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Shanghaï * (avril 2011)

18.06
2011

SHANGHAÏ !!!

 

A quoi ressemble Shanghaï aujourd’hui ?

 

A une métropole trépidante et branchée !

A voir :
Suivre la rue de Nankin du musée de Shanghaï au Bund, aux façades ostentatoires des années 1930, entrer dans le hall du Peace Hotel ou dans Pudong Development Bank pour en admirer le plafond. Se promener tout le long du Bund : c’est un peu la Croisette regards vers le futur !

Impressions :

Il suffit d’aller au Bund pour se rendre compte à quel point les Shanghaïens sont complètement tournés vers leur futur. C’est assez fascinant…. et angoissant, car tout touriste occidental peut craindre que l’on aille vers cet urbanisme à tout crin à tout va.

On a beau essayer de s’échapper de Shanghaï. Cette mégalopole ne présente plus aux alentours que des paysages urbains et industriels. Il n’y existe presque plus d’arbres ni de parcs. L’ultra-technologie est reine, les Chinois sont fiers de leurs transports de pointe. Leurs trains de banlieue vont jusqu’à 300 km/h pour relier l’équivalent Orléans-Tours. Un train aérien allant jusqu’à 451 km/h relie en un quart d’heure le quartier de Pudong à l’aéroport international.

Le matraquage publicitaire est omniprésent, sur TV même dans le taxi ou dans le métro. Les pubs H&M, L’Oréal, etc. présentent des mannequins souvent occidentaux, auxquels les Chinois veulent ressembler par des teintures, par exemple.

La vie sur place n’est finalement pas très chère (se nourrir, se déplacer, entrer dans les monuments), même si la Chine pourtant communiste est foncièrement libérale.

On peut être surpris par le comportement des Chinois dans les lieux publics, dans la mesure où ils ne semblent en général n’avoir aucun souci de l’autre. Sans cesse on voit des bousculades pour obtenir des places assises ou pour aller aux toilettes. Le principe de la file d’attente semble méconnu.

Pourtant de grands sourires et des éclats de rire peuvent aussi faciliter la rencontre.

Les touristes occidentaux sont encore rares : quand ils voyagent individuellement, ils sont dévisagés, parfois photographiés et admirés.


Que reste-t-il du vieux Shanghaï ?


A voir, à faire :


- prendre un thé aux chrysanthèmes à la maison de thé du jardin Yu, au pavillon Huxing

- se promener dans l’ancienne concession française

- découvrir les dédales des lilong qui n’ont pas encore été rasés

- voir les collections du musée de Shanghaï.

Les seuls sites préservés (rarissimes) ressemblent à Eurodisney. La rénovation qu’on leur a prodigué leur a fait perdre de leur authenticité : trop beaux, trop neufs, avec des chaînes comme Mc Do ou KFC en rez-de-chaussée !



 

Que peut-on voir aux alentours de Shanghaï ?

A voir :

Tongli, bourgade de canaux et de venelles, près du lac Tai, jolie ville au calme, très touristique, seule (?) ville « préservée », piétonnière et payante : l’entrée dans la « vieille ville » est payante, mais le billet comprend toutes les entrées intérieures.

Anecdote : Ce fut le parcours du combattant pour y accéder : levés à 7h, partis à 8h15, ayant pris le taxi jusqu’à la station la plus proche puis le métro pour arriver en gare, nous avons pris le train de 10h10, sans bénéficier d’ aucune information. Il fallait se débrouiller seul et ne compter que sur soi, arrivés à Suzhou. Nous avons fini par prendre le taxi à 110 Y pour Tongli, distant de 30 kms, alors que le bus du retour ne coûtait que 8 Y par personne. Il faut savoir parler chinois ! A l’aller on nous a mal renseignés ou pas renseignés : nous n’avons jamais su où il fallait le prendre ! On est d’abord parti en taxi à la gare routière (inaccessible à pied de la gare ferrovière) pour s’entendre dire qu’il n’y avait pas de bus pour Tongli. Nous avons pris un taxi en évitant les faux taxis privés, lequel nous a déposés dans un faux parc privé, à la mauvaise adresse, et on ne s’en est rendu compte que plus tard. Nous sommes finalement arrivés à Tongli à 13h30, et nous devions en repartir à 16h maximum pour avoir des places pour le prochain train.


