Mots-clefs ‘homosexualité’

Wonder Woman : Terre-Un de Grant Morrison et Yanick Paquette

06.12
2017
cop. Urban Comics

cop. Urban Comics

 

Devenues jadis les esclaves du demi-dieu Hercule, les Amazones se sont jurées après s’être révoltées et libérées de s’éloigner à jamais du « monde des hommes », un monde engendrant le chaos et la guerre. Plusieurs millénaires plus tard, la princesse Diana, dont les origines sont auréolées de mystère, sauve un pilote écrasé sur l’île, Steve Trevor. Incapable alors de le guérir par ses propres moyens, elle le ramène pour le faire soigner par les siens aux États-Unis…

Dans ma jeunesse, j’ai lu beaucoup de comics mais pas ceux sur Wonderwoman. En revanche, j’ai beaucoup apprécié en son temps la série télévisée. Par conséquent, le long-métrage sorti en salle cette année m’a beaucoup surprise, et cette bande dessinée en est l’adaptation  à la fois plus licencieuse et plus fidèle aux scenarii originaux : en est témoin la première de couverture qui fait de cette super-héroïne une majorette adepte du bondage, apte à attirer le lectorat essentiellement masculin de l’époque. Si bien que la forme donnée à Wonder Woman, insistant sur sa plastique et son costume, édulcore un peu le propos féministe : elle fait l’étalage de ses super – gadgets hérités des Dieux et de sa force d’Hercule, son père (et non de Zeus comme dans les versions précédentes), mais pas suffisamment de son intelligence. En revanche est soulignée l’homosexualité des habitantes de l’île et minimalisé le pouvoir de séduction des hommes. En fait, Wonderwoman est à la fois « bonne » et puissante, douce avec ses pairs et dure envers les hommes, de quoi finalement faire rêver les jeunes filles, alors… pourquoi pas ?

Rimbaud l’indésirable de Xavier Coste

22.05
2013
cop. Casterman

cop. Casterman

Le mercredi, c’est bande dessinée

Rimbaud l’indésirable : le titre en dit long sur le point de vue adopté de cette biographie, scindée en trois parties. Le jeune Rimbaud, dont le professeur a repéré le talent, brûle de rejoindre à Paris les cercles littéraires. Quand à sa seconde tentative, il y est introduit par Verlaine, il apparaît aux yeux de tous comme étant antipathique car grossier, alors même que ses poèmes les stupéfient. Seul Verlaine l’aime au point de tout abandonner pour lui, jusqu’au jour où il ne peut plus supporter ses critiques humiliantes. Après leur rupture, Rimbaud part pour l’Afrique…

Après avoir, l’an dernier, brossé le portrait du sulfureux Egon Schiele, dont on reconnaît sans peine le modelé au trait, avec parfois des effets de silhouettes, Xavier Coste se penche ici sur l’histoire plus ou moins connue de l’un des poètes les plus lus au monde, Rimbaud : son talent et sa fureur de créer le brûlèrent de l’intérieur, le rendant méprisant envers tous ceux qui n’en avaient pas ou peu. Le découpage de Xavier Coste lui permet de rajouter du sens à cette vie brève et tragique, de gagner en intensité par le biais par exemple de planches muettes, d’une mise en exergue en pleine page d’un poème déclamé, du drame de sa toute fin de vie. Une excellente biographie qui colle à l’actualité, si l’on peut dire, puisque l’on se souvient de sa liaison amoureuse avec Verlaine.

J'ai beaucoup aimé

J’ai beaucoup aimé

COSTE, Xavier. – Rimbaud l’indésirable. – Casterman, 2013. – 119 p. : ill. en coul. ; 24*32 cm. – (coll. Univers d’auteurs). – EAN13 9782203066465 : 22,50 euros.

