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L’appel de L. Galandon & D. Mermoux

05.04
2017

Couv_291686Cécile, mère célibataire, regarde un message vidéo laissé par son fils Benoît, parti faire le Djihad en Syrie auprès de ses « frères » de l’État Islamique. Elle tente de comprendre pourquoi lui, qui n’était même pas croyant, a pu se radicaliser à ce point, et espère, lors de leur prochain appel, pouvoir le récupérer.

La pertinence du récit commence par la polysémie de son titre, l’appel, celui qu’attend cette mère de son fils, celui avec qui tout commence, celui enfin avec qui tout se termine avec la radicalisation de sa foi en une autre cause. Le seul petit bémol que l’on pourrait faire à cette bande dessinée, c’est que le recours aux réseaux sociaux et aux témoignages contraignent les auteurs à favoriser le texte par rapport à l’image. Laurent Galandon ne tombe en effet dans aucun des pièges : de bout en bout, son histoire ne verse dans aucun cliché ni aucun préjugé, ni par le choix de son protagoniste (blanc et athée), ni par les raisons de sa radicalisation (forts sentiments d’amitié et d’injustice), ni par son issue. Il soulève justement les bonnes questions, à savoir les inégalités sociales et la violence des rapports entre les jeunes et la police. Néanmoins le choix du noir et blanc, parfois sépia, renforce la sobriété et la pudeur du propos : pas d’esclandre ici, pas de violence montrée, tout est (presque) suggéré.

Une excellente BD sur ce triste sujet d’actualité qui tourne déjà dans tous les C.D.I. de lycées de France, et qui constitue un excellent point de départ pour entamer un débat avec les adolescents.

 

 

 

Lip : des héros ordinaires de Galandon & Vidal

02.04
2014
cop. Dargaud

cop. Dargaud

1973. Le Parrain remporte des oscars. La guerre du Vietnam s’achève, celle du pétrole commence. Le Général Pinochet fait son putsch. Un C.E.S. Pailleron brûle, et avec lui 21 enfants. Pablo Picasso et Pablo Neruda meurent aussi. Ainsi que 300 Indiens lors du carnage de Wounded Knee. L’auteure de ce blog nait. Et une affaire captive toute la France, celle de Lip, où à Besançon, pour la première fois, des ouvriers décident de leur sort, s’opposent aux licenciements et occupent leur usine. Ils s’organisent, gèrent eux-mêmes l’entreprise

« On fabrique, on vend, on se paie ! »

et décident de prendre en otage le fruit de leur travail : 25 000 montres. Parmi ces hommes et surtout ces femmes, Solange, une ouvrière, mère de famille remariée, d’abord soumise à son époux réactionnaire, va couvrir l’événement par les clichés de l’appareil photographique que lui a prêté un journaliste.

Préfacé par Jean-Luc Mélenchon, ce roman graphique de 161 planches en noir et blanc se devait d’exister : il permet de faire découvrir aux plus jeunes cette lutte sans précédent de David contre Goliath, de ces ouvriers contre le capitalisme prompt aux licenciements. Pour couvrir ce bras de fer, Laurent Galandon a choisi comme protagoniste une ouvrière, Solange, que cette grande aventure humaine va émanciper : à l’instar de ces employés avec leur usine, Solange va elle aussi devenir autonome, s’affirmer individuellement et prendre en mains son destin. Cette trajectoire fictive permet au scénariste d’embrasser l’incroyable remise en cause collective des rouages du travail et de valoriser l’aspect documentaire du sujet.

Une BD indispensable.

En fin d’ouvrage, un cahier supplémentaire inédit ainsi qu’un mot de Claude Neuschwander, PDG de Lip de janvier 74 à février 76.