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Berlin : itinéraires

20.07
2012

 

cop. Casterman / Lonely Planet

Berlin reste une belle destination à faire l’été, bénéficiant d’un climat continental et offrant dans ses alentours de nombreux lacs et forêts.

Journaliste vivant à Berlin depuis 2003, Cécile Calla nous invite à découvrir quartier par quartier les multiples visages de cette capitale toujours en reconstruction. Isabel Kreitz, unanimement saluée en Allemagne pour ses romans graphiques, anime ces lieux historiques, alternatifs ou contemporains de nombreux personnages.

Un joli guide, original et attractif.

Dans la même collection : Montréal et Québec par Romain Renard et Caroline Delabroy.

Pour en savoir plus sur Berlin, rendez-vous dans mes carnets de voyages.

KREITZ, Isabel, CALLA, Cécile. – Berlin : itinéraires. – Casterman / Lonely Planet, 2012. – 159 p. : ill. en coul. ; 24 cm. – (Univers d’auteur ; 8). – EAN13 9782203040977 : 16 €.

Paula T. une femme allemande *** de Christoph Hein

14.05
2010

Paula T. une  femme allemande

Titre original : Frau Paula Trousseau

Pour quitter au plus vite son père qui terrorise sa famille et une mère et un frère alcooliques, Paula se jette dans les bras d’un mari qui ne la veut qu’au foyer et n’hésite pas, pour arriver à ses fins, à substituer un placebo à ses pilules. Mais Paula, qui a arrêté sa formation d’infirmière et a été reçue à l’examen d’entrée de l’école des Beaux-Arts de Berlin, est fermement décidée à poursuivre ses études, même enceinte, et à devenir peintre…

Christoph Hein (Prise de territoire) signe là un magnifique roman d’apprentissage, moins par la qualité de son écriture que par les thèmes exploités et l’émotion suscitée. Il brosse en effet le portrait d’un personnage endurci par l’égocentrisme d’un père puis d’un mari de la « vieille école », qui, à son tour, va être taxé d’égoïste pour ses choix allant à l’encontre de sa nature de femme et de mère, se méfiant à jamais des hommes (p. 209), mais aussi d’artiste de l’Allemagne de l’Est. En mettant l’accent sur la non-représentation publique de sa grande toile blanche et l’impossibilité pour Paula de suivre sa tendance à l’abstrait, le roman souligne la difficulté d’être créateur dans certains pays et à certaines époques (p. 199).

« Je sentais que la nouvelle toile était enfin sur la bonne voie. J’étais soulagée, car lorsque la toile refusait de me laisser pénétrer en elle, quand elle ne me forçait pas à travailler, il y avait quelque chose qui clochait dans mon travail. Ou en moi. J’avais déjà fait cette expérience. Le matin lorsque j’étais impatiente de me trouver devant mon chevalet, ou énervée parce que j’avais des rendez-vous dont je voulais me débarrasser le plus rapidement possible pour pouvoir enfin me mettre au travail, je savais que j’étais sur le bon chemin et que je n’allais pas au-devant d’un échec, comme c’était si souvent le cas. » (p. 258)

Il évoque aussi le dilemme entre sa vocation d’artiste et ses renoncements pour des travaux alimentaires, les méthodes d’enseignement (p. 202), la beauté  de la Nature qui se dérobe comme motif (p. 330), les périodes d’inspiration et de désillusion (p. 258). Un beau roman.

HEIN, Christoph. – Paula T. une femme allemande / trad. de l’allemand par Nicole Bary. – Paris : Métailié, 2010. – 417 p. : couv. ill. en coul. ; 22*14 cm.. – (Bibliothèque allemande). – ISBN 978-2-86424-722-7 : 22 €.

Berlin ** (2010)

14.03
2010

Regards sur Berlin :

Une ville dévastée par les bombardements, déchirée par un mur dont elle porte les stigmates, montrant encore ses deux profils, d’est en ouest…
De vastes espaces laissés encore vides, à la dimension de cette capitale immense, contrastent avec la verticalité de ses immeubles.

Berlin, une capitale qui n’a pas fini de se construire ni de s’affirmer.

LE PROGRAMME !

