- La 1ère de couv’ de Formica
- et une critique brève
Scénaristes : Rebecca Lenkiewicz, Pawel Pawlikowski
Pologne, 1962. Quatre jours avant de prononcer ses voeux, Anna, jeune orpheline élevée au couvent, a ordre de rendre visite à sa tante Wanda, le seul membre de sa famille qu’il lui reste. Cette dernière révèle à Anna qu’elle est en fait juive et s’appelle Ida. Ensemble, elles partent revoir la maison où est née la jeune femme, et enquêter sur la mort de ses parents. En chemin, elles prennent Lis en stop. Comme Wanda l’espérait, Ida tombe sous le charme du séduisant jeune saxophoniste. Lorsqu’elles se présentent à la ferme, elles se heurtent au mauvais accueil de l’actuel propriétaire des lieux…
Nous n’évoquerons ici ni la beauté de la photographie, ni la musique, ni l’esthétisme du noir et blanc, ni le parti pris des cadrages, … mais uniquement, comme d’habitude, le scénario… Qu’en est-il ?
Deux personnages partent ensemble à la recherche de leur passé familial, quitte à déterrer leur pire cauchemar. L’une est la pureté faite jeune nonne, le regard vierge sur le monde, sur les autres et sur elle-même. L’autre, surnommée « Wanda la rouge », juge communiste intransigeante, est une femme seule et indépendante, qui fume, boit plus que de raison et finit ses soirées avec son dernier cavalier ou compagnon de beuverie.
Si les conséquences de la rencontre d’Ida avec Lis peuvent sembler trop prévisibles, de même que sa décision finale, il n’en demeure pas moins que le scénario ne révèle aucune faute de goût.
Ici il ne s’agit pas de montrer du doigt les atrocités nazies au sein des camps de concentration, mais d’exhumer le passé honteux des Polonais, qui ont formé le terreau de ces exactions, et en ont même profité pour leur intérêt personnel, n’hésitant pas à tuer homme, femme et enfant pour les dépouiller.
La question pour ces deux femmes est de savoir non seulement comment survivre, mais aussi comment vivre en sachant ce dont l’homme a pu et peut encore être capable, comment croire encore à l’Humanité ou en Dieu.
Chacune d’elles trouve sa propre réponse, dramatique.
Un bijou d’intelligence.
»A la maison, comme l’argent courait toujours plus vite que nous, quand un film arrivait à la Compagnie et que mon père le trouvait à son goût – juste d’après le nom de l’actrice ou de l’acteur principal – on réunissait une à une les pièces de monnaie pour atteindre le prix du billet et on m’envoyait le voir.
Ensuite, en revenant du cinéma, je devais le raconter à la famille, réunie au grand complet au milieu de la salle à manger. » (incipit)
Comment faire quand on aime le cinéma mais que dans une famille de cinq enfants, on a tout juste de quoi acheter une seule entrée ? On vote pour celui des cinq enfants qui raconte le mieux un film : désormais c’est donc la seule fille, la cadette de la famille, qui a l’immense privilège d’aller au cinéma. Son talent de raconteuse de films lui taille une si belle réputation qu’elle prend un nom d’artiste, Fée Ducinée, et que bientôt toute la Compagnie vient payer son entrée pour aller la voir elle, se donnant en spectacle avec force mimiques, jeux d’acteurs et accessoires.
Tout commence par le regard naïf et fier d’une fillette heureuse d’être l’élue de la famille pour avoir le droit d’aller au cinéma et de devenir la starlette de la Communauté. Et puis, et puis, la réalité prend le dessus, d’abord avec les vices, la concupiscence des hommes, puis avec le monde extérieur qui arrive jusque là : comment une merveilleuse idée née des impératifs de la misère va finalement se tarir au contact des technologies nouvelles. Mais plus encore, ce sont les conditions de vie de toute la Communauté que le progrès va remettre en cause. C’est aussi et surtout le drame d’une famille, dont la mère a quitté le foyer, le père ayant un accident l’obligeant à être en fauteuil roulant. Une histoire tragique sur fond de salpêtrière dans le fin fond du désert.
RIVERA LETELIER, Hernan. – La raconteuse de films / trad. de l’esp. (Chili) par Bertille Hausberg. – Métailié, 2012. – 128 p.. - (Suites ; 168). – EAN13 9782864249368 : 9 €.
Film dramatique français du réalisateur et scénariste iranien Asghar Farhadi (Une séparation, 2011)
Sortie : 2013.
Une séparation, le passé…. A chaque fois notre horizon d’attente est finalement induit en erreur, car le nœud dramatique principal n’est pas tant le passé du couple que formaient Ahmad et Marie auparavant, qui ne sera quasi-jamais évoqué ou maintenu au silence (au dénouement), que les raisons du conflit ouvert entre Marie, qui souhaite hâter son divorce d’avec Ahmad, rentré d’Iran, pour se remarier avec Samir, dont elle attend un enfant, et sa fille aînée, adolescente, Lucie, qui désapprouve ce remariage.
