Mots-clefs ‘police’

Désobéir à Big Brother

21.06
2013
cop. Le passager clandestin

cop. Le passager clandestin

Big Brother… dans Big Brother, chaque citoyen se savait surveillé, par l’écran des téléviseurs, par les patrouilles. A notre époque, la plupart des internautes n’ont pas conscience qu’ils sont au pire surveillés, au mieux traçables, identifiables et identifiés comme étant faisant partie de telle catégorie de consommateurs, ayant telle situation familiale, et appartenant à telle famille politique et religieuse. Et cela, sans même forcément le déclarer ouvertement sur Facebook ou dans les x outils mis en place par Google.

Quelques jours avant qu’Edward Snowden ne révèle l’envergure du programme de surveillance américain, qui considère que tout citoyen, encore plus quand il n’est pas sur le sol américain, est susceptible de devenir une menace et doit donc être surveillé, j’avais lu ce tout petit essai de la collection Désobéir dirigée par Xavier Renou aux éditions du Passager clandestin. Ce petit guide pointe du doigt la mise en place de fichiers et de caméras pour surveiller tout citoyen, dès le plus jeune âge, et tout cela en prétextant une menace terroriste : pour un ou quelques individus prêt(s) à commettre un acte terroriste tous les – disons – dix ans, c’est la planète entière qui se plie à une surveillance radicale de ses pensées et agissements (eh oui, on retrouve la police de la pensée chère à Orwell). Mais les solutions paraissent peu accessibles au commun des citoyens, si ce n’est se suicider tout bonnement des réseaux sociaux et des outils Google, ou diffuser le moins d’informations possibles, en conservant son anonymat. Et encore, votre adresse IP ne manquera pas de vous trahir. Au final, si vous n’êtes pas un geek ou un acharné des poursuites judiciaires, votre compte est bon… car si actuellement nous sommes en démocratie, qui peut nous promettre qu’il en sera de même dans vingt ans, et qu’on n’utilisera pas ces fichiers bien pratiques à d’autres fins ?

Les Désobéissants. – Désobéir à Big Brother. – Le passager clandestin, 2011. – 62 p.. – (Désobéir). – EAN13 9782916952536 : 5 €.

Carton blême de P. Siniac/B. Beuzelin/J.-H. Oppel

12.06
2013

 

cop. Casterman

cop. Casterman

Le mercredi bande dessinée

Sortie aujourd’hui de l’adaptation d’un roman de Pierre Siniac, maître du polar français

« Bienvenue à Merde-la-ville. Demain. Ou peut-être déjà aujourd’hui.«  Véritable sésame pour survivre dans une cité hyperviolente, que les faibles effectifs de la police ne suffisent pas à endiguer, le carton bleu est uniquement délivré chaque mois aux citoyens âgés de plus de seize ans contrôlés en bonne santé. Pour les autres, les possesseurs du carton blême, c’est la mort qui les guette à chaque coin de rue, avec interdiction légale pour tout policier de venir les secourir. Une assistance sélective envers ceux dotés du meilleur capital santé : de quoi résoudre le problème du déficit de la sécu. Nouvellement promu à la tête de la brigade criminelle, Paul Heclans poursuit un serial killer, »le dingue au marteau ». Au cours de son enquête, il découvre par hasard une affaire politique en la personne d’un médecin qui délivre de faux cartons aux plus riches…

J'ai beaucoup aimé

J’ai beaucoup aimé

D’une noirceur et d’une violence inouïe, cette histoire datant de 1985, qui n’est qu’un prétexte pour nous proposer cette vision futuriste, fait cependant froid dans le dos car son concept-même ne semble pas si éloigné d’un avenir probable cauchemardesque. Pour ce faire, Boris Beuzelin utilise une palette de tons ocres et bleutés sur des planches de trois à six cases, signant plus de portraits en action subissant la violence de plein fouet que de vues d’ensemble.

SINIAC, Pierre, BEUZELIN, Boris, OPPEL, Jean-Hugues. – Carton blême. – Casterman, 2013. – 92 p. : ill. en coul. ; 19*26 cm. – (Rivages ; noir). – EAN13 978-2-203-02581-3 : 18 €.

 

Octobre noir de Daeninckx et Mako

18.04
2012

Vincent chante dans un groupe de rock, Les Gold Star. De retour chez lui, en banlieue parisienne, Vincent redevient Mohand, le fils d’une famille immigrée algérienne qui subit en France les nombreuses stigmatisations dues à la guerre d’Algérie. Mais il semble vouloir garder ses distances avec toute cette agitation politique, et même lorsque se déroule sous ses yeux le meurtre d’un innocent par la police, il n’en parle à personne. Aussi, en ce soir du 17 octobre 1961, lorsque son père l’oblige à participer avec lui à la manifestation pacifique, appelée par le FLN, pour protester contre le couvre-feu discriminatoire instauré par le Préfet de police Maurice Papon, il préfère s’esquiver au milieu de la foule dans le métro pour rejoindre son groupe qui participe ce soir-là à un tremplin rock donnant accès au gagnant à la scène réputée de l’Olympia. En sortant du Golfe Drouot il découvre un Paris baignant dans le sang…

 