Mercredi après-midi – 16h

Nous avons entamé notre découverte de Berlin par l’arrivée à la grande gare, moderne et monumentale, et ses méandres, puisqu’il y a peu d’indications pour les S et les U (différents types de métro existent, lequel, inodore, est plus large et propre que le métro parisien – 1,70 € le trajet intra-muros valable 2 h).

Les valises déposées à l’hôtel (voir ci-dessous), direction la tour éventrée de l’église du souvenir, Gedächtniskirche *, surnommée « la dent creuse » sur le Kurfürstendamm, entourée par une tour et une église modernes, qui se situent à proximité de l’hôtel.

Dommage qu’elle soit cachée par les deux constructions plus modernes qui l’entourent. Elle est finalement très récente puisqu’elle date de 1895. Une dizaine de minutes suffisent pour en visiter l’intérieur, dont des fresques ont été conservées. Quelques panneaux retracent son historique et la resitue dans le Berlin de l’Epoque (schön) non bombardé.

L’église moderne, qui la jouxte, est finalement beaucoup plus belle à l’intérieur, illuminée par ses vitraux bleus de Chartres, et arborant un Jésus-Christ représentant la réconciliation de Dieu avec le peuple chrétien.

Dès le premier jour, pour prendre la mesure de la ville et avoir une première approche de ses centres d’intérêt, nous avons fait un petit tour en bus, avec la ligne 200, du zoo jusqu’à l’Alexanderplatz. S’il avait fait beau, nous aurions loué des vélos et traversé le Tiergarten.

L’Alexanderplatz *, place emblématique de Berlin, est bien froide, ouverte à tous vents, avec sa Fernsehturm (1965) avec restaurant panoramique, la « Fontaine des peuples » et l’horloge universelle (1960), cadeaux de Moscou.

Une couche de neige assez impressionnante donne lieu à une forêt de bonhommes de neige et à une fontaine complètement gelée sur laquelle nous avons pu marcher.

Du reste, en février, il faisait épouvantablement froid. Il faut bien prévoir 2 bonnets et 4 à 5 paires de chaussettes, ou des après-skis, pour pouvoir se promener à Berlin !

Première impression : une ville à la croisée des chemins architecturaux en Europe (art soviétique, Renaissance, etc.). La plupart des édifices, même historiques, ont été reconstruits.

Potsdam Platz *: à première vue, rien d’impressionnant, mais à la nuit tombée, la beauté et la diversité de l’architecture nous font changer d’avis.

Berlinale * : un Cannes sans foule ni paillettes, au tapis rouge foulé par des stars qu’on ne connait qu’en ce pays.

Le musée du Mur au Checkpoint Charlie : un prix attrape-touriste dissuasif, à 12,50 euros l’entrée, sans que le musée ait été modifié depuis sa création. Dans la boutique on nous propose des « bouts du mur » (de la poussière de parpaing ?) en quantité astronomique, jusqu’à être collés sur des cartes postales de série, comme par exemple 17,70 euros les 100 g. Cynisme qui sonne comme mercantilisme et capitalisme ?

Dernière impression du jour : on sent qu’on se trouve bien évidemment dans une capitale. Ses dimensions, son effervescence, ses habitants de type européens, tout nous l’indique.

Jeudi

Potsdam **
Grosse entourloupe : un homme portant un badge de l’office de tourisme nous conseille un bus nous permettant de voir tous les châteaux de Potsdam et d’entrer les visiter, pour la somme de 15 euros.
En fait, il s’agissait d’un bus touristique, avec casque audio-guide, se déplaçant dans tout Potsdam durant 2h30, avec des commentaires du guide aberrants et contradictoires, nous prenant visiblement pour des dindons à plumer.

Rares points positifs :
- cela nous a permis de voir le château de Cecilienhof où eut lieu la conférence de Potsdam, très éloigné du parc Sans-Souci,
- et de passer aux abords des anciens lieux de résidence du KGB, des chalets suisses, dans les quartiers hollandais et russe.

