Mots-clefs ‘génocide’

Mémé d’Arménie de Farid Boudjellal

14.12
2016
cop. Futuropolis

cop. Futuropolis

 

1960. Un jour, les parents de Mahmoud reçoivent un télégramme : son grand-père vient de mourir. Son père décide aussitôt d’aller chercher sa grand-mère pour qu’elle vienne vivre avec eux à Toulon. Mahmoud va de surprise en surprise : sa grand-mère porte la croix, fête Noël, elle est chrétienne, alors que lui, musulman de père en fils, va bientôt être circoncis. Et le chirurgien qui va l’opérer cherche à tout prix, en vain, à la faire parler du génocide arménien…

Le dessin, tout en douceur et rondeur, me plaisait bien, mais quelle déception de pas en savoir davantage sur le génocide arménien ! Finalement cette histoire pourrait être transposée à toute famille sur plusieurs générations ayant vécu un traumatisme. Ici il est davantage question du silence autour de souvenirs tragiques que de la biographie de cette vieille dame. Bref on n’apprend rien de plus.

Le boxeur de Reinhard Kleist

09.01
2013

cop. Casterman/R. Kleist

Le mercredi, c’est bande dessinée

Sortie aujourd’hui, mercredi 9 janvier 2013

Miami, septembre 1963. Harry Haft, ancien boxeur d’origine polonaise, contraint son fils à l’accompagner chez quelqu’un. Sur le trajet, il est obligé de s’arrêter, fondant en larmes : « Un jour, je te raconterai tout. » lui répète-t-il. Le terrible passé de ce père colérique, le lecteur va le découvrir avant leur arrivée, chapitre deux :

Il ne fait plus bon vivre en Pologne quand on est Juif à partir de septembre 1939. Hertzko Haft, alors âgé de 14 ans, va vite devoir quitter l’école et, sous les coups de ses frères, faire de la contrebande pour pouvoir manger dans le ghetto. Alors qu’amoureux, il est sur le point de se fiancer avec Leah, il sauve son frère Aria et est envoyé en camp de travail à sa place. Là, pour survivre, il trouve la protection d’un de ses geôliers qui le forme à la boxe pour les divertir…

Troisième biographie de Reinhard Kleist, Le Boxeur retrace l’effroyable destin de Hertzko Haft, au moyen d’un dessin à l’encre de Chine. Elle aborde le thème du sport de combat dans les camps, au-delà de celui de l’horreur des camps. Très dure dès les premières pages, elle annonce d’emblée la couleur : si son père s’emporte si facilement contre ses enfants, explique sa mère au jeune garçon, c’est à cause de son passé. Et, en effet, Reinhard Kleist durcit et la carapace et les traits de son héros au fil des pages, lequel a la chance de survivre grâce à sa pugnacité, mais jouera de malchance tout au long de sa vie, illuminée par le seul espoir de retrouver un jour Leah.

Une BD extrêmement poignante.

 

 

 

KLEIST, Reinhard. – Le boxeur / trad. de l’allemand par Carline Dolmazon et Paul Derouet. – Casterman, 2013. – 197 p. : ill. n.b. et en coul. ; 25 cm. – (Ecritures). – EAN13 9782203063037 : 16 €.

 

Moi, René Tardi, prisonnier de guerre au Stalag IIB

02.01
2013

cop. Casterman/Tardi

René Tardi, à vingt ans, s’engage dans l’armée quand la seconde guerre mondiale devient imminente. Pilote de char, il est très vite capturé par les Allemands. Loin du fantasme de La grande évasion et de la convention de Genève, à quelques centaines de kilomètres du cauchemar d’une extermination systématique, le quotidien de ces prisonniers de guerre durant ces cinq années se résume à deux obsessions : manger et souffrir le moins possible…

