Mots-clefs ‘danse moderne’

Nina Dipla : Rosa

15.06
2013

Hier soir, j’ai assisté à la première représentation publique de Rosa au Centre Chorégraphique National d’Orléans de Nina Dipla, danseuse-chorégraphe grecque, que j’ai eu la chance d’avoir comme professeure à l’une des sessions de danse contemporaine. J’avais adoré son spectacle précédent, qui tourne d’ailleurs toujours, Une attraction invisible, où deux moments très forts m’avaient marquée : la pluie de cannelle en suspension au-dessus et autour d’elle en mouvement, et sa prouesse technique de l’insecte s’agrippant au mur.

Rosa, comme le titre l’indique, est l’histoire d’une femme, de toutes les femmes… grecques. Au départ, Rosa est très sexy, les talons hauts, une robe blanche ultra courte, le regard dissimulé par une paire de lunettes de soleil. Elle perd l’argent qu’elle avait dans son bustier… symbolisant la Grèce, la pute qui a été dépouillée de toutes ses richesses… Se retrouvant quasi-nue à la fin de cette première scène, elle enchaîne sur une femme libérée à la plage. Elle va ainsi, avec ses accessoires – foulard, robes, pièces, billets, talons hauts – nous montrer les différentes facettes d’une femme au bord de la crise de nerfs. Pour revenir à la toute fin, après une danse avec un spectateur, à son état premier. Un spectacle de danse moins dynamique, moins fort que le précédent dans l’interprétation, plus puissant dans la symbolique.

Pour en savoir plus, allez donc voir sur son site, très chouette : http://www.ninadipla.com/.

Mensonge et vérité des corps en mouvement de Sylvain Férez

27.02
2012

cop. L'Harmattan

Mensonge et vérité des corps en mouvement

L’oeuvre de Claude Pujade-Renaud

 

Dans cet ouvrage, Sylvain Férez ne fait pas vraiment une analyse littéraire, artistique ou universitaire de l’oeuvre de Claude Pujade-Renaud, mais retrace plutôt sa carrière grâce au témoignage de la principale intéressée.

C’est la raison pour laquelle, une fois n’est pas coutume, voici ci-dessous les éléments biographiques que nous avons retenus à cette lecture d’une auteure qui vient tout juste de fêter ses 80 ans et qui est connue et reconnue dans trois milieux différents, en tant que :

  1. spécialiste de la danse dans la formation des professeurs d’EPS, avec un ouvrage de référence paru en 1974,
  2. docteure en sciences de l’éducation sur la communication non-verbale dans l’enseignement avec une thèse soutenue en 1981 (Le Corps de l’enseignant dans la classe, Le Corps de l’élève dans la classe)
  3. auteure (davantage aujourd’hui) de 6 ouvrages pour enfants (tous co-signés), 5 recueils de nouvelles, 1 recueil de 5 soliloques, 8 romans dont 1 co-écrit avec Daniel Zimmerman, 1 ouvrage autobiographique réalisé avec ce dernier.

 

  • Excellente élève, ayant effectué une première année d’hypokhâgne, Claude Pujade-Renaud choisit probablement par esprit de contradiction de tromper l’attente formulée par ses parents et ses professeurs qui la destinent à une agrégation de lettres, de philosophie ou d’histoire, en choisissant de devenir professeur d’éducation physique, profession moins favorisée socialement, alors qu’elle n’est pas particulièrement douée. A partir de 1950, Claude Pujade-Renaud est donc formée durant 4 ans à l’IREPS, tout en préparant, par goût, une licence de philosophie. Elle devient championne de France universitaire en handball. Elle rencontre alors Jeanine Solane avec qui elle danse sur scène, non pas de la danse classique comme durant deux ans avec Denise Bazet, son ancienne prof de gym, mais sur d’autres musiques. Son premier amour avec un étudiant à Sciences Po se solde par un avortement.

