Mots-clefs ‘altérité’

Gouverneurs de la rosée ** de Jacques Roumain (1946)

12.09
2005

cop. éd. Le Temps des cerises

Manuel rentre de Cuba où il fut envoyé pour travailler dans les plantations. Sur le chemin du retour, il rencontre Annaïse, une belle noire, qui change de visage à l’annonce de son nom. C’est que, lui apprennent ses parents, non seulement la famine et la désolation planent désormais sur leur village, mais, pire, qu’une vieille haine a scindé Fonds-Rouge en deux. Mais Manuel ne compte pas baisser les bras et s’en remettre aux divinités implorées. A Cuba, il a appris la grève, la volonté, la solidarité. Il part à la quête d’une source, qui redonnerait vie aux jardins brûlés par la sécheresse, dont le chantier d’irrigation reposerait sur le pardon des villageois.

Gouverneurs de la rosée est un titre qui à lui seul annonce tout à la fois l’engagement politique et la richesse poétique de ce roman posthume. En fait, Jacques Roumain a forgé cette expression à partir de la traduction littérale du créole haïtien « èt lawouze », littéralement «maître de l’arrosage», désignant le gestionnaire de l’’irrigation de toute une communauté. Publié pour la première fois en France en 1946, probablement avec l’aide d’Aragon, ce roman majeur de la littérature haïtienne a pris une dimension internationale, prônant des valeurs universelles telles que l’altérité, la solidarité, chères au communisme. Nonobstant, Jacques Roumain a su dégager sa spécificité linguistique et poétique, faisant balancer son lecteur au rythme chaloupé de la langue créole haïtienne, lui faisant respirer le parfum d’un amour interdit, brossant au sein d’un paysage écrasé par la chaleur des portraits de paysans haïtiens hauts en couleurs. Un très beau texte à valeur de symbole.

ROUMAIN, Jacques. – Gouverneurs de la rosée. – Le Temps des Cerises, 2004. – 202 p. ; 20 cm.. – ISBN : 2-84109-234-8 : 14,48 €.