Dans ce premier tome se déroulant pendant la seconde guerre mondiale, s’inspirant des souvenirs que son père a retranscrit à sa demande dans trois cahiers d’écolier, Jacques Tardi relate la débâche fulgurante des soldats français devant l’envahisseur allemand mieux préparé, puis le sort méconnu des simples prisonniers de guerre dans les Stalags. On reconnait sans peine son coup de crayon en dégradé de noir et de gris, rehaussé dans les deux premières pages, par un rouge sanglant apposé par sa fille, Rachel, tandis qu’il plante des décors réalistes, minutieusement reproduits d’après les recherches documentaires de son fils. Il a eu l’idée originale de se représenter enfant en culotte courte, un rien insolent, aux côtés de son père, mettant son grain de sel dans ce qu’il raconte, reproduisant ainsi fidèlement le type d’échanges qu’il pouvait avoir avec lui de son vivant. Un album très personnel, et  d’autant plus instructif qu’il m’interroge sur ces années de captivité que mon grand-père a toujours passées sous silence.

cop. Casterman/Tardi

TARDI, Jacques. - Moi, René Tardi, prisonnier de guerre au Stalag IIB : tome 1. – Casterman, 2012. – 188 p. : 24x32x3 cm. - (Univers d’auteurs). - EAN13 9782203048980 : 25 €.

Triangle rose

15.02
2012

Le mercredi, c’est bande dessinée…

cop. Quadrants

Scénario de Michel Dufranne

Dessin de Milorad Vicanovic – Maza

Couleurs de Milorad Vicanovic – Maza et de Christian Lerolle

Le triangle rose, vous en avez déjà entendu parler ? Et le paragraphe 175 qu’on pouvait encore lire jusqu’en 1988 dans le code pénal allemand ? Peut-être pas, ou très peu.

cop. Quadrants p61

C’est justement pour révéler ce pan méconnu de l’Histoire, mais aussi pourquoi aujourd’hui encore il reste tu, que Michel Dufranne imagine l’histoire d’Andreas, le grand-père d’un lycéen, lequel vient l’interroger avec ses amis sur son passé d’ancien détenu des camps. Ce sont des souvenirs douloureux qui ressurgissent alors à sa mémoire, un passé que sa femme et lui ont toujours gardé pour eux. Car Andreas, dans le Berlin des années 30, était homosexuel. Dessinateur de publicité et professeur de dessin, il vivait en toute insouciance avec ses amis et sa mère, n’hésitant pas à avoir une liaison avec Hans, un jeune apollon sous l’uniforme nazi. Mais l’accession des Nazis au pouvoir provoque un durcissement de la répression. Ignorant les mises en garde de Dieter, son ex-petit ami qui préfère l’exil, Andreas fait le choix de rester. Hélas, le paragraphe 175 condamne l’homosexualité masculine : en refusant de se reproduire, ces hommes deviendraient inutiles, des nuisibles qui entraveraient l’expansion de la race aryenne. Or son subterfuge de s’afficher en compagnie d’Angela, qui est lesbienne, échoue. Dénoncé par sa concierge, Andreas fait l’expérience de la prison puis du camp de concentration…

 

A partir d’un fait historique, Michel Dufranne a imaginé cette histoire bouleversante d’un homme sensible et discret, qui, à partir du régime nazi, va devoir toute sa vie renier ce qu’il est fondamentalement, pour pouvoir vivre paisiblement : car l’homosexualité, si elle a été violemment stigmatisée durant le nazisme, au point de coûter la vie à bon nombre de détenus, continue bon an mal an à être difficilement acceptée dans notre société. Le changement des mentalités est lent et difficile, même s’il est rarement question de haine de nos jours, mais plutôt d’incompréhension. Difficile donc, et le scénariste le montre très bien dans la scène qui oppose le vieillard aux adolescents, de révéler au grand jour ce qu’on a dû taire toute sa vie, d’autant plus si la question de la filiation se pose. Tandis que la couleur du présent ouvre et ferme cet épisode sombre de la vie d’Andréas, ce dernier se traduit par un dessin en lavis impressionnant, montrant la métamorphose physique du personnage et celle, morale, de la société qui l’entoure.

Un coup de coeur pour cette bande dessinée didactique, qui révèle de manière particulièrement poignante la persécution dont les homosexuels ont fait l’objet durant le nazisme.

