Mots-clefs ‘couple’

Gone Girl (2014)

29.10
2014

Fiche descriptive

Titre original : Gone Girl
Titre québécois : Les Apparences
Genre : thriller
Scénario : Gillian Flynn, d’après son roman Les Apparences (Gone Girl)
Réalisation : David Fincher
Montage : Kirk Baxter
Musique : Trent Reznor et Atticus Ross
Production : Leslie Dixon, Bruna Papandrea et Reese Witherspoon
Sociétés de production : Pacific Standard et New Regency Pictures
Durée : 149 minutes
Dates de sortie : octobre 2014

Synopsis court

Le jour de leur cinquième anniversaire de mariage, Amy disparaît mystérieusement. Nick prévient aussitôt la police  : la table en verre du salon brisée et des taches de sang semblent indiquer qu’elle a été enlevée ou tuée.

Très vite, les soupçons se portent contre Nick, qui ne semble pas du tout jouer le rôle du mari éploré attendu devant les médias, ses beaux-parents ou la police. Il continue même à tromper sa femme avec une jeune étudiante pulpeuse, Andie, en cachette de sa soeur, chez qui il s’est réfugié, le temps que la police scientifique passe la maison au peigne fin. La presse à scandale s’empare de l’affaire et désigne Nick comme le meurtrier, rappelant que la peine de mort est toujours appliquée dans le Missouri.

Alors que l’histoire du couple est dévoilée en parallèle par le journal intime d’Amy, qui raconte ses désillusions et accuse son mari de s’être montré violent à son égard.

Nick réagit : il prend l’avocat Tanner Bolt pour se tirer d’affaire, et va trouver les deux ex de sa femme, tous deux étant fichés par des accusations d’Amy pour se venger…

 

Critique

  • Dès les premières minutes, il ne faut pas être devin pour deviner qu’il n’y a ici ni meurtre, ni séquestration, mais un jeu dangereux entre un mari et une femme, et une volonté de manipuler et la police et les médias. C’est d’ailleurs le leitmotiv de David Fincher d’attaquer le spectacle médiatique comme une sorte d’arène que fascine les téléspectateurs.
  • La critique a beaucoup retenu la symbolique de la longévité du couple, de sa représentativité en public, sans montrer ses failles ni ses secrets ; on reste pourtant à mille lieues des Noces rebelles (2009) ! Le traitement reste très anecdotique.
  • Il semblerait que David Fincher ait choisi une fin différente du roman… A celle, attendue, d’une Amy déclarée vaincue, lui a été préférée une fin plus médiatique, jouant sur la manipulation, comme dans tout le film.
  • Seulement, si à la sortie du cinéma, on se repasse le film dans la tête, cette fin ne peut absolument pas fonctionner, à moins que le FBI soit complètement hypnotisé par cette femme et n’ouvre aucune enquête sur ses déclarations, que Nick n’essaie même pas de faire un test de paternité, etc..
  • Du reste, je n’ai pas boudé mon plaisir à regarder ce film, malgré tout…

 

Les femmes du braconnier de Claude Pujade-Renaud

29.04
2012

 

cop. Actes Sud

 

C’est lors d’une soirée étudiante à Cambridge que Sylvia Plath mord sauvagement à la joue le poète Ted Hughes, comme une proie qu’elle épouse quelques mois plus tard, en juin 1956. De tendance maniaco-dépressive, ayant déjà fait une première tentative de suicide suivie d’un séjour dans une institution psychiatrique, Sylvia Plath écrit également des poèmes. Aussi, lorsqu’elle met au monde Frieda, à Londres en 1960, elle regrette de ne pas avoir encore publié d’oeuvre avant de devenir mère. Les tâches ménagères, son rôle de mère, les soucis financiers et la dactylographie des manuscrits de son époux prévalent davantage alors que sa propre carrière, même si Sylvia Plath publie son premier recueil de poèmes, The Colossus. Nicholas naît en 1962 dans une grande maison en pleine campagne anglaise. Mais Ted étouffe déjà dans sa relation de couple et entame une liaison avec la femme d’un ami poète, Assia Wevill. Sylvia Plath retourne alors seule s’installer à Londres avec ses enfants, Frieda et Nicholas, et loue un appartement dans une maison autrefois occupée par le poète irlandais William Butler Yeats…

 

« Le jaguar observe son vieil ennemi fraternel, l’homme immense, le prédateur. Nullement inquiétant, aujourd’hui : il porte sur ses épaules une petiote, ravie d’être ainsi haut perchée. Fascinée, elle contemple la bête ocellée.

- On avance ? s’impatiente la femme morose poussant le landau.

Ils s’ennuient, tout en donnant l’air d’être une vraie famille, contournent l’enclos des cervidés, parviennent à celui des loups.

