Mots-clefs ‘éducation’

Les demeurées de Jeanne Benameur

07.10
2018
cop. Folio

cop. Folio

 

La Varienne, c’est l’abrutie du village, et la bonne de Madame. Elle attend toujours que sa petite Luce apprivoise chaque objet étranger avant de lui trouver une utilité, un usage. Un jour, l’école obligatoire lui prend Luce. Désormais, la maîtresse, Melle Solange, tente d’apprendre à lire et à écrire à Luce. Mais cette dernière refuse obstinément de faire le moindre effort en ce sens, comme si elle trompait sa mère en apprenant des choses étrangères à leur microcosme silencieux. Un jour, Mademoiselle Solange écrit le mon de Luce au tableau. Cette dernière s’enfuit et tombe malade…

Il s’agit d’une sorte de huis clos autour d’un trio : la Varienne, bourrue et demeurée, qui ne commence à montrer son affection à sa fille qu’une fois qu’elle tombe malade, Luce qui veut plaire à sa mère en refusant de progresser, dans un accord tacite, et Mademoiselle Solange qui culpabilise de ne pas avoir su comment éduquer cette sauvageonne. Un trio et un trésor : la connaissance, qui ne s’ouvre qu’à qui veut, qui désire. En ceci réside peut-être le secret de l’éducation : un lien affectif indissociable du désir d’apprendre.

 

Le monde de Zhou Zhou 1 & 2 de Golo Zhao & Bayue Chang’an

10.01
2018
cop. Casterman

cop. Casterman

La mère élève seule Yu Zhouzhou, âgée de 6 ans, dans un quartier populaire. Quand sa petite fille est en âge d’entrer à l’école, elle est obligée de l’envoyer vivre chez sa grand-mère avec ses deux cousines, pour lui permettre d’avoir une scolarité correcte. Zhouzhou doit donc quitter son seul ami, Benz-Benz, qui pleure toujours car son père le bat, pour partir partager la même chambre avec deux cousines qui ne lui réservent pas un très bon accueil. A l’école, elle se retrouve la plus mauvaise élève de la plus mauvaise classe, la CP7. Heureusement, elle ne manque pas de répartie et s’évade en compagnie de ses amis imaginaires. Bientôt elle rencontre Yang Lin, un garçon de la première classe, et se lance comme défi de remonter jusqu’à sa classe…

A travers la vie quotidienne de cette petite fille, on découvre l’inégalité sociale qui rejaillit sur le système scolaire, et l’extrême compétition mise en place dans chaque classe et entre les classes, avec des professeurs qui valorisent les meilleurs élèves et négligent les plus faibles. Le dessin, façon manga, l’origine sociale, et l’univers que s’est créé cette petite fille solitaire, qui a une approche de la vie et des autres différente, rendent l’héroïne très attachante.

On attendait la suite…

cop. Casterman

cop. Casterman

La voici :

Yu Zhouzhou a un déclic et comprend que le pinyin est la prononciation des mots : tout devient plus clair ! Non seulement Yu Zhouzhou sait lire, mais elle sait résoudre des problèmes, réciter : la maîtresse la félicite ! Mais elle se heurte à l’indifférence et à l’absence de sa mère. Bientôt elle est même sélectionnée par l’école pour participer au concours d’éloquence pour enfants !

On est de tout coeur avec cette petite Zhouzhou, qui loin d’être seulement une élève appliquée, semble faire preuve de beaucoup d’inventivité !

Article publié le 13 septembre 2017, mis à jour pour le second tome le 10 janvier 2018

LAP ! Un roman d’apprentissage d’Aurélia Aurita

29.12
2015
cop. Les Impressions Nouvelles

cop. Les Impressions Nouvelles

Hantée par l’examen du baccalauréat, Aurélia Aurita, auteur BD chez  Fluide glacial, décide de s’immerger un an dans un lycée très singulier, sans proviseur, sans  administration,  sans intendance,  sans CPE ni surveillants, le LAP, Lycée Autogéré de Paris… par les professeurs et les élèves. Car ici deux principes animent l’établissement : l’autogestion et la  libre fréquentation. Pour valider son année, il faut juste au minimum 12 à 15 U.V. dont au moins une dans chaque domaine : U.V. de cours, semaines de stage, U.V. de gestion, projets et ateliers.