Suzhou, pour ses parcs seulement

Les guides peuvent être révisés pour ce « Village » de 5 millions d’habitants, dit « Venise de l’Orient » : ses canaux ont été remblayés pour faire des six voies. Exceptés ses parcs payants et leur accès, rien n’a été conservé de cette « jolie » ville d’amoureux : tout y est laid, en construction. Quelle déception !

 

Astuce : Prenez le bus qui part de Shanghaï jusqu’à Tongli. Passez-y toute la matinée et le déjeuner. Puis prenez le bus jusqu’à Suzhou, et ensuite un taxi qui vous amène directement au Jardin de la politique des simples et au Jardin de la forêt du lion. Repartez par le train jusqu’à Shanghaï.



Voyager, c’est aussi goûter


- au petit-déjeuner sucré composé de soja chaud et de churros *

- à la fondue de légumes et de viande dans de l’eau bouillante

- aux multiples plats de nouilles fraîches maison *

- aux excellents raviolis de boeuf à la vapeur **, en face de la maison de thé

- au riz cantonnais au curry *, au riz avec poulet et pousses de bambou *

- aux petits soufflés à la citrouille **

- au dessert de riz sucré avec fruits/légumes confits *


 

Les bonnes idées en Chine que l’on ferait bien d’imiter !

- adopter le vélo et le scooter électrique (silencieux et pour tous),

- faire en sorte que nos besoins élémentaires (se nourrir, se déplacer) soient très peu chers : 0,20 euros le trajet en métro, 1,20 euros en taxi, 4,60 euros les 80 kms de train, et une addition de 1,50 euros pour 2 pour du thé, deux énormes bols de nouilles aux petits morceaux de boeuf.

- sortir manger à l’extérieur, bon et pas cher (pâtes maison, etc.), car cela revient encore moins cher que de faire la cuisine chez soi,

- installer en accès libre des appareils de gym dans chaque quartier, dans chaque square : il y a bien des jeux pour les enfants, pourquoi pas des appareils d’exercice pour nous maintenir en bonne santé sans avoir besoin d’aller dans une salle de gym !

- se décomplexer en investissant les parcs le soir pour y prendre des cours de danse, pour y chanter,

- pouvoir faire sa gymnastique n’importe où sans être dévisagé, même en marchant !

- adopter le principe de la carte de métro (et non du ticket jetable) sur laquelle chacun de nos passages déduit une somme en fonction de la longueur du trajet,

- faire ressembler nos salles d’attente de gare et nos affichages à ceux de nos aéroports,

- améliorer nos trains : le moindre train de banlieue à Shanghaï est l’équivalent de nos TGV neufs, et les couchettes dites « dures » sont l’équivalent de nos fauteuils de TGV… Alors les « molles »… Et les trains roulent jusqu’à 441 km/h, bientôt davantage…

 

 

Le B.A.Ba de la communication

Bonjour : Ni Hao

Au-revoir : Zai Jiàn

Merci : Xie Xie

Je n’en veux pas : Puyao

Pardon : Dubicci

Toilettes : Cicuo (ou se frotter les mains)

Sans sel : Puyao wei jing

 

Budget (compter 10 Yen = 1 euro)

Transports pour une personne :

Billet aller-retour Shanghaï : 775 euros / personne
Visa : 210 euros pour 2 personnes = 110 € / personne

Métro (achat de 2 cartes magnétiques sur lesquelles on ajoute une somme selon les déplacements) : 80 Yen

Taxi (compter 12 Y la petite course à Shanghaï) : 205 Yen

Train jusqu’à Suzhou : 82 AR (à deux reprises)

Bus Tongli : 8 Y

Pousse-pousse : 5 Y

Nourriture pour 2 personnes :

Déjeuner : 100 Yen + Thé : 80 Yen + Dîner : 45 Yen + Déjeuner : 2 Y + Pâtisseries : 10 Y + Eau : 10 Y + Déjeuner : 40 Y + Thé : 60 Y + Resto Rongli : 30 Y + Bar : 80 + dîner : 40 + déjeuner : 55 ou 60 Y.

Petites courses : 40 Y

Entrées sur les sites touristiques pour 2 personnes :

Jardin Yu : 80 Yen + Garden Temple Mystery : 20 Y + double pagode : 20 Y + jardin aux filets : 60 Y + jardin Suzhou : 140 Y + entrée Tongli : 200

Souvenirs

- Robes en soie taillées sur mesure : 200 Y les deux, au marché aux vêtements.

