Mots-clefs ‘capitalisme’

Encaisser ! d’Anne Simon

12.07
2017
cop. Casterman

cop. Casterman

D’après l’ouvrage de la sociologue Marlène Cenquet, Encaisser ! Enquête en immersion dans la grande distribution (La Découverte, 2013), Anne Simon a imaginé une mère célibataire embauchée comme hôtesse de caisse dans une zone commerciale, qui commence à lire un fascicule sur l’histoire du groupe Batax, dont fait partie le supermarché. Le PDG s’y représente comme celui qui a permis de faire se côtoyer toutes les denrées en libre-service, sans avoir à courir à droite et à gauche. La cheffe de caisse insiste sur sa présentation convenable, sa formatrice sur le planning qui change chaque semaine, avec des coupures dans la journée de plusieurs heures, la déléguée syndicale Fo ménage les patrons et la CGTiste organise une grève…

Comme toujours dans cette collection, on sort de la lecture de cette BD moins bête qu’avant : vous ne passerez plus en caisse sans savoir ce qu’encaisse votre hôtesse au quotidien !

Regarde les lumières mon amour d’Annie Ernaux

15.01
2017

 

cop. raconterlavie.fr

cop. raconterlavie.f

Raconter la vie, les vies qui se croisent dans un hypermarché, tel est le défi que s’est fixé pendant un an Annie Ernaux qui, quand elle n’écrit pas, prend plaisir à se mêler aux autres en se rendant à l’hypermarché Auchan du centre commercial des Trois-Fontaines à Cergy. Car elle part du principe que loin d’être un sujet trivial, ce lieu consiste en  un kaléidoscope des différentes classes sociales, exceptées les plus aisées, et de tous les âges.

Un petit livre bien à part du reste de l’oeuvre d’Annie Ernaux, tant son écriture y est du coup terriblement factuelle, sans fard, comme les néons qui plongent les clients dans un jour éternel et constant. Le concept ne manque pas d’intérêt mais il ne nous apprend rien ici que l’on ne sache déjà si ce n’est que contrairement à d’autres écrivains peut-être, elle n’a pas honte de concéder aimer aller dans les hypermarchés, et même passer aux caisses automatiques tout en sachant que les caissières creusent la tombe de leur métier en incitant les clients à y passer. Et, après l’ère de la caissière qui n’allait pas assez vite ou faisait des erreurs, à devenir à leur tour de potentiels fautifs, lents ou voleurs, que les clients suivants, la machine ou le magasin peut réprimander. Ou comment les hypermarchés retournent la situation tout en faisant des économies sur le dos des clients. Pire est encore la tentative avortée de vouloir armer chaque client d’une douchette pour scanner leurs achats au fur et à mesure. Une curieuse lecture, qui confirme mon désir de fuir ce lieu de perdition !:;)

L’île aux fleurs de Jorge Furtado (1989)

08.01
2016

Ce court-métrage peut avoir quelque chose de déstabilisant par son approche humoristique et sa surabondance d’informations documentaires pseudo-pédagogiques. Mais très vite, plus le film avance, plus l’humour devient grinçant. Car si l’on suit la chaîne de la tomate, c’est bien le progrès de l’être humain qui est remis en question, sa liberté le réduisant à passer après le porc sans monnaie d’échange. La musique d’ailleurs s’électrise à la fin, sur cette île aux fleurs où les porcs passent avant les humains, car ils ont un riche propriétaire, et les fleurs absentes, à l’opposé de l’image idyllique de la famille modèle mangeant du cochon grâce à une vente de parfums.

Quelle liberté est possible dans la chaîne capitaliste ?

Quel est le coût d’une vie humaine ?

Ce sont les questionnements qui émergent de ce court-métrage fréquemment utilisé en cours de sciences économiques et sociales.

« Murray Bookchin » : pour une écologie sociale et radicale

30.01
2015

 

cop. Le Passager Clandestin

Parmi les précurseurs de la pensée politique de la décroissance, Murray Bookchin (1921-2006) mûrit la thèse d’une écologie sociale, soucieuse de rétablir des liens entre les êtres humains comme entre la nature et eux-mêmes, et radicale, en condamnant sans appel le capitalisme, dont les limites ne sont pas purement économiques mais écologiques.

Le capitalisme, affirme Murray Bookchin, débouche sur la production pour la production, sur la consommation pour la consommation, des fins en soi dont les moyens, quantités négligeables, sont l’exploitation de la main d’oeuvre humaine et de la nature, d’ailleurs appelées pudiquement « ressources humaines » et « ressources naturelles ». Il ne s’agit pas, comme les Verts, dit-il,  de culpabiliser le consommateur ou de donner quelque amende aux multinationales peu soucieuses de l’environnement, mais d’éradiquer la forme économique du capitalisme qui pousse à la croissance, et donc à la concurrence et à la production au moindre coût. Car le capitalisme a réussi à coloniser nos valeurs, nous expliquent Vincent Gerber et Floréal Romero, faisant de l’être humain et un salarié exploité et un consommateur frénétique en lui créant de faux besoins, lui faisant dépenser son salaire en gadgets inutiles et objets de mauvaise qualité durant peu de temps.

Murray Bookchin préconise le développement d’une société organique en valorisant une technologie libératrice, produisant des biens durables, beaux et de qualité, où chacun pourrait mettre sa touche créative finale, l’échange et l’entraide profitable pour chacune des parties, en s’orientant vers des sources d’énergies renouvelables et une démocratie directe, structurée autour du principe du municipalisme libertaire et d’une confédération de communes décentralisées, chaque citoyen redevenant actif, débattant de visu, impliqué dans les décisions de sa ville, et non plus simple électeur et contribuable anonyme.

Une première approche synthétique de la thèse séduisante de l’écologie sociale de Murray Bookchin.  

A lire aussi dans Carnets de SeL la critique de son ouvrage Une société à refaire *** (Les éditions écosociété).