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Conférence d’Edwy Plenel

15.02
2014

Edwy Plenel nous a fait le plaisir d’ouvrir la 3e édition du Festival Les Médiatiques, organisé par l’équipe pédagogique du Lycée Voltaire, et principalement par notre ancien collègue, désormais professeur à l’université de Versailles, François Robinet. Cette année, le Festival s’était choisi pour thème : « Médias et politique : les liaisons dangereuses ?« 

Voici, pour ceux qui regrettent de ne pas avoir pu venir, reproduite intégralement la conférence à laquelle j’ai pu assister :

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n.b. :

Journaliste, co-fondateur et directeur du site d’information Mediapart, Edwy Plenel a été directeur de la rédaction du Monde de 1996 à 2004. Il est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages dont Secrets de jeunesse (Stock, 2001), Le journaliste et le président (Stock, 2006) ou plus récemment Le droit de savoir (Don Quichotte, 2013). Il est aussi professeur associé à l’Académie de journalisme et des médias de l’Université de Neuchâtel.

Nous commençons notre descente de James Meek

29.08
2008

cop. Métailié

Titre de l’édition originale : We are now beginning our descent (2007)
Traduit de l’anglais (Ecosse) par David Fauquemberg (2008)

RENTRÉE LITTÉRAIRE 2008
LITTÉRATURE ÉTRANGÈRE
« (…) le voyageur (…) devient un autre homme, qui appartient un peu aux lieux dans lesquels il se rend. C’est justement cet aspect-là, cette appartenance, que je ne parviens jamais à rendre quand je m’adresse aux gens qui sont restés à la maison. Peut-être parce que je n’arrive pas à l’exprimer clairement. Ou peut-être parce qu’ils ne veulent pas savoir. »
« (…) Un seul d’entre nous est incapable de faire comprendre tout un pays à un autre pays. » (p. 82) 

Fuyant ses échecs dans sa vie amoureuse comme dans le monde littéraire, Adam Kellas accepte de devenir grand reporter britannique en Afghanistan. Il y croise la mort mais aussi l’amour en la personne d’Astrid, journaliste américaine très indépendante. Alors, quand il reçoit un  jour un mail d’elle à Londres, il saute dans le premier avion à destination de New-York signer un contrat avec une grande maison d’édition pour son futur best-seller et retrouver en pleine tempête de neige, sur une île, Astrid…

L’incommunicabilité entre les humains semble être le thème principal de ce roman, à la croisée entre le journalisme documentaire et l’histoire d’amour. D’abord entre les journalistes étrangers et les guides et interprètes afghans qui les côtoient : en constituent des exemples la discussion entre Kellas et Mohammed sur ce qu’est être libre, leur expérience de la mort. Ensuite entre ces mêmes journalistes et tous ceux qui ne connaissent de la situation que ce qu’ils en lisent dans la presse : la scène du dîner  londonien qui tourne à la catastrophe en est l’acmé. Enfin entre un homme et une femme, entre Kellas et Sophie puis Astrid, l’image qu’il s’est créé d’elles ne correspondant pas à une réalité plus ordinaire ou imparfaite.

« Si seulement il avait eu ce genre de téléphone capable de prendre des photos, un an plus tôt en Afghanistan, il aurait eu un portrait d’Astrid. Peut-être était-il préférable pour lui de ne pas en avoir. Astrid n’aurait pas vieilli. Elle avait trente-quatre ans alors. Mais la nature d’un être humain n’apparaissait que dans le mouvement, le changement, ce qui faisait de l’immobilité propre aux photographies une sorte de mensonge. » (p. 35)
Un bon roman parmi cette rentrée littéraire, qui jette un regard ironique et désillusionné sur les relations humaines et internationales.
Du même auteur : Un acte d’amour (2007).
MEEK, James. – Nous commençons notre descente / trad. De l’ang. (Ecosse) par David Fauquemberg. – Métailié, 2008. – 334 p.. – (Bibliothèque écossaise). – ISBN 978-2-86424-657-2 : 21 €.

