Mots-clefs ‘psychanalyse’

La conscience de Zeno d’Italo Svevo

02.09
2012

cop. Folio

Titre original : La coscienza di Zeno (1923)

C’est pour suivre les conseils de son médecin que Zeno Cosini décide de coucher sur le papier toute sa vie de rentier de fin du 19e siècle. Il commence par une analyse historique de son goût pour le tabac, dont il espère toujours guérir, puis par la gifle de son père mourant, avant de relater son mariage par dépit avec l’une des quatre filles d’un négociant, qui s’achève sur sa bonne réputation de père de famille.

« Pour diminuer son apparence grossière, j’essayai de donner un contenu philosophique à la maladie de la dernière cigarette. On prend une fière attitude et l’on dit : « Jamais plus ! » Mais que devient cette fière attitude si on tient la promesse ? Pour la garder, il faut avoir à renouveler le serment. Et d’ailleurs, le temps, pour moi, n’est pas cette chose impensable qui ne s’arrête jamais. Pour moi, pour moi seul, le temps revient. » (p. 27-28).

Troisième roman d’Italo Svevo, dont la publication en France fut soutenue par James Joyce, ce récit est l’histoire d’une vie somme toute ordinaire, d’un rentier oisif qui semble passif, laissant le cours des événements décider de son destin. Ainsi ses affaires sont gérées par un employé que son père croyait plus capable ; il épouse Augusta par dépit après avoir essuyé le refus de sa soeur, dont il était amoureux ; il la trompe avec une pauvre jeune fille qui voit en lui son sauveur… Embarrassé par ses réflexions et ses hésitations, Zeno ne prend pas réellement d’initiatives dans sa vie, si ce n’est pour prendre constamment des résolutions qui éclatent sous la pression de l’excuse de « la dernière fois ». Il accorde peu de crédit à la psychanalyse qu’il suit, son médecin se bornant à expliquer son comportement par le complexe d’Oedipe. Bref, ce roman psychologique décrit les soubresauts d’un homme avec sa conscience, et qui se met bien souvent dans le pétrin tout seul, sous nos yeux ahuris. Un voyage introspectif non dénué d’humour, dont le meilleur passage reste celui du tout début sur le tabagisme.

 

Offert par Giulia.

 

Edvard Munch : l’oeil moderne : l’exposition

18.11
2011

Rien de tel que de télécharger l’excellent dossier pédagogique pour préparer sa visite à une exposition, en le lisant dans le train à l’aller, puis de feuilleter au retour le catalogue d’exposition, pour y retrouver les oeuvres qu’on y a admirées.

Les deux se complètent à merveille. Car si le premier permet de préparer et d’éduquer notre oeil, le second joue plus ou moins le rôle d’album souvenir, s’attardant sur l’explication de certaines toiles ou photographies de Munch. Hélas la reproduction de tableaux dans un livre reste toujours aussi décevante : il y manque le rendu des couleurs, le format et la texture des tableaux, d’où l’intérêt d’aller à la rencontre de l’oeuvre originale, et à l’exposition Edvard Munch, l’oeil moderne, présentée à Beaubourg jusqu’au 9 janvier. Vous y découvrirez non pas Le Cri, l’oeuvre emblématique datant des débuts de Munch (1893), mais « comment sa production des années 1900 à 1940 s’est nourrie du développement de la photographie et du cinématographe, de ses expériences dans le domaine théâtral, ainsi que des interrogations de son temps concernant » « la reproductibilité de l’oeuvre d’art » et « les possibles interprétations des pratiques artistiques et littéraires ».

Arrêts parmi les 140 oeuvres sur les suivantes :

Vampire (1893), Puberté (1894-1895), Le Baiser (1897), La Vigne vierge rouge (1898-1900), Jalousie (1907), Femme en pleurs (1907, grand format), Le Soleil (1910-1913), Enfants dans la rue (1910-1915), Travailleurs rentrant chez eux (1913-1914), Autoportrait à Bergen (1916), L’Artiste et son modèle (1919-1921), Nuit étoilée (1922-1924), L’Enfant malade (1925), La Bagarre (1932).

 

Edvard Munch :  l’oeil moderne  :  l’exposition  :  [réalisé à l'occasion de l'exposition présentée au Centre Pompidou, Paris, Galerie 2, du 22 septembre 2011 au 9 janvier 2012, à la Schirn Kunsthalle, Francfort, du 9 février au 13 mai 2012 et à la Tate Modern, Londres, du 28 juin au 12 octobre 2012  [conception et rédaction, Marion Diez, Caroline Edde  ; traduction, Caroline Taylor-Bouché]. 