Mais une simple ligne de bus (comprise dans le prix du train qui mène à Potsdam) nous aurait permis de nous déplacer à notre guise ! Quel sentiment de liberté quand on a réussi à s’échapper !
Or, et c’est à savoir, en hiver, les horaires d’ouverture sont beaucoup plus restreints, si bien que cette perte de temps nous a fait manquer la visite du Neues Palais.

Le centre-ville de Potsdam * est assez joli, n’ayant pas été bombardé.

Le château de Sans-Souci *
Les quelques salles visitées à l’aide d’un audioguide sont de style roccoco (qui vient de rocaille). C’est un roccoco bien spécifique à Frédéric II, appelé roccoco frédéricien d’ailleurs, extrêmement doré, fleuri et agrémenté d’animaux. Une visite de 20 minutes suffit.
(entrée : 8 euros)

Le parc de Sans-Souci **
Il y a une très belle vue des deux châteaux au niveau de la fontaine.
Le pavillon chinois, fermé à cette époque de l’année, est étonnant.
D’ailleurs, nous étions quasiment seuls dans ce magnifique parc enneigé, d’où l’on peut apercevoir l’orangerie en se dirigeant par la grande allée vers le Neues Palais.
Aux abords du Neues Palais (18e siècle), nous étions réellement seuls, à la tombée de la nuit, au milieu de ce site impressionnant, totalement enneigé.

Vous distinguez sur la route un petit trait noir ? C’est une femme qui court. Cela vous donne l’échelle de ces palais gigantesques.
Les deux bâtiments qui se font face sont monumentaux. L’un d’eux, qui abrite une université, était en cours de rénovation.
L’intérieur avait l’air magnifique à travers la vitre (Petit regret de ne pas l’avoir visité).

Vendredi

Tentative de passer par le Tiergarten*, le plus grand parc de la ville (Berlin prussien depuis le zoo jusqu’à la Nationalgalerie) dans lequel on peut voir deux mémorials soviétiques ainsi que le bâtiment du ministère des finances qui fut d’abord dirigé par Goering (1935) puis communiste.
mais on a dû s’arrêter, notre programme n’ayant pas pris en compte les 15 kilomètres à pied à faire par temps de neige, soit 2 à 3 heures de marche !

la Siegessaule*, la colonne de la victoire que l’on aperçoit dans Les Ailes du désir de Wim Wenders. traverser l’île aux musées et de jeter un dernier regard au Palais de la République, vestige de la RDA en cours de démolition.

Reichstag*, monumental, avec sa nouvelle coupole

Monument soviétique

Porte de Brandeburg **, d’inspiration grecque, emblématique des différents événements qui sont survenus à Berlin.
C’est assez décevant de voir qu’on a pu laisser des immeubles se construire autour et la jouxter, alors qu’elle était il y a dix ans encore entourée d’arbres.

Unten den Linden *
Unter den Linden, vitrine de l’architecture prussienne, construite au 17e siècle, décrite comme les Champs-Elysées berlinois, où fleurissent les ambassades, dont la monumentale ambassade de Russie, et où subsistent les bâtiments les plus anciens (architecture baroque ou néo-classique), l’opéra et l’université Humbolt

Beau point de vue de la cathédrale avec la Spree sous la glace.
Berliner Dom : immense cathédrale néo-baroque

Altes Nationalgalerie *


Œuvres remarquées :
Au 3e étage :
Gotischer Dom, Der Morgen (Schinkel)
Gaertner : vues de Berlin à l’époque (travail de précision)
Hasenclever Das Lesekabinett (1843)
CASPAR DAVID FRIEDRICH Abtei im Eichwald (1809/1810), Der einsame Baum, Mondaufgang am Meer.
Au 2e étage :
Drachensteigen de Carl Spitzweg
Südliche Felsensküste de Ludwig von Hofmann (1898)
Max Liebermann : vie quotidienne des gens au travail ou au repos.
Arnold Böcklin Die Toteninsel (1883)
Rez-de-Chaussée : Menzel, Franz von Stuck Tilla Durieux als Circé (1910) et Die Sünde (1912)
(Entrée : 10 euros)