- Thé en vrac : rien à voir avec la France !!! Et tout ce qui l’accompagne : tasses, théières.

 

Bibliographie des documentaires
Chine. – Lonely Planet, 2010. – 8e édition. – 1048 p. : ill. en coul.
Pékin et Shangaï. – Hachette, 2002. – (Evasion). – 312 p. : ill. en coul.

 

Bibliographie des œuvres de fiction présentes dans Carnets de SeL

Amour dans une petite ville * de Anyi Wang (2007)

Baguettes chinoises **de XINRAN (2008)

Balzac et la petite tailleuse chinoise ** de Dai Sijie (2001)

Chroniques de l’étrange * de Pu Songling (1766)

Le complexe de Di * de Dai Sijie (2003)

Contes chinois racontés à Helen ** de Jacques Pimpaneau (2007)

English ** de WANG Gang (2008)

La joie * de MO YAN (2007)

La joueuse de go ** de Shan Sa (2001)

Le pousse-pousse ** de LAO She (1936)

Le rêve du village des Ding * de YAN Lianke (2005)

Tête-bêche *** de Ychang LIU (1972)

Une canne à pêche pour mon grand-père ** à *** de Gao Xingjian (1989)


 

Magasin général : Marie de Loisel & Tripp

15.06
2011

cop. Casterman

Secteur nord de la paroisse de Notre-Dame-des-Lacs, au Québec, dans les années 20. Félix Ducharme, gérant du Magasin général de ce village de deux cents âmes, vient de mourir. Sa veuve, Marie,  la quarantaine, reprend la boutique, ce qui n’est pas une mince affaire…

Le scénario est réduit à sa plus simple expression dans ce premier tome, et pourtant… difficile de se détacher de cet album tant on a pris plaisir à être immergé dans cet univers rural, peuplé de personnages pittoresques, crayonnés avec beaucoup de tendresse : on y découvre la figure d’un curé jeune, dynamique et bien sympathique, qui prodigue des conseils sur plan à un charpentier athée, les petites jalousies des villageois, la serviabilité du simple d’esprit, l’intransigeance de trois vieilles bigotes, et la généreuse et douce Marie.

Ce premier tome semble remplir la fonction d’une scène d’exposition : il pose les lieux, les gens qui vont jouer un rôle dans une histoire à venir, dont Marie sera vraisemblablement la protagoniste, et sa boutique un enjeu pour le village. S’inspirant d’expressions québécoises, Loisel et Tripp ont imaginé des dialogues collant parfaitement à ces personnages qu’ils ont déjà su rendre attachants, dans des planches aux couleurs chaudes où c’est juste la vie quotidienne de gens simples qui se déroule sous nos yeux, avec ses joies et ses peines, ses urgences et ses lenteurs.

Un vrai régal qui donne envie de lire la suite !

 

Vous pouvez aussi jeter un oeil au site officiel de Régis Loisel.

Six tomes sont parus dans la série : Marie (2006), Serge (2006), Les Hommes (2007), Confessions (2008), Montréal (2009), Ernest Latulippe (2010).

Magasin général . [1] , Marie sur un thème de Régis Loisel  ; scénario et dialogues, Régis Loisel & Jean-Louis Tripp  ; dessin, Régis Loisel & Jean-Louis Tripp  ; adaptation des dialogues en québecois, Jimmy Beaulieu  ; couleurs, François Lapierre. - Casterman , DL 2006.- 79 p.  : ill. en noir et en coul., couv. ill. en coul.  ; 32 cm. - EAN 978-2-203-37011-1 : 13,95 €.

Une canne à pêche pour mon grand-père ** à *** de Gao Xingjian (1989)

31.05
2011

Avant le succès de son roman La Montagne de l’âme, et son Prix Nobel de littérature en 2000, Gao Xingjian, romancier, dramaturge proche du théâtre de l’absurde, peintre et poète, n’a cessé de s’interroger sur le langage et l’écriture romanesque, et de publier des nouvelles et des romans dans lesquels il s’essaie à de nouveaux procédés littéraires.

Ce recueil en constitue un excellent exemple, en particulier avec sa dernière nouvelle, la plus récente, proche du Nouveau Roman.

« Une idée me traversa soudain l’esprit :

- Et si on allait y faire un tour ?

