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Stanislas Gros – 4

26.04
2014

stanislasgrosJ’ai eu le plaisir en décembre dernier de faire l’interview de Stanislas Gros, auteur des bandes dessinées Le Dernier jour d’un condamné, Le Portrait de Dorian Gray et La Nuit, autour d’un café dans son QG, la brasserie face à la cathédrale d’Orléans. Voici le compte-rendu de notre entretien en plusieurs parties. Ici la dernière :

 

As-tu des thématiques fortes qui te tiennent à cœur ?

Les rapports de classe, la bourgeoisie très riche d’un côté et les pauvres de l’autre. A part Le Dernier jour d’un condamné où Hugo prend parti très discrètement pour les bourgeois, sinon dans Le Portrait de Dorian Gray, j’ai ajouté ce thème. J’ai beaucoup utilisé dans Le Dandy illustré l’idée de se distinguer du vulgaire, d’avoir l’air plus raffiné que les autres, alors que ce sont des notions complètement fluctuantes. C’est lié à un comportement de classe.
Un autre thème me tient particulièrement à cœur, sans avoir encore eu l’occasion d’être développé jusqu’à présent : c’est le féminisme. A la fin du Portrait de Dorian Gray, j’ai donné par exemple le beau rôle à Lady Monmouth, capable de faire taire un philosophe approximatif. C’est une amie américaine qui m’a dit que j’avais fait quelque chose de féministe. A partir de là, j’ai eu une vraie prise de conscience. Cela remet beaucoup en cause. C’est une façon différente de penser la société, les rapports homme-femme, la virilité. Et j’essaie de ne plus laisser passer quelque chose de sexiste. J’ai voulu faire ça avec La Nuit. J’ai aussi essayé de contacter des scénaristes femmes, par exemple (…). C’est probablement le sujet qui va le plus revenir et qui me force le plus à réfléchir quand j’écris une histoire.

Est-ce difficile de vivre de son art lorsqu’on est dessinateur ? Dans quels autres domaines exerces-tu ton art ?

Oui, c’est difficile. Après, je me contente de peu. Les choses m’arrivent toujours un peu par hasard, cela s’enchaîne. Vu mon incapacité à me vendre, j’ai vraiment beaucoup de chance. Des auteurs m’ont encouragé et m’ont directement mis en relation avec les éditeurs. Il y a aussi ces dessins que je faisais pendant les concerts, on m’a proposé de les exposer, et j’en ai vendus. De même ensuite avec mes aquarelles. Ou des gens me demandent des illustrations.

banniereStanDans quel sens penses-tu que les codes de la bande dessinée peuvent éclater avec le support numérique ?

Pour l’instant, cela ne bouge pas vraiment, à part le blog de Boulet, même si son blog ressemble à des pages de BD. Cela n’a pas encore d’influence sur la BD. Sinon il y a Turbomedia, où des supports numériques permettent en cliquant de passer d’une case à la suivante. Mais cela n’est pas révolutionnaire non plus. De la même façon, Schuiten avec La Douce propose un gadget interactif sur Internet, mais cela ne change rien à la bande dessinée elle-même. Ces BD pourraient exister sans Internet, cela ajoute un truc, mais pas grand-chose au final. A la fin, on a un album avec des pages qu’on tourne, et une mise en page ordinaire en gaufrier.

Stanislas Gros travaille actuellement sur deux projets, chacun mettant en scène un artiste célèbre français sans pour autant qu’il s’agisse tout à fait de biopics. Les contrats n’étant à cette heure pas encore signés avec les éditeurs intéressés, nous n’en dirons pas davantage… A suivre donc.

BIBLIOGRAPHIE

1) Le dernier jour d’un condamné  de Victor Hugo  / coul. de Marie Galopin. - [Paris]  : Delcourt , 2007 .- 47 p.  : ill. en coul., couv. ill. en coul.  ; 30 cm .- (Ex-libris). –  ISBN 978-2-7560-0533-1 (rel.) : 9,80 €.
2) Le portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde / coul. de Laurence Lacroix. – Delcourt, 2008. – 63 p.. – (Ex Libris). – ISBN  978-2-7560-1120-2.
3) La nuit. - Paris  : Gallimard , 2011. – 92 p.  : ill. en coul.  ; 25 cm . - (Bayou). - ISBN 978-2-07-062954-1 : 16 €.