 

  • En 1954, à l’âge de 22 ans, Claude Pujade-Renaud est donc nommée sur un poste d’enseignante d’EPS au lycée de Rouen. Elle y découvre, amusée, « les rivalités et rejets réciproques entre agrégés et certifiés » et s’éprend d’une femme professeur d’EPS, elle aussi « très branchée littérature et écriture », puis d’une autre, également professeur d’EPS, et pratiquant les arts plastiques. A la rentrée 1957, elle obtient une mutation dans un lycée de Versailles et tente d’insérer un peu de danse dans son enseignement. Déjà, elle commence néanmoins à se lasser un peu de l’éducation physique, de la succession des classes et de la répétition. Entre 1958 et 1965, outre la danse, elle pratique aussi l’équitation.

 

  • En 1960, elle obtient un poste de professeure à l’IREPS, pour enseigner la psychopédagogie (grâce à sa licence de philosophie) et la danse aux filles. C’est pour elle un virage positif car elle accède à un statut de cadre, de formateur. Elle s’intéresse aux techniques de « modern dance » et découvre les cours du mime Etienne Decroux en 1965.

 

  • A son retour des Etats-Unis (cf première rencontre), souffrant d’une arthrose à la hanche, Claude Pujade-Renaud se lance pour la première fois dans la chorégraphie de groupe. En 1967, 7-8 étudiants sont volontaires pour monter une chorégraphie, Passages. Elle écrit des articles sur son expérience américaine dans la revue EPS, et met en place un groupe d’expression corporelle. Elle regrette que la danse fasse partie de l’EPS et ne soit pas perçue comme une discipline artistique éducative. En 1971, à l’âge de 39 ans, elle passe un concours pour formateur de formateurs en EPS pour diriger une recherche. Elle prend alors des cours avec Carolyn Carlson. En 1972, elle quitte sa compagne et emménage rue de l’Harmonie.

cop. ESF

  • En 1967-1968, elle suit une maîtrise de sciences de l’éducation à la Sorbonne. Elle se lance dans un doctorat sur Danse et narcissisme en éducation. Daniel Zimmermann, qu’elle a rencontré en 1968, lui propose d’écrire un ouvrage sur l’EPS. De 1972 à 1974, elle co-anime avec Daniel Zimmermann une UV sur les communications non-verbales à Vincennes.

 

  • Claude Pujade-Renaud voit apparaître obscurément dans des séances d’analyse un désir d’enfant. En 1973, elle prend conscience qu’elle veut écrire en compagnie de Daniel Zimmermann. Elle est enceinte de lui en mai. Ce dernier se sent piégé car il veut rester avec sa femme et n’a pas exprimé le désir de cet enfant. Claude Pujade-Renaud doit avorter. Cela engendre beaucoup de souffrance. Le 10 septembre 1974 ils renouent. Son ouvrage Expression corporelle, langage du silence sera dédié à Daniel Zimmermann. En juillet 1975, Daniel Zimmermann quitte sa femme et s’installe chez Claude Pujade-Renaud.

 

  • Le 13 mars 1975 Claude Pujade-Renaud passe son doctorat. Son ouvrage, Danse et narcissisme en éducation, est vendu à 2700 exemplaires.
  • Elle assure alors 12 h de cours à l’UEREPS et 6h à Vincennes.
  • En 1981, elle soutient sa thèse.

 

  • cop. Actes Sud

    En 1978, La Ventriloque est son premier roman autobiographique : elle y parle de l’avortement de cet enfant. En 1975, elle fait le deuil d’avoir un enfant, comme elle a dû renoncer à la danse. Les deux premières fois où elle envoie un texte court et qu’il est accepté, elle refuse finalement sa publication, avant de proposer un premier texte aux éditions Des Femmes, en 1977. Elle est alors âgée de 45 ans.Elle est troublée par l’indifférence totale de sa famille, tout comme Daniel Zimmerman essuie les reproches de ses parents, de ses amis.

