Mots-clefs ‘bisexualité’

Mensonge et vérité des corps en mouvement de Sylvain Férez

27.02
2012

cop. L'Harmattan

Mensonge et vérité des corps en mouvement

L’oeuvre de Claude Pujade-Renaud

 

Dans cet ouvrage, Sylvain Férez ne fait pas vraiment une analyse littéraire, artistique ou universitaire de l’oeuvre de Claude Pujade-Renaud, mais retrace plutôt sa carrière grâce au témoignage de la principale intéressée.

C’est la raison pour laquelle, une fois n’est pas coutume, voici ci-dessous les éléments biographiques que nous avons retenus à cette lecture d’une auteure qui vient tout juste de fêter ses 80 ans et qui est connue et reconnue dans trois milieux différents, en tant que :

  1. spécialiste de la danse dans la formation des professeurs d’EPS, avec un ouvrage de référence paru en 1974,
  2. docteure en sciences de l’éducation sur la communication non-verbale dans l’enseignement avec une thèse soutenue en 1981 (Le Corps de l’enseignant dans la classe, Le Corps de l’élève dans la classe)
  3. auteure (davantage aujourd’hui) de 6 ouvrages pour enfants (tous co-signés), 5 recueils de nouvelles, 1 recueil de 5 soliloques, 8 romans dont 1 co-écrit avec Daniel Zimmerman, 1 ouvrage autobiographique réalisé avec ce dernier.

 

  • Excellente élève, ayant effectué une première année d’hypokhâgne, Claude Pujade-Renaud choisit probablement par esprit de contradiction de tromper l’attente formulée par ses parents et ses professeurs qui la destinent à une agrégation de lettres, de philosophie ou d’histoire, en choisissant de devenir professeur d’éducation physique, profession moins favorisée socialement, alors qu’elle n’est pas particulièrement douée. A partir de 1950, Claude Pujade-Renaud est donc formée durant 4 ans à l’IREPS, tout en préparant, par goût, une licence de philosophie. Elle devient championne de France universitaire en handball. Elle rencontre alors Jeanine Solane avec qui elle danse sur scène, non pas de la danse classique comme durant deux ans avec Denise Bazet, son ancienne prof de gym, mais sur d’autres musiques. Son premier amour avec un étudiant à Sciences Po se solde par un avortement.

 

  • En 1954, à l’âge de 22 ans, Claude Pujade-Renaud est donc nommée sur un poste d’enseignante d’EPS au lycée de Rouen. Elle y découvre, amusée, « les rivalités et rejets réciproques entre agrégés et certifiés » et s’éprend d’une femme professeur d’EPS, elle aussi « très branchée littérature et écriture », puis d’une autre, également professeur d’EPS, et pratiquant les arts plastiques. A la rentrée 1957, elle obtient une mutation dans un lycée de Versailles et tente d’insérer un peu de danse dans son enseignement. Déjà, elle commence néanmoins à se lasser un peu de l’éducation physique, de la succession des classes et de la répétition. Entre 1958 et 1965, outre la danse, elle pratique aussi l’équitation.

 

  • En 1960, elle obtient un poste de professeure à l’IREPS, pour enseigner la psychopédagogie (grâce à sa licence de philosophie) et la danse aux filles. C’est pour elle un virage positif car elle accède à un statut de cadre, de formateur. Elle s’intéresse aux techniques de « modern dance » et découvre les cours du mime Etienne Decroux en 1965.

 

  • A son retour des Etats-Unis (cf première rencontre), souffrant d’une arthrose à la hanche, Claude Pujade-Renaud se lance pour la première fois dans la chorégraphie de groupe. En 1967, 7-8 étudiants sont volontaires pour monter une chorégraphie, Passages. Elle écrit des articles sur son expérience américaine dans la revue EPS, et met en place un groupe d’expression corporelle. Elle regrette que la danse fasse partie de l’EPS et ne soit pas perçue comme une discipline artistique éducative. En 1971, à l’âge de 39 ans, elle passe un concours pour formateur de formateurs en EPS pour diriger une recherche. Elle prend alors des cours avec Carolyn Carlson. En 1972, elle quitte sa compagne et emménage rue de l’Harmonie.

cop. ESF

  • En 1967-1968, elle suit une maîtrise de sciences de l’éducation à la Sorbonne. Elle se lance dans un doctorat sur Danse et narcissisme en éducation. Daniel Zimmermann, qu’elle a rencontré en 1968, lui propose d’écrire un ouvrage sur l’EPS. De 1972 à 1974, elle co-anime avec Daniel Zimmermann une UV sur les communications non-verbales à Vincennes.