Reçu en service de presse

Triangle rose

15.02
2012

Le mercredi, c’est bande dessinée…

cop. Quadrants

Scénario de Michel Dufranne

Dessin de Milorad Vicanovic – Maza

Couleurs de Milorad Vicanovic – Maza et de Christian Lerolle

Le triangle rose, vous en avez déjà entendu parler ? Et le paragraphe 175 qu’on pouvait encore lire jusqu’en 1988 dans le code pénal allemand ? Peut-être pas, ou très peu.

cop. Quadrants p61

C’est justement pour révéler ce pan méconnu de l’Histoire, mais aussi pourquoi aujourd’hui encore il reste tu, que Michel Dufranne imagine l’histoire d’Andreas, le grand-père d’un lycéen, lequel vient l’interroger avec ses amis sur son passé d’ancien détenu des camps. Ce sont des souvenirs douloureux qui ressurgissent alors à sa mémoire, un passé que sa femme et lui ont toujours gardé pour eux. Car Andreas, dans le Berlin des années 30, était homosexuel. Dessinateur de publicité et professeur de dessin, il vivait en toute insouciance avec ses amis et sa mère, n’hésitant pas à avoir une liaison avec Hans, un jeune apollon sous l’uniforme nazi. Mais l’accession des Nazis au pouvoir provoque un durcissement de la répression. Ignorant les mises en garde de Dieter, son ex-petit ami qui préfère l’exil, Andreas fait le choix de rester. Hélas, le paragraphe 175 condamne l’homosexualité masculine : en refusant de se reproduire, ces hommes deviendraient inutiles, des nuisibles qui entraveraient l’expansion de la race aryenne. Or son subterfuge de s’afficher en compagnie d’Angela, qui est lesbienne, échoue. Dénoncé par sa concierge, Andreas fait l’expérience de la prison puis du camp de concentration…

 

A partir d’un fait historique, Michel Dufranne a imaginé cette histoire bouleversante d’un homme sensible et discret, qui, à partir du régime nazi, va devoir toute sa vie renier ce qu’il est fondamentalement, pour pouvoir vivre paisiblement : car l’homosexualité, si elle a été violemment stigmatisée durant le nazisme, au point de coûter la vie à bon nombre de détenus, continue bon an mal an à être difficilement acceptée dans notre société. Le changement des mentalités est lent et difficile, même s’il est rarement question de haine de nos jours, mais plutôt d’incompréhension. Difficile donc, et le scénariste le montre très bien dans la scène qui oppose le vieillard aux adolescents, de révéler au grand jour ce qu’on a dû taire toute sa vie, d’autant plus si la question de la filiation se pose. Tandis que la couleur du présent ouvre et ferme cet épisode sombre de la vie d’Andréas, ce dernier se traduit par un dessin en lavis impressionnant, montrant la métamorphose physique du personnage et celle, morale, de la société qui l’entoure.

Un coup de coeur pour cette bande dessinée didactique, qui révèle de manière particulièrement poignante la persécution dont les homosexuels ont fait l’objet durant le nazisme.

Beaucoup aimé

DUFRANNE, Michel, VICANOVIC, Milorad, LEROLLE, Christian. - Triangle rose. - Editions Quadrants, 2011. – 143 p. : ill. en coul. et lavis ; 24 cm. – EAN13 9782302017238 : 17 €.

Le rabaissement de Philip Roth

13.11
2011

cop. Gallimard

 

« Il avait perdu sa magie. »

« Le suicide, leur dit-il, c’est le rôle que vous vous écrivez pour vous-même. Vous l’habitez, et vous le jouez. Tout est mis en scène avec soin – où on vous trouvera, et comment on vous trouvera. » Puis il ajouta : « Mais il n’y aura qu’une représentation. » (p. 22)

Cette toute première phrase de l’incipit et cette autre du personnage principal, Simon Axler, durant son séjour en maison de repos, à l’intention des autres patients dont la tentative de suicide avait échoué, constituent la quintessence de ce qu’il faudrait retenir de ce roman.