 

  • Claude Pujade-Renaud arrête alors ses analyses en découvrant les vertus cathartiques de sa parole couchée sur le papier.
  • En 1978, elle publie Passages, reprenant le titre de sa chorégraphie de 1968.
  • Elle comprend qu’elle a écrit contre « une censure familiale inscrite fortement en elle. »
  • En novembre 1982, Claude Pujade-Renaud et Daniel Zimmermann tiennent rue de l’Harmonie, en tête à tête, l’AG constituante d’une association loi 1901 qui se fixe pour objectifs principal « l’aide morale et matérielle à la création littéraire », notamment celle de Claude Pujade-Renaud.
  • Elle ne réussit pas à faire éditer La Mort mêlée, un roman sur l’échangisme. Elle écrit donc des nouvelles, dont elle en envoie une à Simone de Beauvoir qui dit apprécier mais que ce texte ne convient pas pour Les Temps modernes.
  • Daniel et elle instaurent un prix libre excluant Galligrasseuil.
  • En 1984-1985, Claude Pujade-Renaud est responsable d’une émission littéraire sur Radio-Top-Essonne.
  • 1985 « centre de recherches sur la sociologie de l’écriture » : origines, profession et parcours des candidats au Prix.
  • Claude Pujade-Renaud écrit beaucoup de nouvelles, dont souvent les personnages centraux sont des femmes.
  • En 1983, elle commence à écrire La Danse océane. Elle se pose alors la question du degré de liberté qu’elle se donne à l’égard des aspects biographiques et historiques.
  • En 1984, La Danse océane débute sa ronde éditoriale, et en mars 1985, Nouvelles d’elles est accepté par Actes sud, et devient Les Enfants des autres.
  • En 1985, Claude Pujade-Renaud multiplie les expériences de refus.
  • La revue Nouvelles nouvelles de Daniel Zimmermann et Claude Pujade-Renaud publie durant ses 7 ans d’existence (décembre 1985-1992) 377 nouvelles.
  • En 1988, La Danse océane paraît aux éditions du Souffle.
  • En 1994, Prix Goncourt des lycéens pour Belle-mère.
  • En 1995, ils écrivent ensemble Ecritures mêlées (Julliard), épuisé, qui raconte entre autres éléments autobiographiques les difficultés de l’édition, les difficultés que tout deux ont connues.

 

Au final, voilà une trajectoire qui a éveillé bon nombre d’échos en moi. De quoi alimenter les questions que je m’apprête à lui poser demain.

    Claude Pujade-Renaud

    25.02
    2012

    Bon anniversaire à Claude Pujade-Renaud qui fête aujourd’hui ses 80 ans !

    En attendant mardi où je la rencontre chez elle pour lui poser quelques questions plus générales sur son parcours d’écrivain, voici ce qu’elle a confié à Marion Blondeau, danseuse et chorégraphe, avec qui je travaille sur un projet cette année autour de son roman La Danse océane et du croisement entre la littérature et la danse.

     

    copyright Actes Sud

     

    Son roman La Danse océane

    Peut-être vais-je commencer par resituer le roman ?

    Le roman se déroule de 1920 à 1972, à la mort de Limon, avec qui j’ai dansé en 1962.

    Il y a d’abord le contexte économique aux Etats-Unis dans les années 30 qui est une période de crise comme on peut la retrouver aujourd’hui. Il y a beaucoup de chômage, les danseurs sont obligés de faire un petit boulot à côté, ils ne vivent pas de la danse, ils débutent. Ca a été une bataille pour survivre économiquement et pour créer parce que c’était à contre-courant, encore que c’était mieux qu’en France, mais il y avait encore une domination pour le ballet classique. Il y a une rupture qui s’est opérée. Par exemple, dans les années 30-35, ils commencent à vivre en groupe, en petite communauté, mais cette idée-là n’était pas encore très courante, excepté chez quelques artistes d’avant-garde. (D’ailleurs, un élève, Alexis, a exprimé le désir de travailler là-dessus). De vivre ensemble, de danser et de créer ensemble. Quels conflits, quelles tensions ça peut créer. Qui prend en charge la bouffe, le matériel, … C’est ce que j’ai essayé dans le roman de montrer : que les danseurs, ce n’était pas que des corps triomphants qui apparaissent sur scène, mais il y a le quotidien, le fric, la bouffe, et du coup toute une organisation matérielle. Il faut gérer. Qui prend la gestion en charge ? C’est plutôt Pauline. Et puis cette idée que la création, ça débarque pas comme ça : il faut se battre. Il y avait chez eux un idéal social et politique. Pour des Américains, ils étaient plutôt à gauche, avec cette idée de vie en communauté et de partage. Et puis les finances, ça tient un certain temps, et puis ça finit par craquer. C’est se battre au quotidien, c’est pas seulement danser.

