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Cours, Bong-gu ! de Byun Byung Jun

18.05
2016
cop. Kana

cop. Kana

Au premier coup d’oeil, c’est le graphisme de ce petit manhwa qui séduit, doux et délicat, aux tendres couleurs pastel. Et puis, à la lecture de cette bande dessinée coréenne, qui se lit comme une BD franco-belge, il serait difficile de ne pas être attendri par cette histoire d’une mère et de son petit garçon partis de leur île à la recherche de leur époux et père disparu depuis quelques années dans la grande ville de Séoul, où ils se heurtent à l’indifférence de leurs contemporains. Seuls un grand-père réduit à mendier dans les transports en commun, avec sa petite-fille, leur porteront secours…

Trop choupinou !

 

La chambre solitaire de Shin Kyong-suk

02.03
2009

cop. Picquier

Titre original :  OEttanbang (Corée, 1999)


 

Alors âgée de seize ans, Shin Kyong-suk désire devenir écrivain, et sa cousine photographe. Mais pour commencer, il faut aller travailler à l’usine pour que l’entreprise finance leurs cours du soir, et donc partir de la campagne rejoindre le frère aîné à Séoul, dans une chambre bien petite pour eux trois dans une grande maison qui en compte trente-sept. Dans cette fabrique d’électroménager, les deux adolescentes vont être exploitées comme tant d’autres, sous la menace et l’intimidation, malheureuses de ne pouvoir soutenir le syndicat naissant… 

Cette autobiographie poignante révèle le quotidien cruel des Coréens du sud, encore sous le joug de la dictature, brimés par les patrons, amaigris par les privations, et aussitôt sévèrement punis à la moindre révolte, qu’elle soit syndicale ou civile. De belles lignes décrivent également la relation que la narratrice noue avec l’écriture, et surtout, la souffrance de revenir enfin sur cette période traumatisante débouchant sur un drame. Une écriture simple mais affirmée, singulière, procédant souvent par reprise anaphorique de l’âge (s’agit-il d’une coutume ?) :

« Je trouve enfin mon style. Des phrases simples. Très simples. Le présent pour décrire le passé et le passé pour décrire l’immédiat. Comme si on prenait des photos. De façon nette. De façon à ce que la chambre solitaire ne se referme pas. Un style qui dit la solitude de mon frère aîné qui avançait ce jour-là vers le portail du Centre en fixant le sol. » (p. 35)

SHIN, Kyong-suk. – La Chambre solitaire / trad. du coréen par Jeong Eun-Jin et Jacques Batilliot. – Picquier, 2008. – 399 p.. – ISBN 978-2-8097-0062-6 : 19,50 €. 



Voler !** du Moine Jaeyeon

09.09
2005

« Tu parles comme mes amis. Eux aussi, ils ne vivent que pour manger. Mais tu sais, c’est pour réaliser ses rêves que l’on vit. » (p. 24)


« On peut toujours avoir des rêves magnifiques, ils ne sont que désirs futiles tant qu’on n’a pas la volonté nécessaire pour les réaliser. Celui qui suit sa route avec une volonté inflexible est ce qu’on appelle un véritable ascète. L’ascèse est un moyen qui nous permet de découvrir ce que nous sommes et de nous perfectionner. » (p. 44)

Voler ! Rêve d’Icare pour l’homme… Pilou, un petit canard domestique, le bec en l’air, ne pense qu’à cela en regardant voler au-dessus de lui les oiseaux migrateurs. Pourquoi avoir des ailes si ce n’est pour voler ? Obstiné, il va quitter ses habitudes et son confort, déroger aux règles pour partir à la découverte de lui-même et se donner les moyens de réaliser son rêve.

Comme toutes les fables, celle que nous narre le moine bouddhiste Jaeyeon, avec cette histoire de caneton qui s’acharne avec l’énergie du désespoir à voler, n’est que le  reflet de comportements humains. Pilou, c’est nous. Ou pas. A nous de décider à la fin de cette belle fable, parcourue des questions et réflexions des différents personnages, si l’on est prêt à assumer son rêve, quel qu’en soit le coût, s’il faut devenir comme Pilou un vagabond solitaire ou si, comme les autres, ses confrères, on préfère rester en communauté, posséder un toit et avoir de quoi manger, voilà tout ce qui importe.  C’est le choix d’une vie. Avec les rencontres amicales et amoureuses qui peuvent jalonner un destin, avec ce sentiment d’être seul lorsque l’on choisit d’assumer ses rêves, quand on se rend libre de les poursuivre.

Une bien belle lecture, qui redonne foi en soi.

« La chaîne la plus solide qui nous entrave, c’est la solitude qui nous ronge le coeur. Et pourtant, la liberté est au prix de cette solitude. » (p. 36)

« La liberté signifie l’absence de toute pression et de toute ingérence extérieure, y compris celles qui se veulent protectrices. Mais il arrive parfois que l’on trouve l’intervention d’autrui réconfortante. Par moments, on aimerait avoir une présence à ses côtés, même quelqu’un qui vous agace. C’est un étrange sentiment, que l’on appelle solitude. Or, plus on aspire à la liberté et plus on se sent seul. » (p. 81)

Moine JAEYEON. – Voler ! / trad. du coréen par Lim Yeong-hee et Françoise Nagel ; ill. de Kim Sehyeon. – Editions Philippe Picquier, 2009. – 152 p.. – ISBN 978-2-8097-0117-3