Mots-clefs ‘Engagement politique’

Dans l’ombre du Condor *** de Jean-Paul Delfino (2006)

23.04
2006

Les deux héros de la construction du Corcovado, Joao Domar et Zumbi, imaginent déjà mariés le fils du premier, Paulinho, vingt ans, jeune journaliste ambitieux, et la fille du second, Lucina, seize ans, tour à tour passionnée par la musique, avec la découverte de la bossa nova, et par la politique, avec celle du Che. Mais Paulinho tombe fou amoureux de Wendy, la fille du secrétaire d’ambassade des Etats-Unis, prêt à tout pour lui offrir la vie facile et luxueuse à laquelle elle a toujours été habituée. Or nous sommes au début des années 60 et les États-Unis s’inquiètent de la soif d’émancipation qui gagne alors l’Amérique du Sud, mauvaise pour son exploitation économique des richesses de ces pays. Sous couvert de lutter contre la fièvre communiste soit-disant bientôt à ses portes, la CIA met alors sur pied le « Plan Condor », qui vise à renverser les démocraties naissantes, afin de les remplacer par des dictatures à la solde de l’Oncle Sam. Le frère de Wendy propose alors à Paulinho un travail qui va le rendre plus riche qu’il ne l’aurait jamais espéré, un travail de délation qui consiste à ficher tous les sympathisants de gauche… dans un premier temps. Or Lucina, devenue une ardente militante, prenant la parole aux assemblées, en fait manifestement partie…

Second volet chronologique de cette gigantesque fresque sur le BrésilDans l’Ombre du condor a su de nouveau nous rendre particulièrement attachants et émouvants ces jeunes héros, le premier, tout comme son père, emporté par ses mauvais choix, aveuglé par son ambition, dans le tourbillon de l’enfer des tortures, la seconde, elle, lui volant haut la main la vedette, si belle, si vivante, si passionnée, si sincère qu’elle incarne à elle seule la face éblouissante de l’adolescence. Ce second volet, se déroulant dans les années 60, au moment de la défaite cuisante des américains dans la baie des cochons, révèle cette période particulièrement sombre de l’histoire du Brésil, les Etats-Unis y installant une dictature faisant basculer le pays dans la désinformation, l’oppression et la terreur, et y faisant régner la censure et la torture. Jean-Paul Delfino clame ici haut et fort sa révolte face à l’ingérence politique et économique des Etats-Unis qui, pour protéger ses intérêts, ferment les yeux sur les tortures, les meurtres et la misère endurés par les latino-américains. Aux longs et beaux passages descriptifs et contemplatifs d’un Brésil haut en couleurs, en odeurs et en saveurs, que le héros découvrait dans le premier volet, ont donc été cette fois privilégiés dialogues et action dans ce contexte politique tourmenté. On voit bien, assez vite, où l’histoire dans l’Histoire va hélas nous mener, mais une fois le roman commencé, on ne peut plus le lâcher, soucieux de voir le destin de ces deux adolescents se jouer devant nous, ému parfois jusqu’aux larmes. A LIRE SANS TARDER.

Du même auteur :

- Chair de lune ** (2001)

- Corcovado *** (premier volet de la trilogie – 2005)

- Samba triste *** (fin de la trilogie – 2007)

- Zumbi ** (2009)

A lire son interview.


DELFINO, Jean-Paul. - Dans l’ombre du Condor. – Métailié, 2006. – 310 p.. – ISBN : 2864245760 : 20 €.


Les lendemains qui chantent de Maxime N’Debeka

24.09
2005

PIECE EN QUATRE ACTES

La première femme du village, épouse du Maître tout-puissant, apprend le retour de son neveu de la ville. Ce dernier, en pleine ascension politique, est chargé d’une mission par le gouvernement : celle de convaincre tous les habitants de la contrée, et donc le Maître et les Anciens, de couper les arbres au bois rare de leur forêt pour l’essor économique du pays. Le Maître disparaît, laissant les habitants perplexes. Son fils, qui devait un jour prendre sa succession, semble épouser les idées de son cousin. Seule la première femme reste fidèle à son mari au silence d’autant plus effrayant que d’abominables fléaux frappent le pays depuis.

Une pièce très engagée, aussi bien au niveau politique qu’écologique, marquant bien la division entre la ruralité attachée aux croyances, aux traditions et à la nature avec laquelle les villageois vivent en osmose, et la ville gagnée par le capitalisme colonisateur occidental. Un texte malgré tout très poétique et empreint d’un réalisme fantastique.

N’DEBEKA, Maxime.- Les lendemains qui chantent. – Présence Africaine, 1983. – 107 p.. – ISBN 2-7087-0417-6.

Le président de Maxime N’Débéka

20.09
2005

DRAME SATIRIQUE EN TROIS ACTES

Un homme vient de prendre le pouvoir : il est le nouveau président. Au grand désarroi de son fils, il entend profiter de tous les gens fortunés du pays qui briguent le poste de second au gouvernement, jusqu’à les ruiner et à les humilier en public…

Un style fouillé tout en humour et dérision pour dénoncer la soif de pouvoir de l’être humain.

N’DEBEKA, Maxime. – Le président / préface d?Henri Lopès. – Paris : L’Harmattan, 1982. – 92 p.. – (Encres noires). -  ISBN 2-85802-225-9 : 9,15 euros.

Gouverneurs de la rosée ** de Jacques Roumain (1946)

12.09
2005

cop. éd. Le Temps des cerises

Manuel rentre de Cuba où il fut envoyé pour travailler dans les plantations. Sur le chemin du retour, il rencontre Annaïse, une belle noire, qui change de visage à l’annonce de son nom. C’est que, lui apprennent ses parents, non seulement la famine et la désolation planent désormais sur leur village, mais, pire, qu’une vieille haine a scindé Fonds-Rouge en deux. Mais Manuel ne compte pas baisser les bras et s’en remettre aux divinités implorées. A Cuba, il a appris la grève, la volonté, la solidarité. Il part à la quête d’une source, qui redonnerait vie aux jardins brûlés par la sécheresse, dont le chantier d’irrigation reposerait sur le pardon des villageois.

Gouverneurs de la rosée est un titre qui à lui seul annonce tout à la fois l’engagement politique et la richesse poétique de ce roman posthume. En fait, Jacques Roumain a forgé cette expression à partir de la traduction littérale du créole haïtien « èt lawouze », littéralement «maître de l’arrosage», désignant le gestionnaire de l’’irrigation de toute une communauté. Publié pour la première fois en France en 1946, probablement avec l’aide d’Aragon, ce roman majeur de la littérature haïtienne a pris une dimension internationale, prônant des valeurs universelles telles que l’altérité, la solidarité, chères au communisme. Nonobstant, Jacques Roumain a su dégager sa spécificité linguistique et poétique, faisant balancer son lecteur au rythme chaloupé de la langue créole haïtienne, lui faisant respirer le parfum d’un amour interdit, brossant au sein d’un paysage écrasé par la chaleur des portraits de paysans haïtiens hauts en couleurs. Un très beau texte à valeur de symbole.

ROUMAIN, Jacques. – Gouverneurs de la rosée. – Le Temps des Cerises, 2004. – 202 p. ; 20 cm.. – ISBN : 2-84109-234-8 : 14,48 €.