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Le jeu des hirondelles de Zeina Abirached

05.10
2016
cop. Cambourakis

cop. Cambourakis

 

Il se trouve que j’ai commencé par lire de Zeina Abirached Le piano oriental, qui lui est postérieur, dont l’un des personnages, Ernest, son voisin, apparait également ici.

L’auteur raconte ici l’un de ses souvenirs de jeunesse à Beyrouth : l’attente dans l’entrée d’un appartement situé au premier étage d’un immeuble avec tous les autres locataires, et l’angoisse de perdre ses parents partis rendre visite à sa grand-mère, sous les tirs d’un franc-tireur ou sous les bombardements.

C’est un vrai plaisir de retrouver le graphisme noir et blanc de Zeina Abirached, proche  d’Aubrey Beardsley. L’histoire, c’est celle d’une ambiance, d’une tension née de l’attente, d’un suspens qui se joue entre la vie et la mort. Un très bel album.

 

Lignes de faille *** de Nancy Huston (2006)

15.10
2006

cop. Actes Sud

Nancy Huston part de ces dernières années en Californie – le 11 septembre, le président Bush, le gouverneur Schwarzy – vues à travers le prisme d’un garçon de six ans, Sol, dorloté par sa maman, et partant en voyage en Allemagne avec sa grand-mère juive pratiquante et son arrière-grand-mère allemande pour des raisons qui lui échappent totalement. Elle remonte ensuite une génération, en 1982, par les yeux du père cette fois, Randall, alors âgé de six ans, dont la mère, future docteur « du Mal », poursuit des recherches sur le passé de sa propre mère d’abord en Allemagne puis en Israël. 1962 : c’est l’enfance de Sadie, sa mère, au même âge, vouant une admiration sans borne pour sa mère chanteuse, Kristina, et trouve un père en son beau-père, Peter Silbermann qui, lui, est juif. 1944-1945 : Kristina adore sa famille, jusqu’à ce qu’un jeune garçon y entre et lui confirme ses soupçons…

Forte ! Elle est vraiment très forte, cette Nancy Huston. D’abord d’avoir eu cette idée particulièrement originale de remonter le temps dans cette famille américaine-type sur quatre générations, jusqu’au dévoilement du secret, mais surtout, surtout, d’avoir su montrer un univers familial à travers les yeux de ces enfants de six ans, recevant au fil des générations une éducation différente, ces père ou mère, grand-mère ou arrière-grand-mère redevenant tour à tour les enfants qu’ils avaient été, découvrant des vérités ou intrigués par des secrets, dans une chaîne sans fin portant néanmoins un signe de reconnaissance qui prouve leur appartenance à une même lignée. Le premier univers des années 2000 est d’ailleurs déconcertant de cruauté et d’humour : ce petit Dieu vivant, égoïste, ne semble plus rien n’avoir d’innocent. Est-ce donc ainsi que Nancy Huston perçoit le nouveau règne de l’enfant-roi dans cette famille américaine de base, applaudissant les exploits de l’armée de Bush en Irak ? Les univers suivants nous détrompent peu à peu de cette première mauvaise impression, et laissent progressivement entrevoir l’absurdité d’une Histoire qui ne connaît que l’aveuglement et l’égoïsme, et non l’amour et le partage.

Un excellent roman, au procédé ingénieux, dont je continue à penser que l’on en a trop peu parlé lors de cette rentrée.

HUSTON, Nancy. - Lignes de faille. – Actes Sud, 2006. – 487 p.. – ISBN : 2-7427-6259-0 : 21,60 €.