Notre jeune dessinatrice s’attache vite aux différentes individualités qui fréquentent le bahut, lapiens et lapiennes, certains en révolte au fond du jardin, ce qui rend son reportage profondément humain. Cette pédagogie alternative proche de l’anarchisme, intéressante, mais qui me laisse dubitative, ne colle pas tout à fait à mes attentes d’une autre façon d’enseigner.

Les impressions nouvelles (coll. For intérieur), janvier 2014.
144 p.
ISBN 978-2-87449-185-6 : 15 euros.

De l’égalité des deux sexes de François Poullain de La Barre

02.02
2015

cop. Gallimard

Sur les pas de Descartes, François Poullain de La Barre (1647 - 1725) fait table rase des opinions communément répandues sur l’inégalité des deux sexes. Dans cet ouvrage qu’il publie anonymement en 1673, il se propose de réfuter dans un premier temps l’opinion vulgaire, et dans un second temps celle des savants, poètes, écrivains et philosophes comme Platon, Aristote, Socrate, Diogène, Démocrite et Caton. Car cette inégalité entre les sexes n’a rien de naturelle, si ce n’est les moyens de reproduction, mais est bien une construction culturelle du fait des hommes. Si l’on proposait aux femmes une véritable éducation, elles pourraient embrasser n’importe quelle carrière, même scientifique, politique ou militaire, aussi bien que les hommes.

Ordonné prêtre après ses études de théologie, ce libre-penseur cartésien est l’un des premiers à combattre pour l’égalité des sexes, et inspirera entre autres Simone de Beauvoir. Un texte qui pourrait paraître pour d’aucuns dépassé de nos jours en France, et la cause de l’égalité des esprits entendue : ce serait oublier le succès d’ouvrages contemporains inversant cette tendance, tels que Les Hommes viennent de Mars, les femmes de Vénus… 

Vous pouvez lire ce texte intégralement ici.

 

POULLAIN DE LA BARRE, François.

De l’égalité des deux sexes : discours physique et moral : où l’on voit l’importance de se défaire des préjugés.

Gallimard (Folio 2€, 5901 ; 2015)

139 p.

EAN13 9782070462162 : 2 €.

Se faire obéir sans (forcément) punir ! de Gilles-Marie Valet

06.09
2013
 

SEFAIREOBEIR

Non, non, je ne me pose pas déjà ce problème ! Mais ayant reçu cet ouvrage en service de presse, je m’y suis intéressée. Ici n’est abordée que la situation d’éducation parentale, pas celle du corps enseignant.

A la question « l’éducation est-elle possible sans punition », le docteur Gilles-Marie Valet, pédopsychiatre, propose des pistes de réflexion – toujours se demander si la punition va être utile à l’enfant, ce qu’elle va apporter à son éducation -, des méthodes – se fixer des règles intangibles, claires, concrètes, constantes et conséquentes, qui permettront de ne pas se laisser submerger par ses émotions.

« Les parents sont responsables de leurs enfants et les enfants sont responsables de leurs actes. »

Au gré des expériences, on précise ce qui se dit ou non, ce qui se fait ou pas, en fonction des critères comme « c’est bon pour grandir », « cela rend triste ou joyeux », ça peut te faire mal » – autant de références à des valeurs humaines. C’est sur ces bases que repose l’autorité des parents. Or, plus elles seront stables et établies précocement dans la vie de l’enfant, plus ce dernier aura de facilité à s’y conformer.

Trois grands principes émergent, bien évidemment, si l’on ne perd pas de vue que nous sommes pour l’enfant ses modèles :

  • ne jamais taper, quoi qu’il arrive.

  • ne jamais dire de grossièretés ou d’insultes

  • hausser le ton, mais ne jamais crier.

Gilles-Marie Valet décline ainsi les sanctions à bannir et celles à privilégier selon l’âge de l’enfant :

L’isolement : pour un retour au calme (violence, colère, agitation, caprice), éviter la chambre et préférer rester dans un coin de la pièce ou sur une chaise pour réfléchir et revenir quand cela va mieux.