- La nuit je les entends, depuis la maison de Yeats. Ils me tiennent compagnie durant mes insomnies. » (p. 210)

 

Le roman Les Femmes du braconnier m’a fait revivre la même expérience de lectrice que La Danse océane : dans l’ignorance complète de la biographie de ses protagonistes, je me suis lancée dans cette lecture comme s’il s’agissait d’une histoire imaginée de bout en bout. Or, cette fois encore, Claude Pujade-Renaud s’est attachée aux portraits extraordinaires de poètes (après ceux de danseuses), se débattant entre leurs aspirations artistiques et leur rôle d’époux/épouse et de parent. La figure de Sylvia Plath, en particulier, domine toute la première partie de ce roman avec sa bipolarité ressortant dans son oeuvre : Américaine pleine de vie en apparence, excellente ménagère, elle se révèle profondément attirée par la mort dans ses poèmes, et pleine de rancoeur envers ses parents. Si d’ailleurs les deux immenses tragédies qui jalonnent ce roman n’étaient pas directement inspirées de la réalité, on aurait presque pu reprocher à l’auteure d’avoir exagérer dans son exploration de Thanatos dans les relations de couple avec Ted Hughes. Un roman très sombre, donc, qui, aussi bien par l’intrigue que par l’écriture, ne m’a pourtant pas aussi séduite que La Danse océane, son premier roman. Il ne me reste plus qu’à découvrir les poèmes des deux protagonistes, Ted Hughes et Sylvia Plath.

A voir l’entrevue de Claude Pujade-Renaud dans Un jour un livre, et trois interviews d’elle dans les carnets de rencontre de Carnets de SeL.
Lire aussi de Claude Pujade-Renaud dans Carnets de Sel : La Danse océane, Martha ou le mensonge du mouvement, Transhumance des tombes, Vous êtes toute seule ? et un essai sur elle.

Le chat de Georges Simenon

25.12
2011

« Mamie, je t’aime ! » Que de vieilles dames entendent-elles cette exclamation aux fêtes de fin d’année, songeant à part elles que dans les yeux de leurs petits-enfants brillent moins leur amour que la perspective de beaux cadeaux de Noël. Une fête devenue davantage une aubaine pour la société de consommation qu’une manifestation d’affection. Au moins la famille est-elle réunie… Mais quid de cette fête quand on s’y retrouve seul, sans famille pour nous accueillir mais aussi sans amis, ces derniers étant invités dans leur propre famille ? N’est-ce pas alors le jour le plus triste de l’année ?

C’est en croyant remédier à cette solitude qu’Emile et Marguerite vont choisir de faire ménage ensemble…

cop. Livre de Poche

Tous deux veufs, Marguerite Doise et Emile Bouin se sont mariés par peur de finir leurs vieux jours seuls. Depuis des années, la maison seule émet des bruits, trahissant leurs déplacements, sans qu’ils aient besoin de s’observer. Car pas un mot ne sort plus de leur bouche depuis bien longtemps. Les mots, c’est sur le papier qu’ils se les jettent à la figure, comme pour cracher leur venin : « Le chat » écrit Emile, « le perroquet » rétorque Marguerite….

Ainsi Georges Simenon entame son récit, in medias des, avant d’introduire le passé de l’un, prolo, fils de maçon, aux manières rustres, ayant toujours su profiter de la vie avec son ex-femme, et de l’autre, bourgeoise rentière, nostalgique d’un rang social révolu car ruinée, et d’un mari premier violon à l’opéra. Et puis arrive l’élément perturbateur qui à jamais va les faire sombrer dans le mutisme… La mort suspecte du chat, vengée sous le coup de la colère. Et le jeu commence, ou plutôt la guerre du mutisme.

« Il riait à son tour, en dedans. Ils avaient beau être seuls dans la maison silencieuse et s’être condamnés tous les deux au mutisme, ils ne s’y en échangeaient pas moins des réparties féroces.

- Attends un peu… Je vais te dégoûter de ton dîner…

Il sortait le calepin de sa poche, écrivait trois mots, détachait la bande de papier qu’il lançait avec adresse dans l’assiette de sa femme.

Sans s’étonner, elle dépliait le billet.

« Attention au beurre. »

C’était plus fort qu’elle : elle se raidissait. Elle n’avait jamais pu s’habituer complètement à cette plaisanterie-là. Elle savait que le beurre n’était pas empoisonné, puisqu’elle le gardait sous clef dans son buffet à elle, quitte à ce qu’il devienne mou, parfois coulant. » (p. 24)

Lu dans le cadre du Challenge Littérature belge

 

La suite, bien sûr, je me garderai bien de vous la dévoiler, si vous n’avez pas non plus vu son adaptation cinématographique, car il y a une suite, forcément, une fois racontées les circonstances qui les ont amenés à cette extrémité : vont-ils rester ensemble ? Pourquoi Emile ne part-il pas ? Vont-ils finir par s’attacher l’un à l’autre ? Qui des deux mourra le premier ?

