Se dérobant à l’exercice périlleux de l’autobiographie classique que d’aucuns pourraient juger inintéressante, Philippe Claudel a choisi de partir d’un de nos cinq sens, l’odorat, pour faire remonter à la surface ses souvenirs d’enfance, d’adolescence mais également pour évoquer un passé proche. De cette façon, il est également parvenu à se dérober à la rentrée littéraire dont il ne pouvait désormais plus être juge et partie, ayant accédé au titre honorifique de membre de l’Académie Goncourt, qui délivre le prix littéraire le plus convoité de l’année.
Né en 1962 à Dombasle-sur-Meurthe, petite ville de la Lorraine, où il demeure toujours, Philippe Claudel dresse ici l’inventaire, sous la forme d’un abécédaire, des parfums qui ont marqué sa vie :
« Un matin, j’attends mon oncle en préparant le café, comme d’habitude. Il ne viendra pas : il est mort dans la nuit. Son pull-over repose sur un escabeau. Presque humain. Fatigué. Troué par endroits. Avec deux petites taches de plâtre frais qui se sont lovées dans les fibres du tissu. J’enfouis mon visage en lui comme dans le creux des bras d’un être aimé, en pleurant. Mon oncle est là, violemment présent, dans le parfum froid de la cigarette, les traces atténuées d’un après-rasage bon marché, la poussière de ciment, la colle à papier peint, surgissant d’une alchimie que le vêtement a concentrée malgré lui. » (p. 166)
Comme une madeleine de Proust, certaines odeurs font ainsi revivre pour chacun d’entre nous des lieux, des moments, des personnes. Philippe Claudel a choisi d’en disséquer les fragrances, à la manière du héros de Patrick Süskind, Jean-Baptiste Grenouille, pour nous livrer son amour du terroir, des choses simples, dans des chapitres très courts de deux ou trois pages, qui se dégustent comme autant de Première(s) Gorgée(s )de bière.
Ma sélection de la rentrée littéraire a placé entre mes mains ce recueil de textes autobiographiques de Philippe Claudel, orné d’une jaquette illustrée par le célèbre tableau de Klimt, Les trois âges de femme, au moment où je donnais moi-même naissance à une petite fille, dont je respirais le doux parfum en l’allaitant.
Si le travail d’écriture de Philippe Claudel ne laisse aucun doute, chaque mot étant pesé savamment pour traduire ses ré-impressions, l’exercice m’a semblé néanmoins, peut-être à tort, trop appliqué et trop scolaire. Mis à part quelques passages comme celui cité précédemment, le recueil ne m’a pas émue, comme l’ont fait la plupart de ses romans.
Une lecture plaisante.
Tags: autobiographie, odeur, parfum, Philippe Claudel
J’ai vu ton faire-part, il est magnifique, j’adore l’idée et je la retiens (on ne sait jamais !). Sinon, j’ai pour ma part beaucoup aimé ce texe !
Merci ! Je n’ai pas pu résister à l’envie : je n’aime pas trop les faire-part de naissance en général, et ça me semblait mieux nous correspondre.