Fangfang était assise en face de moi, elle me regardait avec douceur. Elle hocha légèrement la tête. Elle parlait avec les yeux. Nos nerfs sympathiques vibraient à l’unisson. Sans un mot de plus, nous avons descendu subitement nos bagages des filets et nous avons couru vers la sortie du wagon. Une fois sur la quai, nous avons éclaté de rire (…) » (Le Temple, p. 11)

Sa première nouvelle, Le Temple **, parvient à appréhender ces instantanés de bonheur, ces pulsions de vie, qui peuplent simplement le quotidien. Ainsi deux jeunes mariés en voyage de noces sortent de leur train en arrêt pour y découvrir la ville. D’abord déçus, ils décident de poursuivre leur escapade en gagnant un temple en ruines en pleine campagne, celui de la Parfaite Bienveillance… Un pur moment de quiétude poétique.

Dans L’accident ***, l’événement est habilement retranscrit sous les regards et réactions des témoins de la scène. Un chauffeur de bus ne freine pas au passage d’un vieux cycliste tirant un petit garçon dans sa carriole, le renverse et le tue sur le coup dans un bain de sang.  Après l’effervescence des premières heures, le calme revient peu à peu… Cette scène de vie quotidienne dénonce la cruauté du progrès technologique et de l’avènement de la société moderne, notamment lors d’un accident de la circulation. Cette nouvelle n’est pas sans me rappeler la dangerosité de la circulation à Shanghaï, où les voitures et bus côtoient ou évitent sans cesse les deux roues qui survivent désormais sur une piste cyclable parallèle.

La crampe * met en scène un homme seul pris de l’envie de partir au loin nager en début de soirée. Quand il est saisi d’une crampe, il croit son heure arrivée et rejoint tant bien que mal la rive, sans que personne ne s’en soit aperçu.

Dans un parc *, un homme retrouve une femme dont il était amoureux enfant. Mais ces retrouvailles sont décevantes. La conversation reste superficielle en apparence, et tourne vers leur métier, leurs enfants, la jeune fille seule sur un banc à qui un garçon a dû poser un lapin,…

Dans Une canne à pêche pour mon grand-père ***, un homme achète une canne à pêche toute neuve pour son grand-père, se sentant toujours coupable de lui avoir casser la sienne, enfant, qu’il chérissait tant. Cet objet fétiche lui rappelle la maison de ses grands-parents, leur quartier, le pont, le lac de son enfance, tous ces lieux qui ont irrémédiablement disparu : le lac aux eaux pestilentielles a fini par être asséché, le pont détruit, d’autres maisons construites. La Chine moderne a effacé les traces de son enfance. Peu à peu les souvenirs se mêlent inextricablement à la réalité… Une nouvelle qui n’est pas sans rappeler, là encore, la triste destruction de leur patrimoine par les Chinois, peu soucieux de leur passé.

Instantanés, enfin, comme son nom l’indique, nous donne à lire des instants de vie capturés un peu au hasard des personnes et des lieux, sans ordre aucun. Alors que la nouvelle précédente conservait toute sa logique d’alternance entre le réel et le passé, celle-ci est déroutante, presque surréaliste ou Nouvelle Vague, telle la technique employée par Alain Resnais dans son film Je t’aime je t’aime.

Ces six nouvelles sans chute (même les témoins dans L’Accident si l’on peut dire), puisque les protagonistes poursuivent ensuite leur vie comme à l’ordinaire, décrivent des instantanés de la vie quotidienne, certains un doux moment de bonheur, d’autres le deuil d’un amour révolu, d’inconnus qu’on oublie, d’une ville, d’une société que l’on ne reconnaît plus… Admirable reflet de ce que j’ai pu vivre le mois dernier en Chine, ce recueil distille les regrets d’une société moderne prônant l’égoïsme issu du libéralisme, la destruction massive pour laisser place au neuf, et donc celle du passé pour faire le grand bond en avant vers le futur…

Vous pouvez aussi regarder une présentation vidéo de ce recueil ici.


XINGJIAN, Gao. – Une canne à pêche pour mon grand-père / trad. du chinois par Noël Dutrait. – Editions de l’aube, 2001. – 121 p.. – ISBN 2-87678-881-0.