La réparation : présenter ses excuses en promettant de ne plus le faire, restaurer un objet détérioré soi-même, nettoyer ce qui a été sali, racheter avec son argent de poche (participation symbolique) le jouet de l’autre qui a été cassé,…

Les privations (à utiliser modérément) : punir l’enfant en le privant de quelque chose qu’il apprécie particulièrement : sorties, jeux video, télévision,… SAUF les besoins fondamentaux = ne jamais priver un enfant de dessert, de sport ou de son activité artistique préférée. TOUJOURS fixer une échéance (assez courte, pas plus d’une semaine par exemple).

Gilles-Marie Valet délivre aussi quantité d’astuces pour éviter les crises de colère.

Un bon outil pour proposer quelques bases éducatives à des parents désemparés.

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Voici quelques notes non exhaustives :

Avant l’âge de 3 ans, l’enfant est en pleine période d’expérimentation et d’exploration. Quand il casse ou fait des « bêtises », c’est par maladresse ou inexpérience. Nulle notion de bien ou de mal, de bêtises ou d’interdit. Ses limites sont définies par ses compétences psychomotrices et sur le principe du plaisir. Le rôle du parent est d’évaluer si l’expérience tentée peut s’avérer bénéfique, inutile ou dangereuse pour l’enfant afin de l’autoriser ou de l’interdire. A ce jeune âge, mieux vaut prévenir que punir : le protéger en sécurisant la maison et protéger meubles et objets fragiles en les tenant à distance. L’enfant ne comprend pas la corrélation entre sa découverte et la douleur provoquée (il y retournera) ou entre la colère du parent (petite tape voire fessée inutile voire dangereuse car prise comme un jeu, comme composante douloureuse dans la relation affective) et l’interdit. 

SEFAIREOBEIRdedicace

Mieux vaut dire un « NON » net, formulation de l’interdit, sur un ton catégorique avec un regard désapprobateur, et supprimer la tentation inappropriée (mégots, prise dangereuse,…) en détournant son attention par une autre découverte, plus appropriée et valorisée.

Entre 3 et 6 ans (la petite enfance) :

L’enfant prend conscience que le monde est organisé autour de règles (notions de bien et de mal, de loi, de justice,…).

Il s’agit de bien choisir ses mots. Les critiques doivent porter sur la bêtise, pas sur l’enfant : c’est la note qui est mauvaise, c’est le geste qui est méchant, ou la parole grossière. C’est l’action qui est critiquable. Autrement on court le risque d’enfermer l’enfant dans une identité par exemple de voleur ou de menteur.

De 6-11 ans (l’âge de raison) :

L’école : il vaut mieux ne pas dire aller « travailler » à l’école, mais aller « apprendre » de nouvelles choses. La mauvaise note est déjà une punition, donc pas besoin d’appliquer une double peine. En revanche, on peut s’interroger sur le pourquoi et tenter d’y remédier. Une bonne note, qui est en soi déjà valorisante, mérite un compliment, une parole encourageante, du temps à consacrer à l’enfant (parc, goûter avec des amis, zoo), mais pas un cadeau matériel. 

La rareté participe à l’importance de ce qu’on offre. L’accoutumance crée la nécessité d’un nouveau plaisir et donc d’un autre cadeau.

La participation aux tâches quotidiennes : avant 6 ou 7 ans, il est difficile pour un enfant de ranger ses jouets seul. Cela demande un apprentissage. Inutile de récompenser quand un enfant range sa chambre tout seul. Le transformer en jeu. Fondamental pour aider l’enfant à trier, organiser, structurer sa pensée. Si l’on veut développer cet apprentissage, on peut aller en bibliothèque ou en ludothèque. Si un enfant refuse de s’habiller pour aller à l’école, aller dans la famille, etc., lui dire que de toutes manières dans un quart d’heure il est dans la voiture ou à l’école, habillée ou en pyjama… On peut l’autoriser à aller acheter du pain.

« Faute avouée est à moitié pardonnée » : car cela aide l’enfant à prendre conscience des limites qu’il a franchies.

à partir de 11 ans :

A l’école, c’est le temps des copains-copines et des transgressions sociales. Si sa passion prend trop de temps, trouver un compromis en définissant ensemble le temps qu’il paraît raisonnable d’accorder à ce passe-temps en fonction de la quantité de devoirs.