    Marion Blondeau : Y a-t-il un peu de vous dans ce roman, comme l’indique la quatrième de couverture ?

    Claude Pujade-Renaud : J’y parle de Doris, que la quatrième de couverture qualifie d’inflexible, Doris la fière, la volontaire, oui, il y a une ténacité qu’on retrouve aussi chez Martha Graham, mais moi, je ne m’identifie pas à cette capacité de batailles permanentes, de créations, non… Ce texte, ce n’est pas le premier texte que j’ai écrit, mais c’est le premier roman, avec la mise en scène de plusieurs personnages. J’ai eu le plus grand mal à le faire publier. Et je l’ai écrit quand j’avais entre 45 et 50 ans à peu près, et j’avais renoncé à la danse pour des tas de raisons. J’avais envie d’autres choses, d’écrire… Cela ne m’est pas venu comme ça, d’écrire d’un seul coup. Il y a eu pour un long trajet qui a été de renoncer à enseigner la danse, changer d’orientation professionnelle, reprendre des études. Il y a eu un vrai cheminement qui s’est accompagné d’un travail intérieur, psychologique, etc. Et cette idée de parcours, on la retrouve dans le roman. Ce livre était pour moi comme un travail de deuil, c’est-à-dire d’essayer de raconter ce que j’avais pu vivre à travers la danse. Oui, la passion, l’engagement, ce plaisir du mouvement mais qui peut aussi être une discipline, une douleur, le corps parfois qui lâche. C’est vrai que la figure de Doris est assez centrale, mais je repense à ce roman comme un peu à l’un des quatuors que l’on peut isoler dans la danse contemporaine.

    Aussi, j’y ai réinterrogé mon parcours antérieur de danseuse et d’enseignante de danse, et ce que cela avait signifié pour moi. Je le fais à travers des personnages qui ont existé, j’en ai connu un qui est José Limon.

    Je m’interroge dans ce roman : Qu’est-ce qu’une vie consacrée à la danse ? Qu’est-ce que ça engage de soi-même, d’énergie, de part d’imitation de l’autre. Car être élève, c’est attraper le mouvement de l’autre qu’on intègre en soi, et puis comment après on essaie de donner, de faire passer. J’ai beaucoup aimé enseigner. D’où l’idée de la transmission, qui est très présente dans ce roman. Et surtout, ce sont des gens qui donnent un sens à leur vie, et qui lui sacrifie tout : au lieu de mener une vie confortable, ce sont des journées de 12 heures et plus à donner des cours, à répéter, à faire des spectacles. Et leur engagement est total. Et est-ce que c’est compatible avec une vie de famille, d’avoir des enfants, etc.

     

    Son parcours

    M. B. : Quel a été votre parcours dans la danse ?

    C. P.-R. : Mon parcours de danse s’est essentiellement fait à l’intérieur de l’éducation physique. Un peu avant 30 ans, dans les années 55, je suis devenue enseignante pour la formation des futurs professeurs d’éducation physique, qui avaient 4 ans d’étude, et je me suis spécialisée dans la partie « danse », au milieu de toutes les autres activités (basket, athlétisme, etc.) que j’ai moi aussi pratiquées puisque j’ai aussi été prof d’EPS, et puis je suis allée prendre des cours de danse en extérieur, et fait un tour aux Etats-Unis.