SUR INTERNET
son blog : http://stanislasgros.blogspot.fr/
son site : http://www.stanislasgros.com/
et sa page Facebook 

Stanislas Gros – 3

19.04
2014

stan

J’ai eu le plaisir en décembre dernier de faire l’interview de Stanislas Gros, auteur des bandes dessinées Le Dernier jour d’un condamné, Le Portrait de Dorian Gray et La Nuit, autour d’un café dans son QG, la brasserie face à la cathédrale d’Orléans. Voici le compte-rendu de notre entretien en plusieurs parties. Ici la troisième :

 

Quelles sont tes habitudes de travail ? Dans quel lieu ?

Ici, dans cette brasserie face à la cathédrale d’Orléans. J’ai tendance à dessiner au café, en fait. Cela s’est imposé à moi petit à petit. La moitié de mon travail, c’est de créer une ambiance détendue pour pas que je sois trop stressé quand je dessine. La solution jusqu’ici c’est de dessiner au café.

stanislasgrosAvec quel matériel ?

Le Dernier jour d’un condamné, je l’ai dessiné au Pentel, un pinceau rechargeable, et au crayon papier. Le Portrait de Dorian Gray, je l’ai dessiné au stylo à bille comme sur mon blog, et un peu pour faire référence aux dessins au trait de Beardsley. Cela s’est révélé une technique assez fastidieuse au final, donc je ne recommencerai pas. Pour mon troisième album, La Nuit, je l’ai dessiné au Pentel, sans crayon cette fois. L’idée à chaque fois c’était de m’adapter au sujet. Pour Le Dernier jour d’un condamné, le gris c’était pour montrer la saleté des cachots. Si j’avais utilisé le pinceau tout seul j’aurais obtenu quelque chose de bien plus propre. La Nuit est vraiment venue de la technique que j’avais envie d’utiliser : j’ai décidé d’imaginer une histoire qui se déroulerait la nuit pour utiliser le mieux la technique qui me plaisait le plus. C’est l’outil qui est à l’origine de la BD.

Qu’est-ce que tu apprécies le plus dessiner : les personnages, les décors ?

Les personnages, les attitudes et les expressions. C’est ce qui correspond au jeu d’acteur en fait. Je dois être une sorte de comédien contrarié.

banniereStan

Comment qualifierais-tu ton style pour quelqu’un qui ne te connais pas ?

C’est souvent très épuré. Je travaille beaucoup l’expression des visages, la mise en scène et la mise en page. Je réfléchis à ce que j’ai à dire et je l’exprime de la manière la plus efficace possible. Le moins de traits possible pour exprimer un maximum de choses.

A l’aide de bulles et d’illustrations assez proches de l’horizon d’attente du lecteur, tu insères dans le récit du Portrait de Dorian Gray, avec beaucoup de goût et d’à propos, d’innombrables références intertextuelles : à Friedrich Nietzsche (Lord Henry), aux traits de Greta Garbo, au poème Les Bijoux de Charles Baudelaire, aux Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos, à Huysmans (tortue incrustée de pierres précieuses), aux préraphaélites (Ophélie), à Audrey Beardsley, et aux photographies de Lewis Hine. Est-ce là tes sources d’inspiration de prédilection ? Quelles sont les autres ?

C’est le sujet qui amène les références. Le dandysme, c’est un sujet qui devait me tourner autour, sans que je m’y intéresse. Si j’ai choisi Le Portrait de Dorian Gray, c’est parce que je m’étais dit que visuellement cela devrait être intéressant. Ce qui est marrant, c’est que cela a pris beaucoup de place dans ma vie, d’abord avec cette identité sur le net. Du coup, mes amis et mes lecteurs se sont mis à me parler de dandysme.

Après Le Portrait de Dorian Gray, je m’étais dit que je ferai un truc sans documentation, ce qui a donné La Nuit. Bien entendu, je n’ai pas vraiment réussi car il y a des références, notamment au Chevalier, la mort et le Diable de Dürer et à la tapisserie de Bayeux.

