Sa vie, elle l’a vécue avec un avant et un après. Après cette fameuse chose principale qui lui manquait. Avant sa cure, elle a failli rester vieille fille, faisant fuir tous ses prétendants par des lettres enflammées, et se vit contrainte d’épouser un communiste, le grand-père de la narratrice, sa petite-fille, qui tente de rassembler avec tendresse les pièces du puzzle de son existence : tous deux se sont alors apprivoisés sans jamais s’aimer, chacun bien à l’opposé du lit sans se toucher. Après sa cure, elle mit au monde un fils qui deviendra un pianiste de renommée internationale. Car cette chose principale, qui lui est arrivée, qui lui faisait défaut, c’est l’amour, croit-on deviner, et cet amour, elle l’aura connu au travers du Rescapé qu’elle a rencontré lors de sa cure, un intellectuel doublé d’un artiste, qui aura su aimer tout d’elle, même ses cicatrices aux bras, même sa folie…
« Elle avait donné son cahier au Rescapé parce que désormais elle n’aurait plus le temps d’écrire. Il lui fallait commencer à vivre. Parce que le Rescapé fut un instant, et la vie de grand-mère tant d’autres choses. » (p. 103)
Sa rencontre avec le Rescapé constitue l’acmé de la vie de cette femme qui a toujours été considérée comme folle par son entourage. Un premier thème d’ailleurs surgit, celui de l’incommunicabilité entre les êtres, l’incompréhension de motivations, de raisons d’être différentes. Car ce roman n’est pas une histoire d’amour. Loin s’en faut. Est-ce vraiment l’amour qu’elle a trouvé auprès du Rescapé ? Certes, il a été le seul à la respecter, le seul à ne pas considérer sa fantaisie comme folie, et à prendre au sérieux sa sensibilité poétique et artistique. Plus important, elle a trouvé auprès de lui une raison de s’aimer. Cette rencontre, c’est aussi l’énigme du roman dont la narratrice, sa petite-fille, nous donne la clé dans les deux dernières pages, et nous oblige à réviser toutes nos conclusions hâtives. Son bonheur ne l’a-t-elle pas plutôt créé ? Car sa vie, ne l’a-t-elle pas écrite, inventée, imaginée et embellie ainsi une vie que l’on n’a pas eue ?
Un roman lapidaire, justement, à la voix douce et limpide, qui rend hommage à la folie de l’écriture, à cette faculté de pouvoir inventer et imaginer des morceaux de vie, de pouvoir embellir ou noircir la réalité, de façon à rendre inextricables la réalité des mensonges qui l’embellissent. Pourquoi une étoile seulement ? Peut-être parce qu’il n’a pas eu le souffle suffisant pour m’emmener, peut-être parce que je l’ai reposé un peu déçue, au regard de son immense succès.
Tags: amour, Milena Agus
Pour ma part, j’ai beaucoup aimé ce livre ! La magie de son style et des paysages sardes a opéré sur moi.
Le problème est que j’ai ensuite essayé de découvrir d’autres romans de Milena Agus, comme Battement d’aile par exemple, et là j’ai été déçue…
Je viens de finir Mon voisin de la même auteure : un peu léger !
C’est un livre que je possède depuis sa sortie en poche, il y a quelques mois. Et ton très beau billet me redonne l’envie de plonger dans ce très court roman !
Bonjour !
J’ai eu un sentiment de déception comparable au tien…