En effet, Philip Roth part du constat de la cause de son désespoir (l’artiste déchu), pour revenir après 120 pages et une relation amoureuse (ou plutôt sexuelle) qui rallume son désir de vivre de façon illusoire et temporaire, sur sa conséquence (le suicide comme seule issue trouvée à ce désespoir).

Nonobstant ces thèmes relevant pourtant de la sphère intime (le vieillissement, le suicide), Philip Roth préfère à l’introspection les dialogues, et au « je-narrateur » la troisième personne du singulier, si bien qu’on reste toujours à distance de ce personnage dont on observe l’humeur en dents de scie, qu’une dernière rupture ébranlera tout à fait. Si on ajoute à cela l’histoire du meurtre d’un mari incestueux, celle de l’ancienne partenaire de son amie qui choisit de devenir un homme, et celle de son amante qu’il a vu naître et qu’il relooke, qui lui sort sa panoplie d’objets sexuels et l’entraîne dans une partie à trois,

Apprécié

il y a de quoi se demander si ce trentième roman de Philip Roth mérite bien le concert d’éloges dont il a pu faire l’objet, tant il semble se complaire dans le trivial et rester à la surface des choses, et surtout hélas des personnages.

Rentrée 2011
Gallimard, 2011. – 121 p.

Betty d’Arnaldur Indridason

30.10
2011

cop. Métailié

Betty… C’est à cause d’elle que tout a commencé, et que le narrateur se retrouve en détention provisoire, accusé de meurtre, semble-t-il… Et pourtant, il reste toujours aussi subjugué par l’épouse de l’armateur milliardaire qui l’avait embauché comme juriste… S’il avait refusé, rien ne serait arrivé de tout cela… Mais il n’avait rien vu venir, ou peut-être, amoureux, n’avait-il rien voulu voir venir….

Ecrit avant la série du commissaire Erlendur qui fit connaître Arnaldur Indridason dans le monde entier, ce roman noir dévoile au premier abord une intrigue assez classique, dont on devine sans peine ce qu’il va advenir du narrateur suspecté de meurtre. Et puis, passées les cent premières pages, un changement brutal de point de vue fait reconsidérer toute la situation, rendant plus complexe la psychologie des protagonistes, sans pour autant en modifier l’issue… Et c’est en cela qu’il s’agit d’un bon polar, mettant à mal certains préjugés… mais chut, je ne peux en dire davantage, sous peine de vous ôter le plaisir de découvrir par vous-même de quoi finalement il retourne…


Du même auteur, tous les autres romans critiqués dans Carnets de SeL :

La Cité des jarres * (2005)

La Femme en vert ** (2006)

La Voix ** (2007)

L’Homme du lac *** (2008)

Hiver arctique ** (2009)

Hypothermie ** (2010)

La rivière noire ** (2011)

Beaucoup aimé

INDRIDASON, Arnaldur. – Betty / trad. de l’islandais par Patrick Guelpa. – Métailié, 2011. – 205 p.. – (Métailié noir). – ISBN 978-2-86424-845-3 : 18 €.
Service de presse

 

 

 

Blue * de Kiriko Nananan (1997, France 2004)

05.01
2011

Dans un lycée japonais de province, Endô Masami et Kirishima Kayako se lient d’amitié. Endô a été renvoyée du lycée l’an dernier, après avoir avorté d’un homme marié. Kirishima en conçoit de la jalousie. Son trouble la pousse dans les bras d’un garçon dont est amoureuse son autre amie Watanabé, avec laquelle elle se brouille. Interrogée par Endô sur son geste, Kirishima lui avoue qu’elle l’aime. Entre elles naît une idylle…