Le pousse-pousse ** de LAO She (1936)

17.04
2011

 

Copyright Picquier

Pour réussir dans la vie, Siang-tse n’a qu’un but, celui d’économiser suffisamment pour pouvoir posséder un jour son propre pousse-pousse. Alors que ce jour tant attendu arrive, Siang-tse commet l’erreur d’accepter une course qui l’emmène en-dehors de l’enceinte de Pékin, alors en pleine guerre, et se retrouve sans rien. A son retour dans la ville, tout est pour lui à recommencer, un peu de santé, d’assurance et de fierté en moins. Hélas, ce n’est qu’un début, et il tombera de désillusion en désillusion…

« Dans son lit, il n’arrivait pas à fermer l’oeil. Les idées lui entraient et lui sortaient de la tête, comme des abeilles qui venaient une à une le piquer de leur dard.

En songeant aux paroles de Tigresse, il eut l’impression de tomber dans un piège et d’avoir bras et jambes pris dans un étau. Il ne parvenait pas à trouver la moindre faille à ses propos : ils formaient un véritable filet ; le plus petit poisson ne pouvait s’en échapper. Tous les événements se ressemblaient en un bloc compact qui l’écrasait de tout son poids. Il comprit enfin que le destin d’un tireur se résumait en un seul mot : déveine ! » (p. 87)

Difficile de s’identifier à Siang-tse, tant cet humble tireur de pousse-pousse semble bien un peu naïf, obstiné et asocial. Nonobstant, son honnêteté et sa persévérance le rendent sympathique, et le lecteur peut compatir à ses mauvais coups du sort et à sa détresse. C’est aussi le Pékin des années 20-30 que Lao She nous fait découvrir, celui de ces petites gens qui vivotent d’un bol de riz, ces colporteurs, prostituées et tireurs de pousse-pousse demeurant chez le loueur. Un petit monde où un dur labeur les laisse dans la misère, les vouant à une mort certaine au moindre problème de santé voire au suicide.

Le Pousse-Pousse, le plus célèbre roman de Lao She, constitue un véritable tournant aussi bien dans la carrière littéraire que dans la vie privée de Lao She, qui, par l’invasion japonaise, a été contraint de fuir et de s’orienter vers une littérature de résistance.

Le pousse-pousse /  Lao She  ; roman traduit du chinois par François Cheng et Anne Cheng. - Arles  : Philippe Picquier , DL 1995.- 220 p.  : couv. ill. en coul.  ; 17 cm .- (Picquier poche  ; 21). - Trad. de : « Luotuo xiangzi » . - ISBN 978-2-87730-211-1 : 7.50 €.

Bienvenue : tome 1 * de Marguerite Abouet et Singeon (2010)

30.03
2011
Etudiante aux cours des Beaux-Arts à Paris, Bienvenue partage une chambre de bonne avec sa cousine Lola, amoureuse d’un looser et qui rêve de devenir actrice. Pour payer son loyer et remplir le frigo toujours vide, elle fait quelques petits boulots – nounou, lectrice, serveuse chez les bourgeois – et passe le reste de son temps à venir en aide aux autres, en fuyant toute vie amoureuse…

Rendue célèbre par la série Aya de Yopougon, Marguerite Abouet nous relate ici, avec intelligence, humour et ironie, le quotidien désargentée d’une étudiante mal fagotée, se préoccupant davantage des autres que de soi-même. Cette bande dessinée, au dessin simple sur lequel on ne s’attarde pas, se lit sans déplaisir.

Bienvenue : tome 1 / Marguerite Abouet, Singeon. - Gallimard , 2010-  ; 25 cm .- (Bayou).

L’employé ** de Jacques Sternberg (1958)

25.12
2010

Jacques Sternberg s’apprête à ouvrir une porte. Il est 10h05. C’est un 12 avril. Durant une minute il va s’évader complètement de la réalité pour nous en faire découvrir une autre, celle de son imagination débridée :

D’abord fils d’une mère nymphomane et de plusieurs pères, rescapé d’une fratrie sanguinaire, suicidaire ou assassiné, il renaît pieuvre puis est avalé par un cerisier qui devient peuplier et donne des oranges. Quand enfin un obus foudroie l’arbre, il est retrouvé grandi, mûr pour rencontrer toute une succession de femmes aux prénoms étranges, et aux traits plus particuliers encore. Et puis, il devient employé. Un emploi qui exige sérieux et ponctualité. Interchangeable aussi. Car lui-même ne sait plus dans quelle entreprise il est censé travailler. Cela n’a d’ailleurs pas d’importance. Elles se ressemblent toutes, il les a toutes plus ou moins connues. De même, il ne sait plus qui il est. Et puis, tous les jours se ressemblent aussi. Comme les années. Le temps passe pour les autres, qui s’affairent, pas pour lui…

