Mots-clefs ‘condition féminine’

Communardes ! Les éléphants rouges

23.03
2016
cop. Vents d'ouest

cop. Vents d’ouest

 

Scénario : Wilfrid Lupano

Dessin et couleurs : Lucy Mazel

Septembre 2015

10 octobre 1870 : Paris est assiégée par l’armée prussienne. La création d’un bataillon d’amazones, payées 1 franc 50 comme les hommes, ne fait pas l’unanimité parmi les femmes, les unes prétextant la garde de leurs enfants, les autres l’égalité des sexes et la défense de la capitale. Victorine est chargée par sa mère d’aller au ravitaillement, qui s’est engagée sur le front et dans les clubs féministes. Mais à onze ans, elle préfère s’occuper des éléphants Castor et Pollux, au jardin des plantes, et prend la tête d’un groupe d’enfants en leur exposant son plan pour écraser les ennemis à l’aide des pachydermes…

Second volet dessiné avec beaucoup de talent par Lucy Mazel de la trilogie Communardes !, série imaginée par Wilfrid Lupano (cf ma chronique du premier volet), cette histoire, fictive cette fois, permet d’imaginer le quotidien des femmes et des enfants anonymes sous la Commune, rêvant à de lendemains meilleurs. Dommage toutefois que, contrairement au premier volet biographique, elle soit davantage sortie de l’imaginaire de l’auteur que de l’Histoire de la Commune, encore trop méconnue. Divertissant et instructif au demeurant.

Communardes ! L’aristocrate fantôme

24.02
2016

 

cop. Vents d'ouest

cop. Vents d’ouest

 

Scénario : Wilfrid Lupano

Dessin et couleurs : Anthony Jean

Septembre 2015

1871, Londres. Karl Marx s’est laissé approcher par une jeune aristocrate russe, Elisabeth Dmitrieff, qui épouse ses idées, et l’a envoyée à Paris pour le tenir informé de ce qui s’y passe et de qui sont les Communards. Effectivement, sur place, son charme, son intelligence et sa ruse en font rapidement une redoutable révolutionnaire, et qui plus est la présidente de l’Union des femmes, premier mouvement officiel féministe d’Europe.

Premier volet dessiné par Anthony Jean de la trilogie Communardes !, série imaginée par Wilfrid Lupano, cette première histoire nous fait découvrir une femme d’exception, Elisabeh Dmitrieff, venue du froid de la Russie, une aristocrate qui plus est. Le dessin est précis, impeccable, l’histoire prenante…. Vite, le second !

 

Le sentier des reines d’Anthony Pastor

04.11
2015

cop. Casterman

 

Savoie 1919. Alors qu’est célébrée la messe en mémoire de leurs défunts époux, Pauline et Bianca partent sur la route avec Florentin, un orphelin de 11 ans, vivotant de la vente de leur mercerie. Mais un ancien poilu les attend à leur première étape. Elles auraient la montre de l’officier supérieur de leur mari en butin, et il réclame sa part. Une course poursuite commence…

Une aventure initiatique très sombre pour ces deux veuves dénonçant la condition féminine de l’époque.

Pastor, Anthony

Le sentier des reines

Casterman, 2015 (Univers d’auteurs)

120 p. : ill. en coul.

EAN13 9782203094529 : 20 €

Vingt-quatre heures de la vie d’une femme de Stefan Zweig

23.03
2015

cop. Folio

 

On ne parle que de ça dans cette pension de famille située sur la Côte d’Azur : Madame Henriette, l’épouse d’un client et mère de deux enfants, est partie sur un coup de tête avec un jeune Français qu’elle connaissait depuis à peine vingt-quatre heures. Seul contre tous, le narrateur essaie de comprendre sans la juger cette femme qui, sur un coup de foudre, a fait fi du qu’en dira-t-on. L’écoutant la défendre, une vieille dame anglaise s’ouvre alors à lui d’un secret qu’elle garde depuis plus de vingt ans : un soir où elle se rendit au casino de Monte-Carlo, cette veuve rencontra un jeune homme de vingt ans enfiévré par le jeu au point de vouloir se donner la mort cette nuit-là. En voulant le sauver, elle fait tomber sa bonne éducation…

Enchâssée à l’intérieur du scandale de Madame Henriette s’enfuyant de sa vie d’épouse et de mère bien rangée sur un coup de tête, cette confidence sur la passion amoureuse qui peut naître en moins de vingt-quatre heure et changer à jamais la vie d’une femme permet à Stefan Zweig de dénoncer le carcan dans lequel est maintenu toute femme dans la bonne société. Il décrit également à la façon du Joueur de Dostoïveski la passion du jeu qui anime les mains et toute l’âme de ce jeune homme, que même la foi religieuse ou l’amour dévoué d’une veuve ne peuvent sauver. Mais ces Vingt-quatre heures, ce sont surtout vingt-quatre heures vécues plus intensément que toute une vie réunie, au travers desquelles la narratrice passe par les émotions les plus extrêmes : la peur, le doute, la bienveillance, la charité, la honte, l’amour passionnel, l’impatience, le désespoir, la désillusion. Vingt ans après, la vieille dame souffre encore de cette blessure, de ce coup de canif porté à son amour-propre de femme. Une aventure amoureuse vue sous le prisme psychologique, d’un suspens haletant. Un petit chef-d’oeuvre sur les ravages de la passion.

ZWEIG, Stefan.

Vingt-quatre heures de la vie d’une femme = Vierundzwanzig Stunden aus dem Leben einer Frau.

Trad. De l’allemand (Autriche) par Olivier Le Lay et annoté par Jean-Pierre Lefebvre.