    A ce moment-là, c’étaient les tout débuts de la danse moderne en France. On était un petit groupe dans Paris à se refiler des adresses. Par exemple, on savait que Jacqueline Robinson à Montmartre avait chez elle pendant deux mois tel professeur qui arrivait des Etats-Unis.

     

    cop. Actes Sud

    J’ai suivi les cours de deux des personnages de mon roman, ceux de José Limon mais surtout ceux de ses élèves, alors âgés de plus de la trentaine, dans une université d’été du Connecticut, durant six semaines. Et puis j’ai passé un mois à New-York, à l’école Martha Graham. A l’université, les groupes Graham et Limon ne se mélangeaient pas. C’était en 1965 je crois. Chez Limon, c’était très hispanisant, très chaleureux et détendu. Martha Graham n’enseignait plus elle-même, elle avait 70 ans je crois, mais supervisait les cours avec son regard terrible. Les cours étaient essentiellement donnés par ses élèves, majoritairement japonais, à la fois nerveux et rigoureux. Il y avait chez elle un côté très ascétique.

     

    M. B. : Quel est le terme exact ? Est-ce qu’on dit danse moderne, est-ce qu’on dit danse contemporaine ? Ou est-ce qu’on dit « modern dance » ?

    C. P.-R. : Oui, c’est toujours le problème. Quand je suis allée aux Etats-Unis au début des années 60, le terme employé était « modern dance ». Mais quand on dit « modern dance » en français, la traduction pose problème car on pense aussi aux danses dites de salon.

     

     

     

    Martha ** de Claude Pujade-Renaud (1992)

    04.09
    2011

    cop. Actes Sud

    Martha ou le mensonge du mouvement

    « Ils ont macéré dans leur terreur du péché, ils se sont acharnés à extirper les démons de leurs corps. Y compris par la danse : les Shakers pratiquaient ces transes tout en spasmes et tremblements destinées à secouer le mal hors d’eux et à l’éparpiller au lojn. Ces transes, je les ai reprises à ma façon mais pour mieux conserver, concentrer le démoniaque, le faire fermenter en dedans jusqu’à ce qu’il confère à mes créations cette tension paroxystique, ce halètement, ce hoquet de tout l’être. Tel parfois un aboiement rauque. » (p. 72)

    Au seuil de sa mort, Martha Graham, danseuse et chorégraphe célèbre, ayant ouvert la voie à la modern dance avec Doris Humphrey, se souvient de ses débuts, de sa relation avec son corps, avec ses os, de sa technique reposant sur le principe du couple « contraction-release »,…

    Après l’éblouissant Danse océane, Claude Pujade-Renaud consacre à son ancien professeur de danse, Martha Graham, dont elle suivit les cours de danse moderne en Californie, ce court roman intimiste, comme soufflé sur le ton de la confidence, et dont elle avoue qu’il est son préféré. Effectivement, ce roman est une sorte d’hommage rendu à Marta Graham décédée cinq mois auparavant, au printemps comme elle le prévoyait. Quelle est donc la part de fiction et de réel dans cette mise en mots des confidences de Martha Graham à son ancienne élève devenue écrivain ? Dans « Mentir » écrit en guise d’épilogue, elle se garde bien de nous livrer une réponse, comme voulant mêler intrinsèquement la fiction à la vérité, et brossant un remarquable portrait de cette danseuse pleine de talent.

    On y apprend que parmi ses élèves se trouvaient quelques acteurs non moins célèbres : Lisa Minelli, Gregory Peck, …

    On y lit son rejet des tenants du ballet traditionnel, et réciproquement :

    « Ce que les tenants du ballet traditionnel ne pouvaient me pardonner : avoir commencé mon apprentissage à vingt-deux ans et être devenue néanmoins une prodigieuse danseuse. Impensable pour eux, formés à l’en-dehors dès l’âge de sept ou huit ans : hanches, genoux et pieds tournés au maximum vers l’extérieur de façon à s’inscrire dans une frontalité. Formés et, parfois, déformés, définitivement coincés là. » (p. 81)

