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Paula T. une femme allemande *** de Christoph Hein

14.05
2010

Paula T. une  femme allemande

Titre original : Frau Paula Trousseau

Pour quitter au plus vite son père qui terrorise sa famille et une mère et un frère alcooliques, Paula se jette dans les bras d’un mari qui ne la veut qu’au foyer et n’hésite pas, pour arriver à ses fins, à substituer un placebo à ses pilules. Mais Paula, qui a arrêté sa formation d’infirmière et a été reçue à l’examen d’entrée de l’école des Beaux-Arts de Berlin, est fermement décidée à poursuivre ses études, même enceinte, et à devenir peintre…

Christoph Hein (Prise de territoire) signe là un magnifique roman d’apprentissage, moins par la qualité de son écriture que par les thèmes exploités et l’émotion suscitée. Il brosse en effet le portrait d’un personnage endurci par l’égocentrisme d’un père puis d’un mari de la « vieille école », qui, à son tour, va être taxé d’égoïste pour ses choix allant à l’encontre de sa nature de femme et de mère, se méfiant à jamais des hommes (p. 209), mais aussi d’artiste de l’Allemagne de l’Est. En mettant l’accent sur la non-représentation publique de sa grande toile blanche et l’impossibilité pour Paula de suivre sa tendance à l’abstrait, le roman souligne la difficulté d’être créateur dans certains pays et à certaines époques (p. 199).

« Je sentais que la nouvelle toile était enfin sur la bonne voie. J’étais soulagée, car lorsque la toile refusait de me laisser pénétrer en elle, quand elle ne me forçait pas à travailler, il y avait quelque chose qui clochait dans mon travail. Ou en moi. J’avais déjà fait cette expérience. Le matin lorsque j’étais impatiente de me trouver devant mon chevalet, ou énervée parce que j’avais des rendez-vous dont je voulais me débarrasser le plus rapidement possible pour pouvoir enfin me mettre au travail, je savais que j’étais sur le bon chemin et que je n’allais pas au-devant d’un échec, comme c’était si souvent le cas. » (p. 258)

Il évoque aussi le dilemme entre sa vocation d’artiste et ses renoncements pour des travaux alimentaires, les méthodes d’enseignement (p. 202), la beauté  de la Nature qui se dérobe comme motif (p. 330), les périodes d’inspiration et de désillusion (p. 258). Un beau roman.

HEIN, Christoph. – Paula T. une femme allemande / trad. de l’allemand par Nicole Bary. – Paris : Métailié, 2010. – 417 p. : couv. ill. en coul. ; 22*14 cm.. – (Bibliothèque allemande). – ISBN 978-2-86424-722-7 : 22 €.

Prise de territoire ** de Christoph Hein (2004)

08.01
2007

Titre original : Landnahme
Publié en 2004 en Allemagne, et chez Métailié en 2006.

C’est jour de carnaval à Guldenberg, quand Thomas Nicolas y revient, quelques dizaines d’années après, et y interpelle celui qu’on appelait alors perce-bois derrière son dos car son père, manchot, était menuisier. A l’époque, il devait avoir 10 ans et s’était retrouvé sur le même banc à l’école que ce Bernhard Haber qui ne déserrait jamais les dents et quepersonne, pas même le directeur, n’osait jamais affronter. Un jour, l’atelier du père Haber avait brûlé : un incendie criminel, avait-il affirmé, un incendie volontaire avaient rétorqué les mauvaises langues, qui ne manquaient pas, les habitants de Guldenberg ayant vu arriver d’un très mauvais oeil les familles de réfugiés et de sinistrés de Silésie, qu’il leur fallait loger et avec lesquelles il fallaitdésormais compter. Parmi lesquelles  la famille Haber, dont on retrouve bientôt le chien du garçon, son seul ami, étranglé…

Il s’agit d’un roman à plusieurs voix, dont la première s’ouvre et se referme sur cette étrange rencontre du Berlinois avec cet ancien réfugié sans le sou qui, quarante ans après, semble être devenu l’un des hommes les plus importants de la ville. A travers les digressions de leur propre histoire, quatre autre narrateurs vont donc à sa suite combler cette parenthèse, de l’écolier taciturne au militant communiste, puis du passeur de clandestins vers Berlin ouest jusqu’au bourgeois prospère en ce jour de carnaval. Et à travers ces multiples visions d’un même homme prêt à tout pour montrer ce dont il est capable à cette ville xénophobe et à ses habitants hostiles, c’est le visage tourmenté d’une Allemagne de l’est d’après-guerre, d’avant puis d’après le mur de Berlin, que nous montre en filigrane Christoph Hein.

Lire aussi, mais seulement après votre lecture, la critique du Matricule des Anges.

trad. de l’allemand par Nicole Bary- Métailié, 2006. – 315 p.. – (Bibliothèque allemande). – ISBN : 2-86424-592-2 : 22 €.
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