Paris  : Cente Pompidou , 2011
59 p.  : ill. en noir et en coul., couv. ill. en coul.  ; 27 x 27 cm
Textes en français et en anglais 

ISBN 978-2-84426-538-8 (rel.) : 8,50 €.

Le complexe de Di * de Dai Sijie (2003)

24.09
2005

Prix Femina 2003

Après Balzac et la petite tailleuse chinoise, Freud et le petit psychiatre vierge ? C’est en quelques mots le résumé de cette seconde histoire pleine d’humour et de poésie. En effet, maniant habilement références littéraires et freudiennes, Dai Sijie nous fait suivre cette fois les tribulations d’un chinois encore plein de rêves qui se dit leur interprète. De retour de France où il a étudié la psychanalyse, Muo rentre en Chine avec la ferme intention de délivrer Volcan de la Vieille Lune, dont il est amoureux depuis le lycée, et pour laquelle il réserve sa pureté. C’est l’impitoyable et immoral juge Di qu’il s’agit de soudoyer pour cela. Or, cette fois, ce dernier ne désire pas de dessous de table mais une vierge. Pour la trouver, Mao va enfourcher son vélo pour partir en campagne, sa bannière de déchiffreur de rêves flottant au-dessus de lui…

SIJIE, Dai. – Le complexe de Di. – Paris : Gallimard, 2003. – 349 p. ; 21 cm.. – ISBN : 2-07-076758-2 : 20 €.

Acheté en librairie
Sorti en livre de poche.

Introduction aux méthodes critiques pour l’analyse littéraire **

20.09
2005

Voici un ouvrage que j’ai certainement dû lire au cours de mes études de lettres. Exceptionnellement, ce ne sont ni son résumé, ni sa critique que vous trouverez ci-dessous, mais quelques notes personnelles tirées de l’ouvrage. Commençons par :

LA CRITIQUE GENETIQUE, par Pierre-Marc de Biasi

Elle distingue 4 phases :
- la phase pré-rédactionnelle
(idées – recherches – brouillons – plan scénario de 3 pages)

- la phase rédactionnelle (dossiers documentaires préparatoires, brouillons, carnets de travail ou d’enquête)

- la phase pré-éditoriale (relecture)

- la phase éditoriale

Selon Henri Mitterrant dans La Naissance du texte, il existe deux sortes de génétiques littéraires :
- la génétique scénarique ou avant-textuelle qui étudie tous les documents autographes ayant joué un rôle dans la conception et la préparation de l’oeuvre,
- la génétique manuscriptique, ou scripturale, ou textuelle, qui étudie les variations du manuscrit de rédaction.

La critique génétique m’attirait plus qu’aucune autre, en ceci qu’elle mettait en exergue l’acte créateur, fait de recherches, de lectures, d’expériences, de tâtonnements et de sélections.
A part si l’on est thésard ou chercheur, lire Brouillons d’écrivains (ouvrage publié suite à la remarquable exposition de la BNF) ou tout autre oeuvre critique, il me paraissait cependant difficile d’accéder à ces informations avant l’arrivée d’Internet.
Plus encore depuis l’avènement de l’informatique qui annihile quasiment l’état de brouillons, ne gardant aucune trace des hésitations et choix de l’auteur.
En revanche,  la rencontre avec un auteur constitue le moment ou jamais de lui poser ces questions :
- Avant de l’accepter, votre éditeur vous a-t-il demandé de retoucher à votre manuscrit, d’en changer le titre ?
- Avant d’être accepté par l’éditeur, votre roman a dû passer par bien des étapes, depuis l’idée première jusqu’à l’exécution finale. Pouvez-vous nous dévoiler quelques-uns de vos secrets ?
- Quelles démarches avez-vous entreprises pour faire publier votre premier roman ? Dans quel état d’esprit ?
- Ecrivez-vous à la main ou préférez-vous l’écran de votre ordinateur ?
etc…

Appartiennent à cette « famille » de critique : Jean Bellemin-Noël, Gustave Rudler, R. Debray-Genette, H. Mitterrand.

LA CRITIQUE PSYCHANALITIQUE, par Marcelle Marini

L’OEUVRE LITTERAIRE COMME OBJET D’ETUDE DE LA PSYCHANALYSE

FREUD : OEDIPE ROI et HAMMLET
La psychanalyse s’inspire de la littérature et trouve en les pièces de Sophocle et Oedipe – roi et Hamlet de Shakespeare le motif des désirs amoureux et hostiles à l’égard des parents.