 

  • Claude Pujade-Renaud voit apparaître obscurément dans des séances d’analyse un désir d’enfant. En 1973, elle prend conscience qu’elle veut écrire en compagnie de Daniel Zimmermann. Elle est enceinte de lui en mai. Ce dernier se sent piégé car il veut rester avec sa femme et n’a pas exprimé le désir de cet enfant. Claude Pujade-Renaud doit avorter. Cela engendre beaucoup de souffrance. Le 10 septembre 1974 ils renouent. Son ouvrage Expression corporelle, langage du silence sera dédié à Daniel Zimmermann. En juillet 1975, Daniel Zimmermann quitte sa femme et s’installe chez Claude Pujade-Renaud.

 

  • Le 13 mars 1975 Claude Pujade-Renaud passe son doctorat. Son ouvrage, Danse et narcissisme en éducation, est vendu à 2700 exemplaires.
  • Elle assure alors 12 h de cours à l’UEREPS et 6h à Vincennes.
  • En 1981, elle soutient sa thèse.

 

  • cop. Actes Sud

    En 1978, La Ventriloque est son premier roman autobiographique : elle y parle de l’avortement de cet enfant. En 1975, elle fait le deuil d’avoir un enfant, comme elle a dû renoncer à la danse. Les deux premières fois où elle envoie un texte court et qu’il est accepté, elle refuse finalement sa publication, avant de proposer un premier texte aux éditions Des Femmes, en 1977. Elle est alors âgée de 45 ans.Elle est troublée par l’indifférence totale de sa famille, tout comme Daniel Zimmerman essuie les reproches de ses parents, de ses amis.

 

  • Claude Pujade-Renaud arrête alors ses analyses en découvrant les vertus cathartiques de sa parole couchée sur le papier.
  • En 1978, elle publie Passages, reprenant le titre de sa chorégraphie de 1968.
  • Elle comprend qu’elle a écrit contre « une censure familiale inscrite fortement en elle. »
  • En novembre 1982, Claude Pujade-Renaud et Daniel Zimmermann tiennent rue de l’Harmonie, en tête à tête, l’AG constituante d’une association loi 1901 qui se fixe pour objectifs principal « l’aide morale et matérielle à la création littéraire », notamment celle de Claude Pujade-Renaud.
  • Elle ne réussit pas à faire éditer La Mort mêlée, un roman sur l’échangisme. Elle écrit donc des nouvelles, dont elle en envoie une à Simone de Beauvoir qui dit apprécier mais que ce texte ne convient pas pour Les Temps modernes.
  • Daniel et elle instaurent un prix libre excluant Galligrasseuil.
  • En 1984-1985, Claude Pujade-Renaud est responsable d’une émission littéraire sur Radio-Top-Essonne.
  • 1985 « centre de recherches sur la sociologie de l’écriture » : origines, profession et parcours des candidats au Prix.
  • Claude Pujade-Renaud écrit beaucoup de nouvelles, dont souvent les personnages centraux sont des femmes.
  • En 1983, elle commence à écrire La Danse océane. Elle se pose alors la question du degré de liberté qu’elle se donne à l’égard des aspects biographiques et historiques.
  • En 1984, La Danse océane débute sa ronde éditoriale, et en mars 1985, Nouvelles d’elles est accepté par Actes sud, et devient Les Enfants des autres.
  • En 1985, Claude Pujade-Renaud multiplie les expériences de refus.
  • La revue Nouvelles nouvelles de Daniel Zimmermann et Claude Pujade-Renaud publie durant ses 7 ans d’existence (décembre 1985-1992) 377 nouvelles.
  • En 1988, La Danse océane paraît aux éditions du Souffle.
  • En 1994, Prix Goncourt des lycéens pour Belle-mère.
  • En 1995, ils écrivent ensemble Ecritures mêlées (Julliard), épuisé, qui raconte entre autres éléments autobiographiques les difficultés de l’édition, les difficultés que tout deux ont connues.