La participation aux tâches quotidiennes : inutile de récompenser quand un enfant met la table, fait la vaisselle,… Il devient adulte. C’est le responsabiliser. De même, s’il veut tel vêtement, ou avoir un téléphone portable, accepter à la condition qu’il gère lui-même ses achats et sa consommation avec son argent de poche.

VALET, Gilles-Marie. – Se faire obéir sans (forcément) punir !. – Larousse, 2012. – 191 p.. – EAN13 9782035867414 : 15,90 €.

Que choisir Santé ** (2006)

17.02
2011

Copyright Que Choisir Santé

Parce que la lecture, c’est aussi lire la presse :

Un magazine d’information sur la santé à la loupe

Que choisir santé est une publication éditée par l’UFC-Que choisir.

Comme sa grande sœur, ce mensuel est sans publicité, ce qui signifie d’une part que sa survie dépend uniquement de ses abonnés (29 € pour 11 numéros par an), et que d’autre part la rédaction de ses articles n’est absolument pas soumise à la pression de l’industrie pharmaceutique, des milieux médicaux, des pouvoirs publics, mutuelles et assurances.

Son apparence diffère totalement en revanche de la revue Que Choisir : le faible nombre de pages (16 au total) faites de papier un peu épais, en couleurs, peut étonner.

C’est que la qualité du contenu prime sur la quantité, contrairement à bon nombre d’autres médias qui nous submergent d’informations sur notre santé très peu fiables, au final. A chaque nouveau numéro sont renouvelés les cinq à six experts de la santé qui valident l’information diffusée par les journalistes.

Chaque numéro s’ouvre sur un dossier, suivi d’une « histoire de santé », de l’analyse d’une maladie précise, et d’une fiche médicaments. En dernière page, un « gros plan » synthétise quelques recommandations ou explications, abondamment illustrées par des dessins.

Fiable, clair et donc indispensable !

La mise à jour de la revue de presse ci-dessous se fera toujours un jeudi, le mois suivant la parution du dernier numéro, ou davantage, afin ne pas porter tort au magazine, mais au contraire de le faire connaître et de le soutenir dans sa démarche.

Revue de presse

- Médicaments, chutes et effets secondaires : le lien entre la prise d’au moins deux médicaments et la chute de personnes âgées est maintenant clairement établi, de même que les effets indésirables des médicaments anti – cholestérol (Que Choisir, mai 2012, n°61).

- Aspirine et cancer : trois nouvelles études montrent l’intérêt sur le rôle de la prise régulière d’aspirine contre les cancers (Que Choisir, mai 2012, n°61).

- Gros plan sur… la gueule de bois (Que Choisir, janvier 2012, n°57).

- Pendant longtemps, maladie rimait avec repos. Depuis une dizaine d’années, il est prouvé que la pratique d’une activité physique (30 minutes par jour et pas seulement le week-end) comporte de nombreux bienfaits : meilleur moral, qualité de vie, prévention des récidives. (Que Choisir, juin 2011, n°51).

- Gros plan sur… le brossage des dents : pour les petits et les plus grands (Que Choisir, juin 2011, n°51).

- De plus en plus d’entre nous consultent le web pour s’informer sur la moindre maladie. Sur les 9 sites « santé » (Passeportsante.net, eurekasante.fr, sante-az.aufeminin, sante-medecine.commentcamarche, linternaute.com/sante, medisite, santepratique, doctissimo, e-sante) analysés par des médecins, nombreux sont ceux qui donnent des indications fausses ou contradictoires, ne déclarent pas leurs liens avec l’industrie pharmaceutique et inondent leurs pages de publicités. Il n’y a donc en tout et pour tout que 2 sites qui obtiennent une note tout juste correcte pour leur présentation-ergonomie, leur indépendance-publicité, et la pertinence de leurs informations pour deux maladies prises au hasard : il s’agit de

Passeportsante.net

(site canadien seul dépourvu de pub, ergonomique, aux informations exactes mais lacunaires)

et Eurekasante.fr

(site français plutôt fiable, appartenant au Vidal, financé par l’industrie pharmaceutique)

 

- Gros plan sur… protéger son dos dans les activités ménagères : le mieux est d’aller consulter cette page bien pratique et illustrée où l’on vous conseille par exemple d’utiliser un caddie ou d’équilibrer votre charge sur deux sacs (Que Choisir, décembre 2010, n°45).

