atlantique. Elle signe ici un remarquable thriller psychologique sur l’enfer conjugal, le drame d’un couple prêt à voler en éclats, et brosse en filigrane le portrait d’une Américaine amérindienne comme elle, écrivant une thèse sur George Catlin, le peintre des Indiens, qui a sillonné l’Ouest américain au début du XIXe siècle. Construite en huis-clos, cette histoire de manipulation devient franchement insoutenable lorsque la narratrice en arrive aux dernières extrémités pour rompre avec son époux, qu’elle a cessé d’aimer depuis la naissance du cadet. Un père que l’on sait passablement violent avec ses enfants, dont il n’a pas su se faire aimer. Une histoire attractive – répulsive en diable, que j’ai lu d’une traite, un suspens qui fonctionne bien donc, les meilleurs passages restant ce passé qu’invente dans les détails la narratrice, mais sans cette qualité d’écriture qui m’aurait davantage convaincue.
Un thriller idéal par ce temps froid, au coin du feu.