Alternant entre très gros plans et scènes d’ensemble, en noir et blanc, le dessin de Kiriko Nananan ne cherche pas la précision, certains de ses personnages n’ont même pas de visage (le professeur) et peuvent se confondre, mais de faire sourdre dans un univers intimiste l’émotion, la sensibilité de ses personnages tourmentés dans les cris, mais surtout dans de longs silences. Tout y est décliné de manière subtile, souvent au moyen de planches muettes ou dans les non-dits entre les personnages : la déception après une nuit d’amour avec un garçon, la peur d’une sexualité qui s’annonce moins simple à vivre, l’absence de choix, l’évidence d’un amour interdit, la jalousie, l’état amoureux,…

Une bande dessinée pleine de sensibilité, dont s’est probablement inspiré Julie Maroh pour Le Bleu est une couleur chaude **, sélectionnée au Festival d’Angoulême.

Blue / Kiriko Nananan ; traduction, Corinne Quentin…. – Casterman, DL 2008. – 229 p. : ill., couv. ill. ; 24 cm. – (Écritures). . – Trad. de : Burū. - ISBN 978-2-203-01744-3 (br.) : 13,50 EUR. – EAN 9782203017443.

Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants ** de Mathias Enard (2010)

02.01
2011

GONCOURT DES LYCEENS 2010

Furieux du pape Jules II qui tarde à lui payer les travaux entrepris pour son tombeau, Michelangelo part en 1507 pour Constantinople, sur la demande du sultan Bajazet, et prend la suite de Léonard de Vinci qui, avant lui, a échoué dans l’entreprise d’un pont qui doit relier les deux rives de la Corne d’or.

Pour qui connaît à la fois Rome et Istanbul, la chapelle Sixtine au Vatican ou à la basilique Saint-Marc à Venise, ce roman est un enchantement intellectuel, faisant le pont entre ces lieux éminemment fascinants, fortement inspirés, on le sait, de la basilique Sainte-Sophie.

Mathias Enard choisit ici de retracer un court épisode de la biographie de Michel-Ange, qui pourtant s’imprimera durablement dans sa mémoire, dans son oeuvre et dans son coeur. Nonobstant, une grande partie du roman n’est que factuelle, fruit d’un long travail de recherche, sans que jamais on n’entre dans la conscience de Michel-Ange. Au contraire, le narrateur, dans un certain nombre de chapitres (les plus beaux), n’est autre que le seul homme que Michel-Ange semble jamais avoir aimé : il s’agit de Mesihi, le poète mandaté par le grand Vizir auprès de Michelangelo, qui le guide jour et nuit dans la cité impie. Et c’est sa voix lourde d’amour, d’admiration et de jalousie pour le grand homme qui donne seule de l’émotion à ce roman richement documenté :

« Je sais que les hommes sont des enfants qui chassent leur désespoir par la colère, leur peur dans l’amour ; au vide, ils répondent en construisant des châteaux et des temples. Ils s’accrochent à des récits, ils les poussent devant eux comme des étendards ; chacun fait sienne une histoire pour se rattacher à la foule qui la partage. On les conquiert en leur parlant de batailles, de rois, d’éléphants et d’êtres merveilleux ; en leur racontant le bonheur qu’il y aura au-delà de la mort, la lumière vive qui a présidé à leur naissance, les anges qui leur tournent autour, les démons qui les menacent, et l’amour, l’amour, cette promesse d’oubli et de satiété. Parle-leur de tout cela, et ils t’aimeront ; ils feront de toi l’égal d’un dieu. Mais toi tu sauras, puisque tu es ici tout contre moi, toi le Franc malodorant que le hasard a amené sous mes mains, tu sauras que tout cela n’est qu’un voile parfumé cachant l’éternelle douleur de la nuit. » (p. 66-67)

Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants / Mathias Énard. – Arles : Actes Sud, impr. 2010. – 153 p. : ill., couv. ill. en coul. ; 22 cm. – (Domaine français). – ISBN 978-2-7427-9362-4 (br.) : 17 EUR. – EAN 9782742793624

Emprunté au CDI