Categorie ‘Littératures subsahariennes

Le marchand de passés de José Eduardo Agualusa

06.02
2006

cop. Métailié

 

Félix Ventura, vieil albinos angolais, exerce le curieux métier de vendre à ses clients, nouveaux riches et hommes influents, un arbre généalogique des plus glorieux. Un jour, un photographe à l’accent étranger lui demande aussi de lui inventer un passé, mais cette fois le plus discret possible. Mais l’homme, ce service rendu, part sur les traces de ses aïeux fictifs, se métamorphose en ce qu’il est censé être, en perd son accent, jusqu’au jour où son véritable passé le rattrape…

Une perle que ce roman angolais traitant de la (dé-)construction de son passé, de la mémoire familiale, de ses ancêtres : y transparaît toujours une satire féroce des soubresauts politiques, à laquelle nous avaient habitué la plupart des littératures subsahariennes ; mais ici, l’irrationnel se mêle habilement au monde réel : l’animisme est symbolisé par la figure du gecko qui n’est autre que le « je » narrateur, et avec lequel dialoguent, sous sa forme humaine, les deux hommes pendant leurs rêves.

AGUALUSA, José Eduardo. – Le Marchand de passés / trad. du portugais (Angola) par Cécile Lombard. – Métailié, 2006. – 131 p.. – ISBN : 2-86424-5617-1 : 15 €.

Les soleils des indépendances d’Ahmadou Kourouma

18.11
2005

Salimata est rongée par le pire des maux : elle ne connaît pas le bonheur d’être mère. Dès lors, sa vie est toute entière consacrée à la consultation de marabouts, des griots et des féticheurs, à l’administration de remèdes, aux dons aux plus pauvres qu’elle.  Or, c’est Fama, son mari, qui semble être stérile, mais c’est un homme, et un homme ne peut l’être, et c’est le digne descendant des Doumbouya. Comble du malheur pour cette femme : depuis son excision et le viol qui en a découlé, elle ne supporte d’être touchée que par un seul homme, Fama, qui, à la mort de son cousin, retourne à son village pour hériter de la charge de chef, prince malinké, dans ce climat d’insurrections…

Le reflet d’un monde qui nous est entièrement inconnu, saisi et appréhendé par A. Kourouma qui a su si bien rendre ses sons, ses mots, sa voix. Mais j’ai éprouvé des difficultés à entrer dans la chair de ces personnages, à me laisser émouvoir par ce récit…

KOUROUMA, Ahmadou. – Les soleils des indépendances. – Paris : éd. Du Seuil, 2001990. – 204 p. : couv. ill. en coul. ; 20*13 cm. – ISBN 2-02-012598-6.

La polka de Kossi Efoui

08.11
2005
Ce roman peut paraître un peu déroutant au premier abord. L’histoire se déroule dans la Capitale, ville sans nom mais riche en surnoms : Ville-Basse, Ville-Haute, Saint-Dallas. La Ville-Basse vivotait, elle vit maintenant avec le centre névralgique du Bar M.. Mais « les événements » mettent le chaos : les gens fuient, meurent. Et « La Polka » (Nahéma do Nacimiento) ne donne plus signe de vie malgré les appels à la radio du narrateur… Et pourtant, au dos de la carte postale la représentant, le narrateur avait noté pour l’avenir « Nous ne nous sommes plus quittés« …

Un roman qui porte en lui une voix singulière, sonore, vivante, pour donner une idée de tout simplement la difficulté à vivre, à se projeter dans un avenir, à aimer, parfois, dans certains pays… La thématique de Kossi Efoui ? La dictature, les massacres transformés en « rumeurs », l’Afrique fabriquée (cf. La Fabrique des cérémonies). Un roman qui peut sembler difficile d’accès tant la langue est mouvante, le style dense et foisonnant.