De ce huis clos tenu quasiment par une poignée de personnages sourd un drame familial, dont la tension psychologique va crescendo. L’énigme, car il y a énigme sur les raisons du suicide de Céline, devient rapidement le centre d’intérêt du drame, mais
Asghar Farhadi la développe avec beaucoup de subtilité et de sensibilité, se gardant bien de changer d’atmosphère en omettant de placer ses personnages face à leur messagerie, ou en tombant dans le mélo. Même s’il n’est pas question ici d’évoquer le jeu des acteurs, on ne peut que saluer leur talent. Magistral !
cop. Le Monde
Car lire, c’est aussi lire la presse
dans le supplément « culture & idées » du Monde daté du 25 mai 2013, on peut lire que si « depuis le 1er janvier 2005, les parents peuvent transmettre à leur enfant soit le nom du père, soit le nom de la mère, soit les deux noms accolés dans l’ordre qui leur convient », à peine 9% des nouveaux-nés héritent du double nom.
Alors que depuis le Xe siècle (avant le nom de famille n’existait pas en Europe), la domination de la lignée paternelle était la règle dans un monde marqué par une forte hiérarchie des sexes (pas de droit de vote, d’autre domicile que celui de son père ou de son mari, d’administration de ses biens), pourquoi les mères s’effacent-elles encore aujourd’hui devant le nom de leur mari ?
La principale raison semble être de vouloir créer une entité, d’être reconnus comme un tout (« les Dot », « famille Dupuis », …). Pourtant, il suffirait que tous portent les deux noms, comme cela se fait couramment sur la péninsule ibérique.
D’autres rétorquent qu’un problème se pose pour les enfants héritant du double nom, lesquels auront un jour à choisir lequel des deux ils souhaitent transmettre à leurs propres enfants : « La liberté de choix oblige chacun à réfléchir en profondeur à son histoire et à son identité. »
C’est enfin, semble-t-il, une manière d’installer l’homme dans la paternité légitime : la mère accouche, le père donne son nom.
Pour la plupart des 9%, enfin, donner les deux noms à son enfant, c’est symboliser l’union des deux parents, des deux familles, voire permettre à la mère de perpétuer elle aussi son arbre généalogique.
Genre : Comédie dramatique
Réalisateur : Woody Allen (1986)
SYNOPSIS
Elliott est attiré par Lee, la sœur de sa femme, qui vit avec Frederick, un homme plus âgé qu’elle, artiste peintre misanthrope. Alors qu’il aime sa femme, Hannah, il va pourtant nouer une liaison avec sa belle-sœur. Hannah a eu deux enfants par insémination artificielle du meilleur ami de son ex-mari, Mickey, producteur de télévision hypocondriaque, qui a une fois passé la soirée avec sa deuxième soeur, Holly, actrice un peu « ratée », lui réclamant sans cesse de l’argent.
AVIS SUR LE SCENARIO
Le scénario repose essentiellement sur des réflexions, sur le mode comique, sur le désir, l’amour, le talent, la famille : puis-je convoiter la sœur de ma femme, et réciproquement ? Désirer une autre signifie-t-il ne plus aimer celle avec qui l’on vit ? Peut-on réussir sa vie quand on a l’image de quelqu’un qui l’a ratée ? Vers quoi/vers qui se tourner lorsqu’on a peur de mourir ?…
« Après avoir pas mal cherché, je suppose, tu as trouvé mon agenda rouge. Tu t’es mis à le lire pour découvrir si je te trompais. Le second, que l’on pourrait appeler mon véritable agenda, c’est celui dans lequel je suis en train d’écrire. » (p. 9)
La narratrice, Irene America, entame ainsi un vrai journal secret en lieu sûr, en parallèle du rouge qu’elle ne destine plus qu’à la curiosité de son mari… qui a une fois de plus violé son intimité. Car Gil, son époux, est devenu célèbre en peignant sa femme, belle amérindienne, dont il est follement épris, dans des poses souvent érotiques, parfois humiliantes. Des tableaux que l’aîné de leurs trois enfants découvre en cachette sur internet, dont chacun se souvient en croisant le couple dans les soirées mondaines. Irene va alors vouloir s’amuser en utilisant ce carnet pour manipuler son époux…
Louise Erdrich est actuellement l’une des voix qui comptent outre-Atlantique. Elle signe ici un remarquable thriller psychologique sur l’enfer conjugal, le drame d’un couple prêt à voler en éclats, et brosse en filigrane le portrait d’une Américaine amérindienne comme elle, écrivant une thèse sur George Catlin, le peintre des Indiens, qui a sillonné l’Ouest américain au début du XIXe siècle. Construite en huis-clos, cette histoire de manipulation devient franchement insoutenable lorsque la narratrice en arrive aux dernières extrémités pour rompre avec son époux, qu’elle a cessé d’aimer depuis la naissance du cadet. Un père que l’on sait passablement violent avec ses enfants, dont il n’a pas su se faire aimer. Une histoire attractive – répulsive en diable, que j’ai lu d’une traite, un suspens qui fonctionne bien donc, les meilleurs passages restant ce passé qu’invente dans les détails la narratrice, mais sans cette qualité d’écriture qui m’aurait davantage convaincue.
Un thriller idéal par ce temps froid, au coin du feu.