    Et surtout sa recherche constante d’une nouvelle forme de danse, son exploration des possibilités du corps en le sondant en-dedans :

    « Je travaille en dedans. Jamais fini de les explorer les cavernes intérieures. Tout aussi long : dix ans, au moins, pour élaborer un corps dont aucune parcelle ne demeure inerte, même si l’on ne se déplace pas. Comme une vibration des cellules. La danse des molécules ? » (p. 81)

    hélas jusqu’à sa lente dégradation, jusqu’à la mort :

    « Peuvent-ils comprendre les écrivains, les sculpteurs et compositeurs cette merveille et ce cauchemar d’être danseur et d’avoir son corps pour matériau ? Il se dégarde, l’on perd tout à la fois l’existence et le support du processus créateur. » (p. 90)

    Un texte d’une grande sensibilité, mêlant la force de conviction et de travail d’une novatrice, et la fragilité de l’artiste qui consacre toute son existence à son oeuvre.

     

    A lire aussi du même auteur :

    La Danse océane ** (1988), Vous êtes toute seule ?**(1991), Transhumance des tombes *(2008).

    Martha ou Le mensonge du mouvement / Claude Pujade-Renaud. – Arles : Actes sud, 1996. – 112 p. : couv. ill. en coul. ; 18 cm. – (Babel ; 235). - ISBN 2-7427-0913-4 : 33 F.

    Ma vie *** d’Isodora Duncan (1927)

    31.07
    2011

    cop. Folio

    Dès sa préface, Isadora Duncan nous séduit par ce beau texte empreint d’humilité, où elle admire ceux qui savent si bien écrire que l’on peut tout imaginer avec eux. Sa biographie une fois lue, il nous serait difficile de ne pas admirer à notre tour cette égérie de la Belle Epoque, qui ouvrit une voie à la danse moderne, en bannissant tutu et pointes pour leur préférer tunique grecque et pieds nus, et qui fut surtout une femme hors du commun, féministe individualiste.

    Très tôt la danse se révèle plus qu’une passion pour Isadora Duncan : une raison de vivre. Aussi, sa  mère pianiste et professeur de musique, et son père poète absent pouvant difficilement joindre les deux bouts pour la loger et la nourrir, avec ses autres frères et soeurs, Isadora délaisse très vite une école bien-pensante qu’elle déteste, pour donner des cours de danse aux enfants du quartier. Les coups du sort et leurs envies pousseront la mère Dora et ses enfants à quitter les Etats-Unis pour tenter leur chance en Europe, à Londres puis à Paris, où Isadora, grâce à son opiniâtreté, à son talent et à sa créativité, devait connaître le succès…

    Particulièrement inspirée par la mer et la mythologie grecque jusqu’à l’excès (toujours vêtue d’une tunique grecque, elle fit construire un temple à Kopamos, recruta une chorale, une troupe près de l’Acropole d’Athènes), athée par sa mère, foncièrement indépendante et débrouillarde, totalement désintéressée, ne vivant que pour son Art, elle trouve la pantomime sans intérêt, le théâtre sclérosé, compare la danse classique à de la gymnastique rigide, ennemie de la nature et de l’Art. Pour elle, la danse doit véhiculer des émotions, et elle se battra jusqu’au bout pour enseigner aux jeunes son Art…

    « Les réceptions que nous donnions chaque semaine dans notre maison de Victoria Strasse étaient devenues le centre de l’enthousiasme artistique et littéraire. On y entendait maintes discussions érudites sur la danse en tant que l’un des beaux-arts, car les Allemands apportent un sérieux infini à toutes les controverses artistiques. Ma danse était le sujet de débats violents, parfois enflammés. Les journaux publiaient constamment des colonnes entières qui tantôt saluaient en moi le génie d’un art nouvellement découvert, et tantôt m’accusaient de détruire la véritable danse classique, c’est-à-dire le ballet. Au retour de représentations où le public avait montré une joie sans limites, je veillais tard dans la nuit, assise en tunique blanche, avec un verre de lait près de moi, plongée dans la Critique de la raison pure, d’où je croyais, Dieu sait comment, tirer une inspiration pour ces mouvements de pure beauté que je cherchais. » (p. 176)

    Une magnifique autobiographie d’une artiste hors du commun, étroitement liée au milieu artistique, intellectuel et aristocratique de l’époque, qui passionnera sans aucun doute non seulement les amateurs, mais aussi tous ceux d’entre vous qui méconnaissent sa vie, succession de courtes joies et de grands drames.