Equatorium de Maxime N’Débéka

26.09
2005

Maxime N'Debeka

PIECE DE THEATRE

Guide-éclairé-père-de-la-nation veut écraser une rebellion et se couvrant de gloire devenir le chef d’état du pays. Pour ce faire, il fait appel au grand magicien douze-manières-trente-six -mains qui lui fait sacrifier et manger ses jumeaux, et épouser sa fille.

« Bien est pris qui croyait prendre » : un président qui n’hésite pas à tuer sa femme et ses enfants pour asseoir son règne va être la victime d?une sorte de «boule de cristal » qui lui désigne ses ennemis.

N’DEBEKA, Maxime. - Equatorium. – Présence Africaine, 1987. – 85 p.. – ISBN 2-7087-0488-5.

En complément, dans les Carnets de Rencontre, sa biographie et notre entrevue le mardi 19 mai 2004.

Les lendemains qui chantent de Maxime N’Debeka

24.09
2005

PIECE EN QUATRE ACTES

La première femme du village, épouse du Maître tout-puissant, apprend le retour de son neveu de la ville. Ce dernier, en pleine ascension politique, est chargé d’une mission par le gouvernement : celle de convaincre tous les habitants de la contrée, et donc le Maître et les Anciens, de couper les arbres au bois rare de leur forêt pour l’essor économique du pays. Le Maître disparaît, laissant les habitants perplexes. Son fils, qui devait un jour prendre sa succession, semble épouser les idées de son cousin. Seule la première femme reste fidèle à son mari au silence d’autant plus effrayant que d’abominables fléaux frappent le pays depuis.

Une pièce très engagée, aussi bien au niveau politique qu’écologique, marquant bien la division entre la ruralité attachée aux croyances, aux traditions et à la nature avec laquelle les villageois vivent en osmose, et la ville gagnée par le capitalisme colonisateur occidental. Un texte malgré tout très poétique et empreint d’un réalisme fantastique.

N’DEBEKA, Maxime.- Les lendemains qui chantent. – Présence Africaine, 1983. – 107 p.. – ISBN 2-7087-0417-6.

Le président de Maxime N’Débéka

20.09
2005

DRAME SATIRIQUE EN TROIS ACTES

Un homme vient de prendre le pouvoir : il est le nouveau président. Au grand désarroi de son fils, il entend profiter de tous les gens fortunés du pays qui briguent le poste de second au gouvernement, jusqu’à les ruiner et à les humilier en public…

Un style fouillé tout en humour et dérision pour dénoncer la soif de pouvoir de l’être humain.

N’DEBEKA, Maxime. – Le président / préface d?Henri Lopès. – Paris : L’Harmattan, 1982. – 92 p.. – (Encres noires). -  ISBN 2-85802-225-9 : 9,15 euros.

L’homme dit fou et la mauvaise foi des hommes de Florent Couao-Zotti

17.09
2005

cop. Le Serpent à plumes

Dans les nouvelles de Couao-Zotti, voler, tuer, souffrir est le quotidien de ces Africains dans un pays meurtri par le sida, aux relents de vaudou et de magie. Dans la première, un mari profane régulièrement la tombe de son épouse défunte pour la violer, encore amoureux, alors qu’il l’a tuée par accident, la battant tout son saoûl. Dans la seconde, un fou accompagné de sa petite fille fait la démonstration de ses pouvoirs de sorcier devant le maire et la police, condamnant le libéralisme et la mauvaise foi des hommes. Dans la troisième, une jeune fille met bas, seule, dans la saleté, l’enfant né d’un viol. Quelques minutes plus atrd, elle découvre que c’est son tuteur, son oncle qui l’a violée et qui lui a transmis le virus du sida. Etc…

Toutes ces nouvelles sont on ne peut plus affligeantes, noires, désespérées. Le courage m’a manqué pour lire les deux dernières…

COUAO-ZOTTI, Florent. – L’homme dit fou et la mauvaise foi des hommes. – Le Serpent à plumes, 2001. – 211 p. ; 17 cm. – ISBN  2-84261-307-4.