Gallimard (Folio bilingue, 192 ; 2015).

199 p.

EAN13 9782070461967 : 7 €.

 

Nous sommes tous des féministes de Chimamanda Ngozi Adichie

08.03
2015

cop. Folio

Chimamanda Ngozi Adichie raconte certains détails de sa vie particulièrement éclairants sur la condition féminine, tels cet épisode à l’école primaire où le chef de classe ne pouvait être qu’un garçon, celui où une femme ne peut pas entrer dans un hôtel sans être soupçonnée d’être une prostituée, où une femme est ignorée par les serveurs d’un restaurant car c’est l’homme seul qui est important et qui a l’argent. Elle se considère comme une Féministe Africaine – car le féminisme ne serait pas africain – Heureuse – car les féministes seraient « malheureuse(s), faute de trouver un mari« -  qui ne déteste pas les hommes - car être féministe serait synonyme de haine des hommes… et rêve d’un monde plus équitable, qui commence par l’éducation des enfants.

Dans Les Marieuses, Chimamanda Ngozi Adichie évoque l’arrivée d’une jeune mariée nigérienne aux Etats-Unis chez son « mari tout neuf« , médecin traitant à l’hôpital, choisi par son oncle et sa tante…

Version modifiée d’une conférence, le premier texte est paradoxalement très personnel puisqu’il tire du vécu de l’auteure des preuves quotidiennes de l’existence de préjugés sexistes et de l’inégalité entre les sexes, à l’école, dans la rue, au travail. Simple, clair, direct.

Dénonçant les mariages forcés, le second texte décrit tout à la fois la soumission d’une jeune épouse nigérienne à son mari diplômé et américain, et sa distanciation ironique vis-à-vis de ce mode de vie qu’il compte lui imposer, dans l’espoir de pouvoir s’intégrer.

NGOZI ADICHIE, Chimamanda.

Nous sommes tous des féministes suivi de Les marieuses.

Trad. De l’anglais (Nigeria) par Sylvie Schneiter et Mona de Pracontal.

Gallimard (Folio 2€, 5935 ; 2015).

 87 p.

EAN13 9782070464586 : 2 €.

Le garçon manqué de Liz Prince

10.12
2014

cop. çà et là

Déjà toute petite, Liz Prince déteste porter des robes. Pourquoi l’y obliger parce que c’est une fille ? Dès lors, elle adopte résolument la garde-robe des garçons, se coiffe d’une casquette rouge, se chausse de baskets, veut jouer au base-ball, et surtout, surtout, elle ne se reconnaît pas du tout, mais alors pas du tout dans l’image que l’on a des filles : polies, adorables, roses, frivoles, délicates, réservées, gentilles, etc. et qui ne peuvent être populaires que si elles sont jolies. D’ailleurs elle déteste les filles et préfère les jeux des garçons. Heureusement sa mère est la première à la soutenir, puis quelques amis/amies, contre les préjugés sexistes dominants…

Eh non ! Etre un garçon manqué, cela ne signifie pas forcément être une lesbienne, et cela n’a rien d’anti-naturel, explique Liz Prince en retranscrivant son parcours, bien au contraire ! C’est juste être une fille qui ne s’identifie pas à des codes culturels sexistes injustifiés inscrits dans les mentalités. Une bande dessinée qui tombe à pic pour remettre avec beaucoup d’humour les pendules à l’heure, et pour s’imposer au pied du sapin de Noël.

PRINCE, Liz. – Le garçon manqué / trad. par Philippe Touboul, lettrage de Hélène Duhamel. – Editions çà et là, 2014. – 253 p. : ill. n.b. + couv. En coul. ; 23 cm. – EAN13 978-2-36990-204-1 : 20 €.

Les pieds bandés de Li Kunwu

13.08
2014
cop. Kana

cop. Kana

Forcée par sa mère, qui souhaite lui offrir sa seule chance par un beau mariage de s’élever au-dessus de sa condition, Chun Xiu doit renoncer à l’insouciance et aux jeux de son enfance, et à l’amour de son camarade de jeu Magen, pour souffrir le martyr : désormais elle ne peut plus sauter ni courir, ni même marcher comme les autres. Hélas, à peine est-elle en âge de se marier, que la révolution éclate : à bas les coutumes féodales ! De convoitée, Chun Xiu est soudain transformée en paria. Fuyant la violence de la ville, elle se réfugie avec Magen à la campagne. Mais dès le premier jour d’absence de son fiancé, qui n’a encore pas osé la toucher, Chun Xiu subit un viol collectif, et ne peut plus enfanter. Le déshonneur est tel qu’il lui faut alors également renoncer à Magen…

 

Longtemps j’ai tardé à acheter ce one-shot chinois dont Joël de l’ACBD m’avait fait l’éloge : je savais que ce serait terrible… Ce le fut. Aucun doute là-dessus : impossible de retenir une larme à la lecture de l’histoire tragique de cette pauvre femme qui ne connut, à vrai dire, quasiment que peine et douleur tout au long de sa vie… et tout ceci à cause de l’impitoyable tradition millénaire des pieds bandés, que l’on dit alors « aériens », ressemblant à la belle gazelle, mais qui sont tout bonnement horriblement atrophiés, jusqu’à ne mesurer que 7,5 cm ! Si cette histoire mérite d’être connue, la virtuosité de l’auteur, déjà plébiscité pour Une Vie chinoise, mérite d’être, elle, saluée : la page 72, par exemple, renouvelle la mise en page de l’héroïne, cible de tous les regards. Un manhua incontournable.