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Break de Ledoux et Liano

14.04
2020

Blue Pink Photo Women's Day Instagram Post

Break : une histoire du hip-hop de Florian Ledoux et Cédric Liano

En 1967, dans un quartier défavorisé du Bronx, la violence règne tant au foyer que dans la rue. La mère de Marcus s’arrache aux coups de son mari, tandis que son fils intègre un gang pour pouvoir se défendre des autres et assurer un revenu à son foyer. Pour Aaron, son petit frère, il est un peu devenu son père, sa mère célibataire travaillant de nuit.

Heureusement les blocks parties procurent la bouffée d’oxygène et de créativité des quartiers. On y répète des morceaux de vinyle, on rivalise en impros de danse : c’est la naissance du hip hop. Marcus s’épanouit dans la danse, tandis qu’Aaron s’exprime par le graffiti…

A la suite de la fameuse série Hip Hop Family tree d’Ed Piskor, Florian Ledoux et Cédric Liano ont choisi de réaliser cette bande dessinée à quatre mains, tant au niveau du scénario qu’au niveau du dessin, pour revenir sur le contexte historique du mouvement hip-hop, à travers le destin tragique de Marcus. Quand les battle de danse font rage, les deux dessinateurs choisissent d’allonger tel ou tel membre pour s’accorder avec l’ampleur du mouvement, ce qui rend le dessin hyper dynamique, coloré et inventif.

Un bon moment de lecture, instructif qui plus est sur l’éclosion du mouvement hip-hop et de ses composantes.

Merci à Cédric Liano de m’avoir envoyé ce livre numérique, avant de pouvoir nous rencontrer et travailler ensemble sur un projet BD hip-hop au lycée à la rentrée.

Ballerina de Summer et Warin

28.12
2017

BallerinaFilm d’animation (France-Canada, 2016)

Scénario de Carol Noble, Eric Summer et Laurent Zeitun

A la fin des années 1880, en Bretagne, Félicie et Victor rêvent de s’enfuir de leur orphelinat pour accomplir leur destinée : lui veut être inventeur, et elle danseuse, à l’image de la ballerine de la boîte à musique avec laquelle elle a été retrouvée dans son berceau. Ils parviennent enfin à s’enfuir, au grand dam de M. Luteau, et se retrouvent séparés à Paris. Victor parvient à travailler dans les bureaux de Gustave Eiffel, tandis que Félicie usurpe l’identité d’une petite bourgeoise qui lui a cassé sa boîte à musique par pure méchanceté et rentre à l’Opéra concourir pour un rôle dans Casse-noisette

Saluons d’abord la prouesse technique de ce film d’animation qui nous offre des vues magnifiques du Paris de la fin du 19e siècle. Même si le scénario reste prévisible, ce film se regarde néanmoins avec plaisir, l’héroïne étant attachante, pleine d’énergie et de volonté, bien distincte avec sa chevelure rousse et sa voix grave des autres petites danseuses brunes interchangeables et de sa concurrente blonde. Le message est clair : attention jeunes filles de ne pas désobéir à sa mère, et d’aller voir les garçons au lieu de réviser avant un examen : à force de travail et de « coeur », on arrive à réaliser son rêve !

En revanche la bande originale du film est épouvantable, complètement anachronique et d’un mauvais goût absolu. De même, il n’était pas nécessaire d’inventer un personnage de « sorcière » aussi méchant que Cruella : la différence de classes sociales était une difficulté suffisante, sauf que… tout est faux ! En effet, à l’époque, ce sont les familles pauvres qui proposaient leurs filles à l’opéra pour faire de la figuration comme petits rats contre menue monnaie, lesquelles trouvaient un protecteur aux mains baladeuses…

Ce récit initiatique nous offre un bon moment malgré ces petites imperfections. Optimiste et galvanisant !