Il semblerait que Georges Simenon, pour écrire cette histoire publiée en 1967, se soit largement inspiré de ses parents retraités pour décrire l’atmosphère du Chat. Ici le drame, pour ce maître du polar, c’est le quotidien entre deux personnages issus d’horizons différents qui s’acharnent à vouloir rester ensemble, s’étant peu à peu habitués l’un à l’autre, comme s’accrochant à un récif pour ne pas être emporté par la mort, alors qu’ils font vivre l’un à l’autre un enfer. Une histoire qui pourrait paraître invraisemblable si on n’avait pas vu de nos propres yeux, bien souvent, un couple d’une ancienne génération tenir par la seule force de l’habitude et du qu’en dira-t-on, voire à qui l’idée d’une séparation ne traverse même pas l’esprit.

Ici l’histoire est très habilement amenée, presque en huis clos avec deux magnifiques portraits de personnages : une chronique de la vie ordinaire où les silences en disent plus que les mots.

Un petit bijou d’introspection de l’âme humaine.

 

J'ai beaucoup aimé

Le chat /Georges Simenon. - Paris  : Librairie générale française , 2007.- 190 p.  : couv. ill.  ; 18 cm .- (Le livre de poche  ; 14321). - ISBN 978-2-253-14321-5 : 5 €.

Petites éclipses ** de Fane & Jim (2007)

28.12
2010

Ils sont six à vouloir profiter d’une vieille et grande maison avec piscine dans le sud pour pouvoir assister entre amis à une éclipse totale. Un couple de trentenaires en crise, l’ancienne maîtresse de l’époux, leur meilleur ami marié accompagné d’une très jeune femme rencontrée sur le net, et enfin leur ami célibataire homosexuel : ces six personnages au bord de l’implosion vont sonder leurs propres failles au cours de ce rendez-vous explosif…

Mardi après mardi, Jim et Fane ont travaillé ensemble sur cette histoire simple, créant chacun trois personnages, avec des répliques au travers desquelles ils exprimaient tout leur vécu, souvent avec rage ou désespoir. La difficulté des rapports humains, le fil ténu qui permet à l’amitié de durer, la peur de vieillir qui déstabilise l’équilibre du couple, sont abordés avec justesse et légèreté, et même avec humour, à l’image de la simplicité du graphisme en noir et blanc.
De fugaces leçons de vie, faites des interrogations et des impasses de ces personnages trentenaires en huis clos. Très chouette.

One shot.

Petites éclipses [Texte imprimé] / Fane & Jim. – [Bruxelles] ; [Paris] : Casterman, DL 2007 (impr. en Espagne). – 1 vol. (292 p.) : ill., couv. ill. en coul. ; 24 cm. – (Écritures). - ISBN 978-2-203-39630-2 (br.) : 15,95 EUR. – EAN 9782203396302.
Offert par Antoine & Céline.

Le mépris d’Alberto Moravia

10.08
2009

 

 

cop. GF

Il Disprezzo (1954)

Traduit de l’italien par Claude Poncet 

Porté à l’écran par Jean-Luc Godard en 1963, Le Mépris est précisément un roman sur la mise en scène, sur le cinéma, mais plus encore un roman psychologique adoptant le point de vue d’un narrateur, scénariste pour pouvoir payer à crédit son appartement de jeunes mariés à Rome, cherchant à comprendre pourquoi et comment son épouse Emilia a pu en venir après deux années de mariage vécues dans un bonheur parfait à ne plus l’aimer, et même à le mépriser.

 

« à dire vrai, je n’étais pas encore tout à fait convaincu qu’Emilia s’était définitivement éloignée de moi, ni que je trouverais la force de me séparer d’elle, de lâcher mon travail de scénariste et de vivre seul. En d’autres termes, j’éprouvais un sentiment d’incédulité d’une espèce douloureuse et nouvelle pour moi, en face d’un fait que mon esprit considérait déjà comme indubitable. Puisque Emilia avait cessé de m’aimer, comment en était-elle arrivée à cette indifférence ? » (p. 72)

Dans toute son oeuvre, Alberto Moravia dissèque les rapports amoureux mais aussi le rôle que la société et l’argent peuvent jouer dans une relation à autrui, a fortiori dans un couple. Ici le drame se noue à Capri dans la mise en abime d’une interprétation de l’Odyssée comme fuite d’Ulysse devant ses problèmes de couple à l’intérieur de cette interrogation perpétuelle d’un narrateur resté obstinément aveugle au pouvoir de séduction que pouvait représenter l’assurance d’un homme fortuné  sur sa femme.
C’est aussi une méditation sur l’incommunicabilité dans un couple. Quand tout se dit, il est déjà trop tard.
Comme une réflexion sur l’art, sur l’impossibilité souvent d’en vivre, sur l’énergie dépensée pour un travail alimentaire qui épuise celle nécessaire à une création personnelle, sur le prétexte aussi du temps dépensé pour cette autre activité pour ne pas avouer son impuissance, son absence d’idées neuves.
Tout se vend, tout s’achète, même les rêves. Du couple ou de soi, que privilégier ? En croyant assurer le confort et la pérennité de son couple en s’oubliant lui-même,  Riccardo perd et l’admiration et l’amour de sa femme et son amour-propre. A méditer.