« Quelle heure peut-il bien être pour les autres ? Pas loin de midi probablement, car l’accélération du rythme indique qu’une trêve est proche. Déjà certains employés décrochent des situations. Des années auraient donc passé ? Les faits me donnent raison : un tel que j’ai vu entrer ce matin comme manutentionnaire me donne à présent des ordres sous l’aspect d’un chef de rédaction. Il porte d’ailleurs la barbe, maintenant. Et une alliance. On me parle d’affaires dont je n’ai jamais entendu parler, on jongle avec des succursales qui me sont inconnues. »(p. 135)

En couverture, le dessin de Siné illustre parfaitement l’image que le lecteur peut se faire de ce narrateur iconoclaste, qui nous plonge dans un monde cauchemardesque où s’enchaînent l’une après l’autre des situations tout aussi absurdes.

L’absurde est effectivement le maître mot pour qualifier ce roman de Jacques Sternberg, peut-être bien son meilleur d’ailleurs. Comment peut-on être capable d’écrire un roman pareil ? On ne peut s’empêcher de penser en le lisant aux pièces d’Eugène Ionesco auquel il fait d’ailleurs un clin d’oeil en évoquant page 38 une « cantatrice chauve » au quatrième.

L’absurde, c’est le travail, c’est le terrifiant « métro-boulot-dodo », c’est la fuite du temps, c’est la mort qui arrive au bout de toutes ces minutes, toutes ces heures, tous ces jours passés au travail… C’est ce qu’écrit, répète et martèle Jacques Sternberg dans toute son oeuvre. Il publie ainsi chez différents éditeurs de nombreux romans fustigeant ou fuyant la médiocrité d’une petite vie de bureaucrate. Description au vitriol d’un monde du travail absurde et délirant, aux inspirations nettement autobiographiques, L’Employé, publié aux Editions de Minuit en 1958, obtient, conjointement à son ami de toujours, Roland Topor, qui illustre ses textes, le prix de l’humour noir, et sera vendu à environ 8000 exemplaires. Il ne sera édité en poche qu’en 1989 aux éditions Labor, mais lui permettra, avec Un jour ouvrable, d’attirer l’attention d’un réalisateur français, et non des moindres, puisqu’Alain Resnais fait appel à lui pour écrire le scénario de son film Je t’aime, je t’aime, qui devait passer complètement inaperçu en sortant en plein mois de mai 1968.

En savoir plus :

- La chronique de Philippe Curval, Fiction, décembre 1958, n°61

- Celle de Nicolas Ancion ci-dessous (mais si, on peut le relire !!!!)

L’employé  / Jacques Sternberg. – Paris : les Éditions de Minuit, 1958. – 219 p. : couv. ill. ; 19 cm. – ISBN 2-7073-0020-9.

Fables amères de Chabouté (2010)

24.11
2010

De tout petits riens : une grasse matinée le dimanche, le passage en caisse d’un supermarché, un chat entre deux pseudonymes souffrant d’une même solitude, un immigré qui balaie un trottoir parisien, un couple qui hésite sur la couleur à poser sur les murs de leur appartement alors qu’en bas de leur immeuble dort un sans-abri, un pianiste payé pour mettre un fond sonore derrière les conversations des clients d’un restaurant…

Onze histoires indépendants. Onze anecdotes de la vie quotidienne, où, dans le non-dit de ces quelques pages, se glisse chaque fois l’amertume, née de l’indifférence ou de l’incompréhension de ces personnes qui se côtoient pourtant. Certaines frappent plus l’esprit que d’autres, celles de la caissière en deuil, des deux voisins n’étant capables d’un vrai dialogue que sur Internet, de la vieille dame regardant passer le jeune corps qu’elle n’a plus, ou de la fillette Nahema, reconduite à la frontière par charter.  Peu de dialogues sur ces belles planches en noir et blanc où tout est dit. Il suffit de les regarder…. puis, après avoir refermé cette bande dessinée, d’ouvrir les yeux autour de soi.

 

Fables amères : de tout petits riens / Chabouté. – Grenoble : Vents d’Ouest, 2010. -102 p. : ill., couv. ill. ; 25 cm. - ISBN 978-2-7493-0509-7 (rel.) : 12 €.

Cadeau de Claire & Jonas.