 

 

La petite danseuse de quatorze ans de Camille Laurens

10.11
2017
cop. Stock

cop. Stock

A l’époque, « La petite danseuse de quatorze ans » d’Edgar Degas provoqua le scandale. De nos jours, on l’admire dans le monde entier mais du modèle, on ignore tout. Camille Laurens répare dans cet essai ce tort, en heurtant au passage à notre tour notre sensibilité. Car ce qui choqua les contemporains de Degas, en 1880, c’est que le sculpteur avait choisi un sujet trivial, pire obscène, puisque ce modèle, comme la majorité des petits rats de l’opéra, travaillait pour ramener de l’argent à sa mère, en dansant, en posant et en badinant avec les vieux monsieurs, leurs protecteurs, dans les coulisses de l’opéra. On est bien loin de l’image idyllique des petites danseuses actuelles en tutu blanc : celles de l’époque sont déjà de vulgaires prostituées passés onze ans, vendues par leur mère pour pouvoir survivre, les enfants des classes populaires travaillant à l’époque, et ce qu’on appelle aujourd’hui pédophilie n’étant pas alors considéré comme un crime. On fermait pudiquement les yeux sur ces abus sexuels… jusqu’à ce que Edgar Degas expose au grand jour, comme une oeuvre d’art, cette fillette nue de cire qu’il revêt de véritables vêtements.

Un essai intéressant, mais qui finalement brode surtout autour de ce qui a pu être publié sur le sujet. Un article de Télérama s’y était attardé encore récemment, en avril 2015. Peut-être d’ailleurs aura-t-il déclenché l’envie d’en faire un livre…

Lecture dans le cadre de mon Challenge danse

Medea de Pascal Quignard

29.05
2017
cop Ritournelles

cop Ritournelles

Medea, c’est d’abord un spectacle produit en 2010, d’une durée de 45 minutes, au Festival Ritournelles à Bordeaux. A gauche le musicien Alain Mahé, qui improvise à genoux, à droite, Pascal Quignard lit son texte assis à une table éclairée par une lampe de chevet, puis se retourne pour contempler, fasciné, la danseuse de bûto Carlotta Ikeda, qui devient Médée la magicienne, la mère meurtrière. L’infanticide est suggéré plus que montré. La décision monte en elle, comme une pulsion sexuelle de la mort, dans un temps arrêté, prêt à bondir vers le déchirement, la souffrance.

La rencontre entre Pascal Quignard et Carlotta Ikeda semblait évidente, tant les thèmes de l’un et de l’autre sont proches : le silence, le retour aux origines, la mort et le sexe.

Pascal Quignard nous livre sa propre version de Médée, à ce moment crucial où elle s’apprête à tuer ses propres enfants.

Ecoeurée par la trahison de Jason, pour qui elle a tout quitté, et même tué son frère, Médée, après avoir enflammé sa rivale avec les onguents qu’elle sait préparer, s’interroge : qu’est-ce qui pourrait le plus faire souffrir Jason ? Quelle pourrait être la pire vengeance, si ce n’est tuer la chair de sa chair, les enfants qu’ils ont eus ensemble ?

Contrairement au Meursault de Camus, Pascal Quignard nous montre une Médée à la colère froide, qui pré-médite son infanticide. Sa prose poétique réussit alors à être d’une cruauté étincelante, d’une beauté mortelle, tant par le choix des mots que par son rythme et sa concision. Un texte magnifiquement terrifiant. On est loin du Choix de Sophie ou des Autres, variations autour de ce mythe romanesque au diable. Qu’y a-t-il en effet de pire que de tuer ses propres enfants ? Beau et effrayant.

Lecture dans le cadre de mon Challenge danse

cop. SeL

cop. SeL

Il était une fois dans l’est : tome 1 de Julie Birmant et Clément Oubrerie

24.05
2017
cop. Dargaud

cop. Dargaud

« Il était une fois dans l’est » : non, il ne s’agit pas d’un western spaghetti, mais du biopic d’Isadora Duncan, célèbre danseuse contemporaine, à travers sa relation avec de Serge Essenine, poète russe. J’étais donc complètement passée à côté de ce nouveau biopic d’une femme célèbre, et qui plus est d’une danseuse dont j’avais commencé à écrire le scénario, tant sa vie fut à la fois passionnante et tragique !

Ce premier tome commence par la fin tragique d’Isadora pour ensuite directement passer à l’été 1923 avec Serge Essenine et revenir sur les débuts de leur relation, soudaine et passionnée. Ayant lu l’autobiographie d’Isadora Duncan et de nombreux témoignages sur elle, j’avoue être passablement déçue par cette entrée en matière. Je veux bien croire que l’éditeur ait pensé, à tort ou à raison, que les noms d’Isadora Duncan et de Serge Essenine étaient inconnus du grand public, et qu’il fallait attirer le chaland en le faisant rêver d’exotisme venu du Nord et de passion, mais tout de même, je reconnais là bien mal l’image que je m’étais faite d’Isadora Duncan, danseuse inspirée des déesses grecques ! La mise en double page, hors cases, de sa danse, aérienne, rend seule hommage à sa danse, pour l’instant. Quel dommage !

