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Sanctuaires ardents ** à *** de Katherine Mosby (2010)

12.12
2010

Rentrée littéraire 2010

L’arrivée dans les années 1930 de la belle Vienna Daniels, New Yorkaise cultivée, dans la bourgade de Winsville en Virginie, province perdue des Etats-Unis, va vite provoquer l’effervescence, puis rumeurs et médisances quand elle refusera de participer aux conversations mondaines de ces commères, qu’elle juge creuses et sans intérêt. Jugée trop indépendante et trop originale par son mari, ce dernier va finir par la quitter, la laissant isolée avec ses deux enfants, qu’elle éduque elle-même librement, dans cette grande maison, jusqu’à ce qu’un botaniste anglais ne passe voir son magnifique saule pleureur, sous lequel ils deviennent amants…

(...) Addison avait entendu dire qu’elle avait essayé de tuer son mari, qu’elle s’adressait au diable dans une langue inconnue, et que les soirs de pleine lune elle se baignait dehors dans une baignoire en fer-blanc et attirait sur sa peau la luminosité céleste. Elle était socialiste ou peut-être communiste, Addison ne se rappelait pas lequel des deux, mais la différence importait aussi peu qu’une morsure de charançon, parce que ce n’étaient pas des étiquettes qu’on voulait se voir coller sur le dos. En plus elle aimait les Nègres et elle fumait des cigarettes. Voilà ce qui arrive, disait-on, quand on lit trop de livres : ça ramollit le cerveau, et Addison imaginait alors la texture spongieuse des champignons des bois ou des crackers détrempés. On racontait qu’elle possédait des milliers de livres. » (p. 12)

Après avoir été Sous le charme de Lillian Dawes, la finesse poétique et la subtilité psychologique de Sanctuaires ardents, son véritable premier roman, nous ravit tout autant. Là encore, son personnage féminin, une New-Yorkaise tout à la fois indépendante, entière, intelligente, éblouissante et mystérieuse, apparaît comme complètement décalé dans ce cul-de-sac du Sud, où le sort semble s’acharner contre elle. Un drame magnifique et envoûtant.

MOSBY, Katherine. – Sanctuaires ardents / trad. de l’anglais par Cécile Arnaud. – La Table ronde, 2010. – 384 p. : couv. ill. en coul.. – (Quai Voltaire). – ISBN 978-2-71033147-6 : 23 euros

Professeur à l’université de New-York, Katherine Mosby collabore au New Yorker et à Vogue. Née à Cuba en 1957, elle vit aujourd’hui à New-York. Poète et romancière, elle est l’auteur de trois romans. Sanctuaires ardents est son premier roman. Son deuxième, déjà publié, Sous le charme de Lillian Dawes, a fait partie de la sélection 2002 du New-York Times.

Sous le charme de Lillian Dawes ** à *** de Katherine Mosby

21.03
2009

The Season of Lillian Dawes (E.U., 2002)

« Apprendre à connaître quelqu’un est un plaisir à savourer, comme du chocolat. On ne peut pas l’avaler tout rond, il faut le laisser fondre lentement afin que le palais en goûte chaque infime nuance. De plus, la confiance se gagne (…). » (p. 218-219)

Cet été-là, après avoir été expulsé de son pensionnat, Gabriel, dix-sept ans, se retrouve hébergé chez son frère, intellectuel bourgeois bohème avant l’heure, dans un Manhattan des années 50. Seulement, du jour où il croise Lilian Dawes, il n’aura de cesse d’en savoir toujours plus sur elle, mais curieusement plus il en apprend plus le mystère autour de ses origines et de sa véritable identité s’épaissit… Qui est donc Lillian Dawes ?

« Il y a presque toujours dans la vie un moment-clé, un point divisant le temps entre un avant et un aprèsun accident ou une histoire d’amour, un voyage ou peut-être un décès. Dans le cas de Spencer, les quatre, tels les points cardinaux sur une boussole, se combinèrent sous la forme de Lillian Dawes. Et comme il est impossible d’être le témoin d’un drame sans en conserver l’empreinte, cette femme marqua, pour moi aussi, le grand tournant. » (incipit)

 

Souvent est réservé aux titre et incipit le privilège de l’ouverture, de la mesure, de la première note, du ton donnés à l’œuvre entière. Sous le charme, on ne peut que l’être, en effet, à la lecture de ce roman d’une rare élégance, à l’image de l’héroïne qui l’illustre sur le bandeau et qui en est le sujet, écrit avec une finesse psychologique et une subtilité choisie. On y tombe, comme les deux frères Spencer et Gabriel, amoureux de la figure énigmatique de Lillian Dawes, aux talents et qualités aussi démultipliés que ses identités. On ne saurait non plus résister au charme désuet d’un New-York des années 50 que l’on découvre à travers les yeux du narrateur de dix-sept ans, Gabriel, qui, malgré sa nature indolente, est prompt à saisir avec opportunité les plaisirs de la vie et de la bouche, tout comme les occasions de fréquenter la belle. Ajoutez à cela une plume raffinée, quelques scènes phare (par exemple celle du premier soir chez Clayton, avec Lillian jouant à reconnaître à l’aveuglette les arbres du parc ; p. 133-136), quelques portraits bien sentis (celui de Clayton p. 187-188), et vous comprendrez que ce roman d’apprentissage, qui figurait dans les sélections du National Book Award et du prix Pulitzer, mérite amplement un détour par la bibliothèque ou la librairie.

« - C’est très différent, vous verrez, de boire dans de vraies tasses, dit-elle. C’est plus intime : cela étend notre espace personnel dans le monde – comme d’avoir un salon qui ouvre sur l’horizon. » (p. 216)

 

MOSBY, Katherine. – Sous le charme de Lillian Dawes / trad. de l’américain par Cécile Arnaud. – La Table Ronde, 2009. – 285 p.. – (Quai Voltaire). – ISBN 978-2-7103-3049-3 : 21 €.

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