- Histoire de santé : témoignage « Courir, c’est ma thérapie contre le cancer » d’un marathonien âgé de 53 ans, opéré d’un cancer du poumon en 2009. Cancérologue au CHU Avicenne, le Dr Bouillet préconise effectivement la pratique d’un exercice physique régulier, 3 fois par semaine, dès le début du traitement, avec progressivité des efforts et activité adaptée selon les cas, car contrairement à ce qui se dit, et les antidépresseurs, anti-inflammatoires ou amphétamines donnés pour lutter contre la fatigue, l’activité physique est la seule thérapie efficace pour les malades fatigués par le cancer (Que Choisir, octobre 2010, n°43).

- Dossier : chirurgie de la vision, les techniques et leur fiabilité : attention, la chirurgie réfractive ne fait pas de miracle, le risque zéro n’existe pas, et elle n’est pas prise en charge par la sécurité sociale. (Que Choisir, octobre 2008, n°21).

- Histoire de santé : témoignage sur les bienfaits du Qi Gong d’une personne atteinte d’un cancer du sein avec complications. Il s’agit d’une gymnastique de santé vieille de 2000 ans, inspirée de la philosophie chinoise : cette discipline améliore le contrôle du corps et de l’esprit par des exercices pratiqués debout, assis ou couché. (Spécialistes : Dr Yves Réquéna, médecin acupuncteur, professeur de Qi Gong ; Marceau Chesnault, actuellement en Chine auprès des grands maîtres pour son post-doctorat sur le Qi Gong). (Que Choisir, octobre 2008, n°21).


Sanctuaires ardents ** à *** de Katherine Mosby (2010)

12.12
2010

Rentrée littéraire 2010

L’arrivée dans les années 1930 de la belle Vienna Daniels, New Yorkaise cultivée, dans la bourgade de Winsville en Virginie, province perdue des Etats-Unis, va vite provoquer l’effervescence, puis rumeurs et médisances quand elle refusera de participer aux conversations mondaines de ces commères, qu’elle juge creuses et sans intérêt. Jugée trop indépendante et trop originale par son mari, ce dernier va finir par la quitter, la laissant isolée avec ses deux enfants, qu’elle éduque elle-même librement, dans cette grande maison, jusqu’à ce qu’un botaniste anglais ne passe voir son magnifique saule pleureur, sous lequel ils deviennent amants…

(...) Addison avait entendu dire qu’elle avait essayé de tuer son mari, qu’elle s’adressait au diable dans une langue inconnue, et que les soirs de pleine lune elle se baignait dehors dans une baignoire en fer-blanc et attirait sur sa peau la luminosité céleste. Elle était socialiste ou peut-être communiste, Addison ne se rappelait pas lequel des deux, mais la différence importait aussi peu qu’une morsure de charançon, parce que ce n’étaient pas des étiquettes qu’on voulait se voir coller sur le dos. En plus elle aimait les Nègres et elle fumait des cigarettes. Voilà ce qui arrive, disait-on, quand on lit trop de livres : ça ramollit le cerveau, et Addison imaginait alors la texture spongieuse des champignons des bois ou des crackers détrempés. On racontait qu’elle possédait des milliers de livres. » (p. 12)

Après avoir été Sous le charme de Lillian Dawes, la finesse poétique et la subtilité psychologique de Sanctuaires ardents, son véritable premier roman, nous ravit tout autant. Là encore, son personnage féminin, une New-Yorkaise tout à la fois indépendante, entière, intelligente, éblouissante et mystérieuse, apparaît comme complètement décalé dans ce cul-de-sac du Sud, où le sort semble s’acharner contre elle. Un drame magnifique et envoûtant.

MOSBY, Katherine. – Sanctuaires ardents / trad. de l’anglais par Cécile Arnaud. – La Table ronde, 2010. – 384 p. : couv. ill. en coul.. – (Quai Voltaire). – ISBN 978-2-71033147-6 : 23 euros

Professeur à l’université de New-York, Katherine Mosby collabore au New Yorker et à Vogue. Née à Cuba en 1957, elle vit aujourd’hui à New-York. Poète et romancière, elle est l’auteur de trois romans. Sanctuaires ardents est son premier roman. Son deuxième, déjà publié, Sous le charme de Lillian Dawes, a fait partie de la sélection 2002 du New-York Times.