 

Au final, voilà une trajectoire qui a éveillé bon nombre d’échos en moi. De quoi alimenter les questions que je m’apprête à lui poser demain.

    Paula T. une femme allemande *** de Christoph Hein

    14.05
    2010

    Paula T. une  femme allemande

    Titre original : Frau Paula Trousseau

    Pour quitter au plus vite son père qui terrorise sa famille et une mère et un frère alcooliques, Paula se jette dans les bras d’un mari qui ne la veut qu’au foyer et n’hésite pas, pour arriver à ses fins, à substituer un placebo à ses pilules. Mais Paula, qui a arrêté sa formation d’infirmière et a été reçue à l’examen d’entrée de l’école des Beaux-Arts de Berlin, est fermement décidée à poursuivre ses études, même enceinte, et à devenir peintre…

    Christoph Hein (Prise de territoire) signe là un magnifique roman d’apprentissage, moins par la qualité de son écriture que par les thèmes exploités et l’émotion suscitée. Il brosse en effet le portrait d’un personnage endurci par l’égocentrisme d’un père puis d’un mari de la « vieille école », qui, à son tour, va être taxé d’égoïste pour ses choix allant à l’encontre de sa nature de femme et de mère, se méfiant à jamais des hommes (p. 209), mais aussi d’artiste de l’Allemagne de l’Est. En mettant l’accent sur la non-représentation publique de sa grande toile blanche et l’impossibilité pour Paula de suivre sa tendance à l’abstrait, le roman souligne la difficulté d’être créateur dans certains pays et à certaines époques (p. 199).

    « Je sentais que la nouvelle toile était enfin sur la bonne voie. J’étais soulagée, car lorsque la toile refusait de me laisser pénétrer en elle, quand elle ne me forçait pas à travailler, il y avait quelque chose qui clochait dans mon travail. Ou en moi. J’avais déjà fait cette expérience. Le matin lorsque j’étais impatiente de me trouver devant mon chevalet, ou énervée parce que j’avais des rendez-vous dont je voulais me débarrasser le plus rapidement possible pour pouvoir enfin me mettre au travail, je savais que j’étais sur le bon chemin et que je n’allais pas au-devant d’un échec, comme c’était si souvent le cas. » (p. 258)

    Il évoque aussi le dilemme entre sa vocation d’artiste et ses renoncements pour des travaux alimentaires, les méthodes d’enseignement (p. 202), la beauté  de la Nature qui se dérobe comme motif (p. 330), les périodes d’inspiration et de désillusion (p. 258). Un beau roman.

    HEIN, Christoph. – Paula T. une femme allemande / trad. de l’allemand par Nicole Bary. – Paris : Métailié, 2010. – 417 p. : couv. ill. en coul. ; 22*14 cm.. – (Bibliothèque allemande). – ISBN 978-2-86424-722-7 : 22 €.

    Un garçon d’Italie * de Philippe Besson

    10.09
    2005

    Philippe Besson orchestre là un roman à trois voix, dont l’une est celle d’un jeune homme, Luca, venant tout juste de passer de vie à trépas, dont les deux autres, Anna et Léo, un jeune prostitué de la gare de Florence, étaient amoureux. Le tempo en est différent pour chacune : la première, bien sûr, connaît les causes de sa fin tragique, la troisième, Léo, a perdu la seule personne qui s’était intéressée à lui et l’avait aimé, et c’est donc surtout sur la seconde, Anna, que le lecteur porte toute son attention, Anna, anéantie par la mort de son petit ami et surtout par ce que l’enquête sur sa mort lui fait découvrir : une facette de sa personnalité dissimulée, un désir caché, une marginalité secrète, une liaison homosexuelle.

    C’est ainsi moins sur le suspens que sur l’introspection des deux protagonistes encore vivants qu’insiste l’auteur, en entrouvant au scalpel leur âme tourmentée, leur solitude, d’une écriture fine, ciselée, comme le médecin légiste sur le cadavre de Luca, à la voix moins vraisemblable, justifiée uniquement pour pouvoir soulager le lecteur en lui apprenant la vérité sur sa mort.

    Lire l’interview de Philippe Besson ici.

    Lu aussi de lui L’arrière-saison.

    BESSON, Philippe. – Un garçon d’Italie. – Paris : Julliard, 2003. – 221 p. : couv. ill. ; 20 cm. – ISBN 2-260-01642-1 : 18 €.