
cop. Actes sud
Paris, mai 1957. Quand Raphaël Lepage, grand flûtiste, embauche comme bonne à tout faire Saffie, une jeune allemande au visage impassible, il sait déjà qu’il en est profondément épris. Un mois après, il l’a épousée. Cependant, mariée, puis mère, Saffie ne change pas d’attitude à son égard, comme détachée de la vie et du monde. Mais le jour où il l’envoie donner à réparer sa flûte chez un luthier, dès qu’elle pose ses grands yeux verts sur ce Juif hongrois prénommé Andras, elle se retrouve métamorphosée par un amour fou et c’est à ce dernier qu’elle va ouvrir son coeur et confier son passé auquel elle survit avec difficulté. Quant au sien, Andras s’en souvient pour mieux comprendre les enjeux présents et s’engager aux côtés des Algériens…
« Saffie ne se sent-elle jamais coupable ? Comment fait-elle pour supporter cette duplicité, jour après jour, mois après mois ? C’est le même corps qu’elle donne à l’un et à l’autre homme ; n’y a-t-il jamais d’interférence dans sa tête ?
Non : pour la simple raison qu’elle est amoureuse d’Andras, alors qu’elle n’a jamais été amoureuse de Raphaël. » (p. 229-230). « Lorsque deux amants ne disposent pour se parler que d’une langue à l’un et à l’autre étrangère, c’est… comment dire, c’est… ah non, si vous ne connaissez pas, je crains de ne pouvoir vous l’expliquer » (p. 230)
Ces deux passages, qui témoignent de l’intrusion du narrateur et la prise à témoin du lecteur dans l’histoire, reflètent à eux seuls l’atmosphère de cette bouleversante histoire d’amour, avec pour toile de fond les crimes de guerre, viols, meurtres et tortures, que ce soient ceux des soldats russes sur les allemandes restées seules ou ceux des soldats ou des policiers français sur les algériens. Un très beau roman.
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