Beaucoup aimé

DUFRANNE, Michel, VICANOVIC, Milorad, LEROLLE, Christian. - Triangle rose. - Editions Quadrants, 2011. – 143 p. : ill. en coul. et lavis ; 24 cm. – EAN13 9782302017238 : 17 €.

Vestine, une légende noire ** de Virginie Jouannet Roussel

13.11
2009

« Je connais bien la mort. Elle a ses images figées. Il suffit que je les fixe et ça revient, intact. Le froid, la peur, et cette chose que je ne peux pas expliquer, cette fille qui n’est pas tout à fait là, flottant comme un fantôme entre terre saignée et ciel noir. » (p. 104)

Avec une jambe de bois, la vie n’est pas si facile, et il n’y a que Nine, sa voisine farfelue, pour l’aider à la dédramatiser. C’est que pour Vestine, tout ceci est une renaissance, ici en Alsace. Seule Velelia, sa mère, continue de lui parler, à ses côtés. Née de la grande pluie, Vestine se prénommait Mukagatare dans une autre vie, au Rwanda. Par le biais d’une longue thérapie avec le docteur Bernstein, prenant appui sur des dates et sur la réalité tangible de sa quinzaine de stigmates, dont cette jambe perdue, elle se remémore l’innommable, ce que sa mémoire a enfoui, la légende noire…

La légende noire, vous l’avez compris, c’est le récit d’une fillette rescapée du génocide Rwandais ; c’est une histoire vraie, que l’auteur a recueillie de la bouche de cette enfant amputée devenue grande, l’histoire de ces cinq jours où elle perdit sa mère et sa petite sœur. Toute la justesse et la puissance de ce récit tiennent au regard de cette fillette qui s’arrête alors sur les vaches alsaciennes placides avant de revenir sur ces diables noirs rieurs, ces bébés rouges qui pleurent sur la dépouille de leur mère et sur ces passants qui poursuivent leur route, indifférents, ne songeant qu’à leur propre survie. Pas d’explication ni d’accusation dans ce récit, juste des faits, la course pour survivre dans l’ignorance de l’identité et du motif de ses poursuivants, l’incompréhension.

Un monologue fort, porté par le souffle d’une plume concise et juste.

A partir de 13 ans et jusqu’à pas d’âge.

JOUANNET ROUSSEL, Virginie. – Vestine, une légende noire. – Actes sud junior, 2009. – 105 p.. – (D’une seule voix). – ISBN 978-2-7427-8599-5 : 7,80 euros.

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La Shoah ***

08.02
2006

Préfacé par Simone Veil, présidente de la Fondation pour la mémoire de la Shoah, l’hebdomadaire Les Clés de l’Actualité pour les 14-18 ans publie ce numéro spécial entièrement consacré à l’histoire de la Shoah et signé pour la plupart des textes par des historiens. Pour ce faire, il présente une chronologie illustrée puis rappelle le paysage européen foncièrement antisémite de l’entre-deux-guerres sur lequel va s’appuyer la propagande nazie. Le tiers de l’ouvrage retrace ensuite, avec force dates, photographies et infographies, l’abominable histoire de la déportation puis de l’extermination systématique des Juifs, sans omettre de mentionner les nombreuses résistances organisées et les actes courageux des Justes. Au chapitre suivant, avec le récit de l’ouverture des camps vient l’heure de la découverte de l’innommable, du bilan et des jugements pour crimes contre l’humanité. Un dernier chapitre, enfin, aborde la question du devoir de mémoire.

Dans chaque chapitre de cet ouvrage richement documenté, chaque partie est relatée et expliquée sur une double page particulièrement bien construite, avec, sur la gauche, le rappel de sa localisation dans le sommaire chronologique, au centre un texte clair avec des encadrés, deux à trois illustrations, photographies ou infographies, et sur la droite un lexique et un renvoi à des romans, des documentaires ou des films. Un excellent documentaire.

CABANEL, Patrick, FIJALKOW, Jacques. - La Shoah. / préf. de Simone Veil.– Milan, 2006. – 98 p. : ill. en coul. et n.b.. – 26*18 cm.. – (Les Clés de l’Actualité hors-série). – ISSN : 1167-9883 : 5,50 €.
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