Je préférerais l’éviter, mais il est difficile de travailler sans tenir compte de tout ce qui a déjà été fait sur le sujet. Souvent ça participe à la psychologie des personnages, ça renforce une idée, ça permet de donner un chemin.

Pour La Nuit, publié chez un autre éditeur, Gallimard, tu as également imaginé intégralement le scénario. Tu réussis à nous faire entrer dans un univers médiéval assez sombre et fantastique doté d’un humour un peu décalé, sans tomber dans les poncifs du genre. Comment as-tu eu l’idée de cet album ?

L’idée, c’était de partir de ce que dessine le mieux, la nuit. Ensuite j’ai pensé aux personnages qui pourraient être réveillés la nuit au lieu de dormir. J’avais fait cet hommage à Donjoni, où il y avait une histoire de chevalier aussi. Et puis, cette idée de village me vient d’Astérix, qui m’a beaucoup marqué enfant, en créant dans ce monde imaginaire la possibilité de dénoncer des sujets actuels – la société de consommation, la religion,… Je voulais faire Astérix dans un monde médiéval, je voulais déconner et au final, on me dit que je fais de la poésie, ce qui me fait plaisir. Cela m’arrive souvent de vouloir faire l’imbécile et que les gens me disent que c’est poétique ou philosophique.

Cette série de bande dessinées, créée par Lewis Trondheim et Joann Sfar (Delcourt, 1998), est une parodie de l’univers heroic fantasy du jeu de rôle Donjons et Dragons.  

La suite samedi prochain.

Stanislas Gros

05.04
2014

stanJ’ai eu le plaisir en décembre dernier de faire l’interview de Stanislas Gros, auteur des bandes dessinées Le Dernier jour d’un condamné, Le Portrait de Dorian Gray et La Nuit, autour d’un café dans son QG, la brasserie face à la cathédrale d’Orléans. Voici le compte-rendu de notre entretien en plusieurs parties :

Quand as-tu ressenti le désir de devenir dessinateur ? Et spécifiquement auteur de bande dessinée ?

Comme tous les enfants j’ai dessiné à la maternelle. Sauf que moi j’ai continué et que les autres enfants sont passés à des choses plus sérieuses. En fait, je n’étais pas très très bon en classe (c’est lui qui le dit), sauf en dessin. C’est ma scolarité qui a décidé pour moi.

Quel fut ton parcours avant de publier ton premier album ?

Copyright Delcourt

Copyright Delcourt

Cela n’a pas été une super idée de penser que j’allais m’en sortir grâce au dessin car ça a été un peu long. J’ai d’abord passé un bac A3 puis fait les Beaux-Arts, sûrement par manque d’imagination, et je n’y suis pas resté très longtemps. A l’époque, les Beaux-Arts ne voyaient pas d’un très bon œil la BD, mais il y avait une section illustration. Je me souviens surtout d’un cours de sémiologie, cela m’a frappé, cette idée d’interpréter le sens des images, et je crois l’appliquer de mieux en mieux. Ensuite je suis parti des Beaux-Arts au bout de deux ans, sans avoir fini le cycle, et j’ai vécu de petits boulots. Je dessinais et essayais de me faire éditer. Cela a été très très long. C’était le début des blogs des dessinateurs, auxquels s’intéressaient les éditeurs. J’en avais moi-même créé un. Jean David Morvan, scénariste à succès, a vu mes dessins et est devenu directeur de collection chez Delcourt. Il m’a proposé de faire Le Dernier Jour d’un condamné. Et faire une adaptation de littérature, c’était vraiment la dernière chose que je pensais faire un jour.

Qu’est-ce que ton blog t’a apporté par la suite ?

C’était aussi la mode de faire son autobiographie en BD. Sur les blogs on racontait un peu son nombril. Je n’aimais pas trop ça en fait, je me suis forcé un peu, j’ai fait quelques pages, de petites histoires où je me mets en scène. Le blog m’a permis de faire des choses que je n’aurais pas faites autrement. L’idée, c’est aussi d’y essayer des trucs parfois un peu bizarres. Il y même un OUBAPO qui se consacre à cela. Le blog, c’est aussi travailler régulièrement, dans l’urgence. Du coup il y a sûrement beaucoup de déchets, mais je me suis amusé.

banniereStan

Quand on consulte ton blog, Le Ravi (http://stanislasgros.blogspot.fr/), et que l’on fait ta connaissance, on remarque que tu t’es construit une identité visuelle très forte. Comment souhaites-tu que l’on t’identifie en tant qu’auteur ?