Découverte du quai de la Marche, endroit très bruyant avec les grands boulevards.
Puis le vieux quartier saint-Nicolas, pittoresque, avec son dédale de ruelles à dimension humaine, bordées de maisons à l’aspect ancien autour de l’église éponyme (1230). En fait, tout est récent et a été reconstruit à l’identique en 1987 par la RDA, à l’occasion du 750e anniversaire de Berlin !!!
Ce n’est qu’une réplique d’un quartier habité jadis par des artistes et des écrivains !
Palais Ephraim (balcons roccocos)

Alt Rathaus : vestibule avec amphores
Dans le tribunal municipal, monumental escalier ART NOUVEAU à 3 niveaux et 3 ou 5 entrées

Neue Galerie (Galerie Nationale de Berlin (cubisme, dada, etc.))
hall impressionnant.
Exposition permanente fermée, exposition temporaire gratuite mais sans aucun intérêt, faite d’agrandissements de photographies de montagne.

KREUZBERG
A la sortie du métro, taggué, nous avons changé d’ambiance. On se croirait un peu à Sarcelles.
Nous sommes allés voir le Kopi, l’un des squats les plus connus de Berlin, apparaissant comme un petit village avec des installations en caravanes autour de l’immeuble, dans lequel entre une femme d’un certain âge, avec ses clés, comme chez elle, puisque c’est chez elle ! Cela semble très organisé, comme une petite communauté. On entend des bruits de soudure.

Un peu plus loin, près de l’église et de l’ancien hôpital, le squat a été constitué de camions militaires.

La maison des artistes semble elle-même être un squat. Aucun panneau ne l’indique. Elle propose en revanche à l’intérieur de ses murs, et gratuitement, des expositions d’art contemporain et alternatif de tout premier ordre, en particulier au premier étage. Les expositions sont tout de même surveillées, celle au-rez-de-chaussée avec des bornes anti-vol.

En continuant dans le quartier, on a l’impression d’être dans un Paris en voie de boboïsation, avec des immeubles bas aux vitres cassées, façon underground mais plus pour longtemps, on le sent déjà.

Il n’est pas choquant, dans le métro, d’y voir un homme siroter sa bière.

SAMEDI

Métro : Richard-Wagner-Platz
Belle promenade dans le parc enneigé de Charlottenburg. Nous sommes passés sous le pont rouge en marchant sur l’eau gelée jusqu’au jardin à la française.

Le Musée Berggruen de Berlin présente un ensemble exceptionnel d’œuvres de Pablo Picasso, Paul Klee, Henri Matisse, Alberto Giacometti et Georges Braque qui donnent un intéressant aperçu des écoles d’avant-garde au début du XXe siècle Belle collection de Picasso au Musée, et excellents commentaires grâce à l’audioguide. A voir.

Le Bröhan-Museum est le musée de Berlin consacré à l’Art nouveau, l’Art déco et au design (1889-1939). Il se situe face au château de Charlottenburg. (6 euros)
beaux vases de Witve. Mobilier de Guimard, Majorelle, Ruhlmann, Henry van de Velde, etc. Chandeliers chauve-souris. Collection kitsch de porcelaines.
Tableaux de l’époque de la Sécession Berlinoise à laquelle a appartenu Liebermann.

On peut s’en passer :
- Galeries Lafayettes de Jean Nouvel : coupole inversée.
- de l’exposition sur la Stasi, entièrement en allemand

Quartier Friedrichshain :
Le Mur a été décoré par 118 artistes à partir de 1990.

Oberbaumbrücke
Traversée de la Simon Dach StraBe

Karl-Marx-Allee avec les deux tours (architecture réaliste-socialiste)

Quartier juif avec les Hoche (cours intérieures) : Hackesche Höfe
une série de 9 cours communicantes abritant des cinémas, des boutiques et des galeries d’art.
ex. : une façade au décor Sécession

Vue de la Neue Mosquee (édifiée en 1866 et restaurée jusqu’en 1995, incendiée lors de la Kristallnacht, bombardée par les alliés, démolie en 1958) de la rue qui mène à l’Alexanderplatz, partant du quartier juif, est jalonnée de prostituées jeunes et majoritairement belles, probablement de l’est.
A deux pas le Postfuhramt qui servait à l’origine d’écurie pour les chevaux de la Poste (Façade néo-Renaissance, richement décorée de carreaux vernissés et de reliefs en terre cuite)

Vue du Sony Center de nuit : la Tour Sony dessinée par Helmut Jahn, est l’édifice le plus moderne de Postdamer Platz. Elle est convexe d’un côté et plate de l’autre.