Oedipe – roi :
- invariant universel
- Oedipe = figure symbolique du désir infantile que nous avons oublié et qui perdure en nous,
- Oedipe à la fois enquêteur et enquêté, présuppose le double travail de la méconnaissance et de la reconnaissance jusqu’à la vérité foudroyante.

« Freud s’identifie aussi à Sophocle capable d’orchestrer en tragédie, comme lui en théorie, cette aventure de l’homme qui s’interroge sur son être, ses origines et son histoire. »


Hamlet :
L’auteur relit l’interprétation que fait Freud de Hamlet, en proie à un complexe d’Oedipe refoulé, hésitant à venger son père en tuant l’homme qui l’a remplacé auprès de sa mère et conclut :« Ce texte semble offrir tout ce que l’on reproche aujourd’hui à la « psychanalyse appliquée » : étude psychologique des personnages, jugement clinique, interprétation sans lecture précise de l’oeuvre, assimilation de l’auteur au personnage. Et pourtant, les lectures les plus subtiles n’ont pas remis en cause la justesse de cette analyse. » (p. 56)

LACAN ET LA LETTRE VOLEE DE POE
Pour lui, avec la subtilisation puis la réappropriation de la lettre, « l’inconscient fonctionne (comme une machine), selon l’alternance répétitive de la présence et de l’absence du phallus (la lettre). » (p. 60)

Autres exemples d’oeuvres, objets d’études en psychanalyse :
Délices et rêves dans la Gravida de Jensen
Le Ravissement de Lol V. Stein de Marguerite Duras

L’auteur finit par poser cette question : « Qui n’a pas tendance à identifier un personnage fictif à une « personne réelle » ? Ou à conclure directement d’une oeuvre à la psychologie de l’écrivain ? »
Suit une présentation des nouvelles orientations proposées par Jean Bellemin-Noël dans L’Inconscient du texte et Julia Kristeva.

Appartiennent à cette « famille » de critique :
- en psychanalyse : Freud, Lacan, Laforgue
- en littérature Jean Bellemin-Noël, Charles Mauron, Julia Kristeva, et à un degré moindre Jean Starobinsky

LA CRITIQUE THEMATIQUE, par Daniel Bergez

= Considérer l’oeuvre comme un tout et y découvrir des constantes.
Jean-Pierre Richard et Georges Poulet tentent de redéfinir un  »être au monde », fondé sur des expériences qui se déploient en figures dans l’oeuvre littéraire.
Jean-Pierre Richard entend situer son « effort de compréhension et de sympathie en une sorte de moment premier de la création littéraire : moment où l’oeuvre naît du silence qui la précède et qui la porte, où elle s’institue à partir d’une expérience humaine. » (Poésie et profondeur)

Georges Poulet : « cogito » des auteurs est d’ordre intellectuel.
Jean-Pierre Richard : appréhension sensuelle et sensible du monde
Appartiennent à cette « famille » de critique : Gaston Bachelard, Georges Poulet,
Jean-Pierre Richard, Albert Béguin, Marcel Raymond, Jean Rousset, Jean Starobinsky

LA SOCIOCRITIQUE, par Pierre Barbéris

La littérature « ne visait plus seulement le vrai et le beau moral plus ou moins transhistorique, mais un vrai et un beau militant, fut-ce sans le savoir. La littérature, diasit Madame de Staël, n’était pas un art mais une arme : pour agir et pour comprendre. »

Dans sa forme comme dans son contenu, la création littéraire ne peut échapper à son contexte historique, si ce n’est en se projetant vers l’avenir, en jetant des formes nouvelles.

Appartiennent à cette « famille » de critique : Germaine de Staël, Chateaubriand, Bonald, Pierre Barbéris, Lucien Goldman, René Girard, Georges Lukacs, Marthe Robert, Jacques Leenhard, Geneviève Mouillaud.

LA CRITIQUE TEXTUELLE, par Gisèle Valency

L’auteur sélectionne des mots, des sons, des phonèmes, au sein des multiples combinaisons possibles de mots dans une phrase.
A une échelle plus large, il structure son oeuvre en fonction de certains schémas, telleLa morphologie du conte de Vladimir Propp.

Appartiennent à cette « famille » de critique : Roland Barthes, Benveniste, Saussure, Genette, Todorov, Jakobson, Maingueneau, Henri Meschonnic (que mon prof de prépa, fervent admirateur, avait invité à intervenir à l’un de nos cours).

Voilà ! Il ne me reste plus qu’à avoir en tête  ces différentes visions du texte pour chacune de mes critiques.