    En savoir plus :

    • Isadora, film franco-britannique de Karel Reisz (1968)
    • Maurice Lever, Isadora. Roman d’une vie, Paris, Presses de la Renaissance, 1986
    • Alice Hubel, Isadora Duncan, éditions Park Avenue, coll. Une vie un roman, 1994
    • Geneviève Delaisi de Parseval, Le Roman familial d’Isadora D., Paris, Odile Jacob, 2002
    • John Dos Passos, La Grosse Galette, roman dans lequel il décrit au cours d’un chapitre la jeunesse, la carrière et la mort d’Isadora Duncan.
    Ma vie / Isadora Duncan  ; trad. de l’anglais par Jean Allary. - [Paris]  : Gallimard , 1998.- 446 p.  : couv. ill. en coul.  ; 18 cm .- (Collection Folio  ; 3150). - ISBN 2-07-040701-2 (br.) : 35 F.

    La danse au XXe siècle *** d’I. Ginot et M. Michel (2002)

    15.07
    2011

    copyright Larousse

    Cet ouvrage de référence retrace l’historique de la danse au XXe siècle jusqu’à Rachid Ouramadane.

    Pour ce faire, il commence par rappeler son origine populaire mais surtout mondaine, avec le ballet de cour, ses quatre siècles d’existence et ses liens étroits avec le milieu artistique et littéraire. Ainsi les poètes de la Pléïade avaient-ils déjà prôné une forme de théâtre total : chant, musique, danse, décors, illustrant le récit. On se souviendra également des comédies-ballets de Molière (Les Fâcheux, Le Bourgeois Gentilhomme,…), d’ailleurs imité avec La Dansomanie de Pierre Gardel (1800). Des techniques et des accessoires apparaissent, qui marqueront à jamais la danse, comme la pointe de Melle Gosselin en 1813, afin de limiter un maximum le contact entre la danseuse et le sol, ou le tutu dans Giselle, qui souligne la légèreté de la danseuse. Toujours la danse classique s’attachera à ne plus se soumettre à la loi de la gravité. Enfin, Marius Petitpa fait triompher l’académisme de la danse avec ses oeuvres-phare : La Belle au bois dormant (1890), Le Lac des cygnes (1895) et Casse-noisette (1892).

    Cette rapide rétrospective lui permet ainsi d’aborder la violente remise en cause au XXe siècle du répertoire classique par la danse moderne, dont trois Américaines s’avèrent les précurseuses : Loïe Fuller, Isidora Duncan et Ruth Saint Denis. Sont alors évoqués entre autres des artistes, danseurs ou pas, comme le charismatique Nijinski, Mallarmé, Wagner, Colette, le chorégraphe de ballets russes Fokine, Jean Cocteau, Serge Lifar, Roland Petit, Maurice Béjart, Tatsumi Hijikata, Nietzsche, Laban et sa kinesphère.

    De nos jours, la danse contemporaine puise autant dans le répertoire traditionnel que dans d’autres sources d’inspiration artistiques, de manière à exclure tout tabou et à réinventer une nouvelle façon de s’exprimer sur scène.

    Il existe une réédition de cet ouvrage datant de 2008, que je ne vais pas tarder à acquérir, tant sa lecture m’a véritablement passionnée.

     

    La danse au XXe vingtième siècle  / Marcelle Michel, Isabelle Ginot. – Troisième édition. - Paris  : Larousse , 2002 .- 263 p.  : ill.  ; 29 cm .- Chronologie. – ISBN 2-03-505283-1 : 45 €.
    Emprunté au C.D.I. du lycée.