Clôture de la Berlinale sur grand écran = conférence de presse très sérieuse et sans paillette.

Où prendre un bon sommeil réparateur ?

Hôtel Metropolitan
Schaperstr. 36
10719 Berlin

Excellent rapport qualité-prix

Logés dans une chambre moderne et très spacieuse pour 28 à 32 euros la nuit (en passant par Expedia 4 mois avant), et 7,50 euros le petit déjeûner, dans un cadre design.

Où calmer sa faim ?

Sur le pouce, mangez une curry-wurst (saucisse accompagnée de ketchup au curry, spécialité de la ville) dans l’un des nombreux snacks en plein air,

Dans la Simon Dach StraBe, les prix affichés restent très bas : on y annonce des kebab à 2 euros et des pizzas à 1,50 euro !

Goûtez aux excellents kebabs et fallafels, très bon marché, grâce à la présence de la communauté turque, surtout dans le quartier de Kreuzberg : un régal !

Mais évitez de dîner au Hasir, « gastro » turc, sûrement pour les Allemands et touristes peu habitués à entrer dans les gargottes des kebabs, beaucoup plus cher que celui de la veille, sans être bien meilleur, avec des serveurs trop pressés et vindicatifs, réclamant des pourboires.

Sinon essayez au moins une fois la cuisine berlinoise traditionnelle. Pour cela, rendez-vous à Zillemarkt, une brasserie chaleureuse, où vous ne parviendrez probablement pas à finir la spécialité, une boule de gras en mise en bouche puis un plat, mais LE plat !
Il s’agit d’une formule plat à partir de 2 personnes à 13,90 euros, gargantuesque, avec un jarret complet, deux saucisses, de la choucroute, des pommes de terre, et plein de choses que nous n’avons pu nommer :

Les guides emportés :

Berlin.- Hachette Tourisme, 10/2008.- 352 p..- (Guides VOIR). ISBN 978-2-01-244255-9.
Berlin.- MICHELIN, 2007.- 336 p..- (Le Guide vert). ISBN 978-2-06-712170-6.

Les lectures à emporter :
Le goût de Berlin
Berlin Alexanderplatz */Alfred Döblin

Un commentaire sur l’ancien blog

Le goût de Berlin ** (2008)

07.09
2008

Affaiblie par une première guerre mondiale, ravagée par la seconde, Berlin s’est vue ensuite coupée en deux par un mur liberticide, symbole de la guerre froide. Elle est seulement depuis deux décennies devenue un véritable hâvre de paix, une capitale culturelle attractive. Ce petit recueil propose de revivre son histoire contemporaine, de l’Empire à aujourd’hui, à travers une petite trentaine d’extraits de romans, aussi bien de Céline que l’exemplaire Acte de résistance d’Hans Fallada.

Ce petit recueil est parfait pour se replonger dans l’histoire de cette ville pas comme les autres, redevenue capitale en 1991. Il rappelle les innombrables visages qui l’ont composée,  tous ceux surtout qu’elle veut oublier, les noms de places (l’actuelle Rosa-Luxembourg Platz) et de rues (Danziger Strasse) qui se sont succédés, et le visage  calme qu’elle offre aujourd’hui, avec ses grands parcs, ses gratte-ciel aux façades en verre d’un capitalisme triomphant et ses quartiers bohèmes avec ses squats et sa scène underground. Les  commentaires, à la suite des extraits, sur les vestiges visibles du passé évoqué de la ville contribuent à faire de cette anthologie un guide parfait pour préparer mentalement un premier séjour à Berlin (vous le retrouverez d’ailleurs cité dans le carnet de voyage à Berlin).