Hygiène de l’assassin *** d’Amélie Nothomb (1992)

20.09
2005

copyright Librairie Générale Française

Prétextat Tach, prix Nobel de littérature, tire la triste fierté d’être atteint d’un cancer rarissime qui ne lui accorde plus que deux mois à vivre. Aussitôt les médias se déchaînent, dépêchant pour interviewer ce misanthrope une poignée de journalistes triés sur le volet par son secrétaire dévoué. Les quatre premiers se font très vite congédier. Mais le cinquième, qui sera la dernière, semble le prendre à son propre jeu…

Presque entièrement dialogué pour mieux mettre en exergue les duels successifs du protagoniste avec les journalistes, ce premier roman témoigne néanmoins de la plume d’Amélie Nothomb, qui se révèle ici ironique, mordante, inventive, machiavélique, cynique, cruelle. Cette dernière met en scène un écrivain antipathique, vicéralement mysogine et mysanthrope, un obèse provocateur, bouffi d’orgueil, jouissant du plaisir d’éconduire les journalistes l’un après l’autre, et qui va rencontrer en la personne d’une jeune « fouille-merde » sûre d’elle, son double. Pourtant, le lecteur n’est pas non plus du côté de ces journalistes, qui l’un après l’autre se croient plus habiles que les précédents. Parfois même, il pourrait en retirer pour lui-même quelques pensées bien senties :

« moi, je lis comme je mange : ça ne signifie pas seulement que j’en ai besoin, ça signifie surtout que ça entre dans mes composantes et que ça les modifie. » (p. 69)
Ainsi,
« on ne regarde plus les jeunes filles en imperméable comme avant, quand on a lu un Léo Malet.«  (p. 70)

Bien au contraire, un peu comme un arbitre dans une partie de tennis, le lecteur observe les victoires successives du personnage principal, que le cynisme rend presque sympathique, avant de jouir de cette longue joute de répliques cinglantes entre le vieil écrivain et cette journaliste, laquelle va se transformer en interrogatoire serré qui va dévoiler, à partir d’un roman inachevé mis en abîme, Hygiène de l’assassin, le passé du premier.

Croyez-moi, si vous ne l’avez lu, vous passerez un bon moment en sa compagnie. Ce n’est pas forcément le cas des romans suivants.

Cadeau d’Aurélie.

La Fabrique des cérémonies de Kossi Efoui

14.09
2005

Kossi Efoui

 

Edgar Fall, traducteur en russe de romans-photos pornos, et Urbain Mango, acceptent de travailler pour le compte de Périple Magazine. Dans une parodie de récit de voyage, ils réinventent l’Afrique dans cette bourse aux frissons…

C’est une gigantesque farce ! L’Afrique est fabriquée par ces deux journalistes en herbe. Les personnages ici ne sont effectivement que des êtres de papier. L’écriture tend même à devenir sa propre fin, au détriment de la construction narrative : à vous de juger ci-dessous si c’est un bien ou un mal.

« L’homme qui m’a accueilli parle avec ses dents, mâchoire du bas glissant, mâchoire du haut freinant, et cliquetis et crissements, muscles faciaux noués en travers d’une bouche patraque. Un rire qui triche : ça afflue dans le tremblant des joues et déborde le visage et n’éclate pas. C’est un rire qui colle. C’est un masque de frustration moulé dans les méplats du visage. C’est cousu à même la peau rose caillé. Le masque, tout entier ravaudé avec la chair vive, épouse les os, les bosselures du visage, accuse de petites zébrures : nez, front, pommettes et menton sont les saillies d’une armature souterraine poussant durement contre la fine trame de la peau fendillée. (…) » (incipit)

Lire absolument les deux premières pages, 9 et 10, pour se faire une idée, ainsi que les pages 70-72 !

 

Pour moi, c’est un bien, et le personnage de Kossi Efoui est lui-même haut en couleurs, maniant le Verbe avec délectation et son enthousiasme pour l’écriture est vertigineux ! Une rencontre inoubliable que vous pouvez lire ici.