L’identité visuelle n’a pas été fabriquée, elle est venue naturellement. Je me souviens qu’une fois j’avais fait un dessin pour une pochette de disque, pour des amis, qui avaient vu sur mon blog ma silhouette en train de prendre un café, avec ma chemise rayée. Ils en avaient fait un logo qu’ils avaient aligné avec les autres petits logos. Je ne l’avais vraiment pas fait exprès, mais maintenant, je me dis que je pourrais mettre ça à la fin de mes albums, comme une signature.

La suite samedi prochain.

Les ignorants d’Etienne Davodeau

14.03
2012

cop. Futuropolis

Récit d’une initiation croisée

Après avoir raconté les souvenirs d’un couple de militants syndicaux dans Les mauvaises gens, puis le pétage de plombs d’une mère au foyer dans Lulu femme nue, Etienne Davodeau a décidé de vivre pendant plus d’un an le quotidien d’un vigneron indépendant, métier dont il ne connait rien, et d’apprendre à connaître les vins. En échange, Richard Leroy s’est engagé à découvrir l’univers de la bande dessinée : imprimerie, maison d’édition, salons, atelier de reliure, rencontre d’auteurs, lecture intensive…

Les Ignorants retrace ainsi ces initiations respectives s’échelonnant sur toute l’année, sensibilisant du même coup le lecteur à deux univers d’apparence complètement différents, et pourtant… Alors que le personnage de Richard Leroy est rendu attachant par son amour de la vigne, sa vigilance au climat, « sa loyauté et son plaisir » à faire du vin, sans herbicide ni pesticide et sans souffre,  en utilisant la biodynamie (de l’eau à la bouse de corne) ou en pulvérisant de la silice en pleine nuit (!), on assiste en parallèle à la fabrication de Lulu femme nue et à de nombreuses conversations avec des auteurs reconnus. On lit même une planche de Lewis Trondheim en réponse au scepticisme du vigneron sur le bec de son héros. Car le vrai défi d’Etienne Davodeau, ce n’est pas tant d’avoir taillé la vigne ou dégusté divers vins, que d’avoir croqué des personnages réels, y compris ses confrères : on se rend ainsi chez Gibrat, Marc-Antoine Mathieu, Emmanuel Guibert et les deux médecins sans frontière du Photographe, devenus vignerons. Ce n’est en effet pas anodin, conclut Richard Leroy, de se voir transformé en héros de BD ! En tout cas, le succès de la BD laisse à penser que le message d’une agriculture alternative est passé chez les consommateurs, qui peut-être auront acheté le vin de ce vigneron indépendant qui refuse d’être étiqueté bio ou AOC !

Une lecture savoureuse.

 

Dictionnaire de la peinture

26.09
2005

cop. Larousse

 

Proposer une « bible de la peinture » occidentale, voilà ni plus ni moins le dessein de Michel Laclotte, ancien président-directeur du Louvre, et Jean-Pierre Cuzin, conservateur en chef du département des peintures de ce musée, qui ont su s’entourer des meilleurs spécialistes internationaux pour s’efforcer d’être aussi complet que possible dans un cadre limité. Aussi cet énorme dictionnaire propose-t-il pas moins de 3000 articles dont 2500 notices biographiques d’artistes, en majorité des peintres, mais aussi des dessinateurs, des affichistes, des photographes ou installateurs utilisant des techniques picturales pour créer leurs environnements. Par ailleurs, du Moyen-Age à nos jours, il aborde tous les sujets à caractère général permettant de situer les artistes dans un cadre historique et stylistique, les grands courants et tendances de la peinture européenne définis par l’histoire de l’art.

Un ouvrage de référence indispensable, illustré de près de 700 reproductions.

LACLOTTE, Michel, CUZIN, Jean-Pierre (sous la dir. de). – Dictionnaire de la peinture. – Paris : Larousse, 2003. – 1134 p. : ill. en coul. ; 29*20 cm.. – ISBN : 2-03-505390-0 : 65 €.