Mes extraits préférés ? Deux récits en pleine période nazie, l’un faisant preuve d’Acte de résistance, tiré de Seul dans Berlin de Hans Fallada, chroniqué depuis dans Carnets de SeL, l’autre témoignant de la propagande liberticide, extrait de L’été de cristal de Philip Kerr. Un troisième, issu de Was bleibt de Christa Wolf, largement autobiographique, témoigne de la surveillance omniprésente de la Stasi.

Mercure de France, 2008. – (le petit mercure). – ISBN 978-2-7152-2493-3.

Berlin Alexanderplatz * d’Alfred Döblin (1929)

25.09
2005

Après être sorti de prison pour avoir fait succombé son ancienne compagne sous ses coups, Franz Biberkopf retourne dans le quartier autour de l’Alexanderplatz. Résolu à repartir sur le droit chemin, il côtoie néanmoins les pires voyoux des bas-fonds de ce Berlin des années 1925-1930, échappe de peu à leurs pièges, y laisse un bras et sa compagne…

« Le châtiment va commencer.
Il se secoua, avala sa salive, se marcha sur le pied. Puis, ayant pris son élan, il se trouva assis dans le tramway, au milieu des gens. En avant ! Tout d’abord, ce fut comme chez le dentiste qui vous empoigne une racine avec son davier et qui tire. La douleur augmente, la tête est tout près d’éclater. Il tourna sa figure vers la muraille rouge,
mais le tramway l’emportait, filant le long des rails, et, seule sa tête regardait encore dans la direction de la prison. La voiture fit un virage, des maisons, des voitures s’interposèrent. Des rues bruyantes surgirent ; voilà la rue du Lac. Des voyageurs montent et descendent. En lui, un hurlement plein d’épouvante : « Attention, attention, ça va recommencer ! » Le bout de son nez se glace, ses joues tremblent. Berlin – Midi, B. Z., La Nouvelle Illustration, La T.S.F., dernière édition. » (p. 20)

Publié en 1929, ce roman, le plus célèbre d’Alfred Döblin, fait partie des 100 meilleurs livres de tous les temps sélectionnés par 100 écrivains provenant de 54 pays différents (vous pouvez lire la liste complète sur Evene).

Coupures de presse, pluralité des points de vue, pensées des interlocuteurs, chansons, intertitres, interventions du narrateur, les effets d’annonce et de narration s’enchaînent.
Or, si le style effectivement est résolument moderne pour son époque (beaucoup l’ont comparé au Ulysse de Joyce), il est néanmoins difficile d’en poursuivre la lecture sans être passablement choqué, outré, agacé, surpris par la destinée de son protagoniste (l’auteur a réussi là un coup de maître car il est difficile d’y rester insensible), qui semble s’y confronter comme une bûche emportée par le flot d’un torrent, qui échoue parfois sur la rive, y trouvant une certaine quiétude, avant d’être emportée de nouveau par le cours des événements. D’ailleurs cet anti-héros semble aussi aveugle et borné qu’une bûche : tantôt il gagne la sympathie du lecteur qui perçoit en lui un bon fond, naïf et crédule, tantôt il l’agace, se jetant toujours dans « la gueule du loup », pardonnant trop et mal, ayant peu de discernement, et retournant sa violence non pas sur ses ennemis mais sur ses compagnes.
Alfred Döblin nous offre là la vision tragique d’un homme aux prises avec la fatalité, le récit épique d’un homme ramené inéluctablement au crime. On a pu aussi le comparer à Voyage au bout de la nuit de Céline, publié à la même époque et dont l’action se déroule également autour d’une place, celle de Clichy. Malgré le malaise ressenti à cette lecture, je n’ai pas pu m’en décrocher et ai lu jusqu’au bout ses 626 pages sur ces malfrats, ces prostituées et leurs macs des bas-fonds avinés de Berlin.

Dans l’adaptation cinématographique intégrale et extrêmement fidèle qu’a pu en faire en 1980 Rainer W. Fassbinder, l’anti-héros m’a paru bien moins crédule et naïf, et plus égoïste, prenant son plaisir, de force avec les femmes s’il le faut, tout en voulant se montrer fort pour rester honnête et ne pas replonger dans le vice et le crime, plus désarmé par le monde qui l’entoure, dont il était à l’abri en prison.

Gallimard (Folio).
626 p.
8,60 euros.

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