Lecture dans le cadre de mon Challenge danse

cop. SeL

cop. SeL

 

Brins d’herbe de Carolyn Carlson

14.05
2017
cop. Actes Sud

cop. Actes Sud

Dans sa préface, Carolyn Carlson (née le 7 mars 1943), chorégraphe, danseuse, poète et calligraphe, explique que peu de mots suffisent à exprimer l’essentiel, et que le haïku constitue l’un des moyens, comme la danse, d’appréhender notre « être ici-et-maintenant ».

Des haïkus qui sonnent comme des définitions de danseuse et chorégraphe :

« L’intention c’est l’action de mon corps

la mémoire c’est la demeure de mon âme

la création c’est mon coeur agrandi. »

comme une transmission :

« Si tu ne devais laisser ni parole

ni rien de ce qui se possède

ta vie à elle seule aura été témoignage

respirer pour s’approprier un lieu. »

ou comme un message d’amour :

« Longtemps j’ai porté avec moi

ce livre vide

aujourd’hui je le remplis de toi. »

Même si j’ai été peu sensible à ses textes, j’avoue que ce recueil bilingue qui alterne l’écriture manuscrite de Carolyn Carlson avec la traduction de ses haïkus en français et de la calligraphie, a de quoi séduire. 

 

Lecture dans le cadre de mon Challenge danse

cop. SeL

cop. SeL

 

Philosophie de la danse de Paul Valéry

12.05
2017
cop. Allia

cop. Allia

 

Paul Valéry prévient aussitôt son lecteur :

« il faut vous résigner à entendre quelques propositions que va, devant vous, risquer sur la Danse un homme qui ne danse pas. »

Car, selon lui,

« Toute époque qui a compris le corps humain, ou qui a éprouvé, du moins, le sentiment de mystère de cette organisation, de ses ressources, de ses limites, des combinaisons d’énergie et de sensibilité qu’il contient, a cultivé, vénéré la Danse. » (p. 10), ce qui explique son intérêt pour la danse et l’essai qui va suivre.

Il amorce alors une première définition :

« C’est que la Danse est un art déduit de la vie même, puisqu’elle n’est que l’action de l’ensemble du corps humain ; mais action transposée dans un monde, dans une sorte d’espace-temps qui n’est plus tout à fait le même que celui de la vie pratique. » (p. 10-11).

Après avoir passé en revue quelques occupations ou mouvements d’animaux qui ne peuvent pas passer pour de la danse, il revient sur la relative oisiveté de l’être humain, qui s’attache à des passe-temps inutiles, comme l’art de danser :

« L’homme est cet animal singulier qui se regarde vivre, qui se donne une valeur, et qui place toute cette valeur qu’il lui plaît de se donner dans l’importance qu’il attache à des perceptions inutiles et à des actes sans conséquence physique vitale. » (p. 16).

Pour mieux le définir ensuite, Paul Valéry finit par décrire l’état du danseur :

« Il observe que ce corps qui danse semble ignorer ce qui l’entoure. Il semble bien qu’il n’ait affaire qu’à soi-même et à un autre objet, un objet capital, duquel il se détache ou se délivre, auquel il revient, mais seulement pour y reprendre de quoi le fuir encore… «  (p. 27)

Cet objet capital, c’est le sol, vers lequel il revient toujours, gouverné par les lois de la pesanteur dont il essaie de s’arracher.

Et l’esprit dans ce corps qui danse ne voit rien de ce qui l’entoure, il n’est attentif qu’à ce qui se passe à l’intérieur.

Aussi, pour Paul Valéry, la danse constitue « une poésie générale de l’action des êtres vivants ».

Dans ce si joli petit livre, Paul Valéry nous livre une tentative de définition de la danse avec laquelle je suis en accord, dans la mesure où il la caractérise tout à la fois en lien avec la vie intérieure, le sol et la poésie. Inutile au processus vital comme tout autre art, la danse s’apparente au mouvement poétique, comme elle peut provoquer une sorte de transe (techno, danse africaine, les derviches tourneurs) jusqu’à l’épuisement des forces.

Lecture dans le cadre de mon Challenge danse

cop. SeL

cop. SeL