Vingt-sept ans après la publication de son roman Meurtres pour mémoire, Didier Daeninckx évoque de nouveau ce grand massacre, longtemps occulté, de centaines de manifestants pacifistes dans la Seine et dans les rues de Paris, cette sorte de Saint-Barthélémy des immigrés algériens, qui s’éleva à deux morts et soixante-quatre blessés selon la police à l’époque, et que les historiens ont estimé depuis à deux cents morts, plus de deux mille blessés et onze mille arrestations. Mais cette fois, il choisit aux côtés de son vieux complice Mako le support de la bande dessinée, qui l’oblige à se faire plus concis et plus suggestif, mais qui présente l’avantage d’être plus largement lu par un public jeune. Tout comme dans son roman où il avait suivi le destin de quelques manifestants, et intitulé ses premiers chapitres de leurs noms, pour les sauver de l’oubli, Didier Daeninckx a donc fait un choix, celui de rendre hommage à travers cette nouvelle histoire à Fatima Bédar, une jeune algérienne de quinze ans, sous les traits de Khelloudja, la soeur de Vincent-Mohand.

Le trait légèrement grossier et les couleurs sombres de Mako et la simplicité du découpage des cases servent bien le scénario dénonçant les heures sombres de la France, préfacé par Benjamin Stora, historien grand spécialiste de la guerre d’Algérie. Car si Didier Daeninckx a contribué en 1984 à lever le voile sur les exactions de Maurice Papon, alors préfet de police, bien avant son procès en 1998 pour son rôle sous l’Occupation, ce massacre est longtemps resté occulté, la honte de ce qui s’est joué cette nuit-là, les policiers français devenant alors des assassins, le condamnant au silence.

Voilà pourquoi c’est une bande dessinée qui mérite sa place dans les bibliothèques et  dans les centres de documentation et d’information de lycées : pour que l’on n’oublie pas, mais aussi pour que les nouvelles générations découvrent jusqu’où un gouvernement pouvait aller, lorsqu’il stigmatisait une partie des citoyens français, six ans seulement après la fin de l’organisation de la déportation des Juifs sur son territoire.

 

Adlibris, 64 p., 13,50 euros

Itinéraire d’un salaud ordinaire ** de Didier Daeninckx (2006)

25.08
2010

Après des études de droit, Clément Duprest entre dans la police en 1942. En bon fonctionnaire sous le régime de Vichy, il va commencer par partir à la chasse aux juifs et aux communistes…


« Rondier m’a convoqué dans son bureau, un petit peu avant que tu n’arrives. Des informations lui sont remontées comme quoi des juifs tenteraient de se soustraire au port de l’étoile. Des groupes organisés. D’après lui, ça devrait concerner de manière limitée le quartier du Marais, la porte de Clignancourt. Le gros de l’opération se concentrerait à Belleville… On dispose de quelques indics dans leur communauté. Notre boulot, aujourd’hui, c’est de se coller cette étoile sur la poitrine puis d’aller nous baguenauder dans leur ghetto pour ramasser ce qui s’y dit… On doit se fondre dans le local… Ils sont tailleurs de père en fils depuis des siècles, et si cet insigne est cousu de travers, on risque de se faire repérer dès qu’on y mettra les pieds. » (p. 58)


Didier Daeninckx nous entraîne dans l’Histoire, du régime de Vichy à la présidentielle de 1981, revisitée à travers les ordres appliqués consciencieusement par un fonctionnaire zélé, qui se dit apolitique mais qui hait les juifs, la gauche et les communistes… Il nous donne à vivre la carrière d’un inspecteur puis commissaire des Renseignements Généraux, et donc les coulisses d’un pouvoir politique qui use de la propagande, de la campagne de désinformation, de diffamation médiatique, de chantages et de crimes pour mettre hors d’état de nuire tous ceux qui pourraient le déstabiliser.


Il est assez terrible de poursuivre la lecture d’un roman où l’on ne peut que se tenir à distance du héros, sans aucune identification possible, tant son comportement, impassible est dénué d’amour, de pitié et de compassion. Une expérience de lecture saisissante, permettant de voir, peut-être de comprendre, un pan de l’histoire perçu par des gens de sensibilité de droite dure, voire d’extrême-droite.


DAENINCKX, Didier. – Itinéraire d’un salaud ordinaire. – Gallimard, 2010. – 388 p.. – (Folio ; 4603). – ISBN 978-2-07-034709-4.
Acheté fin juin 2010 à la librairie « Les Temps modernes » d’Orléans.

Voir le commentaire sur l’ancien blog

Meurtres pour mémoire de Didier Daeninckx (1984)

23.07
2010


Sortant tout excité par sa découverte faite dans les archives de la Préfecture de Toulouse, Bernard Thiraud se fait assassiner. Parisien, il avait fait cette halte avec sa compagne pour ses recherches, avant de partir ensemble en vacances au Maroc. Un témoin oculaire affirme à l’inspecteur Cadin chargé de l’enquête, avoir vu le suivre une rutilante Renault 30TX, immatriculée 75. Sans piste à suivre pour élucider ce meurtre sans mobile apparent, l’inspecteur se décide à enquêter sur le meurtre tout aussi inexpliqué du père de la victime, Roger Thiraud, professeur d’histoire apparemment sans histoire, assassiné d’une balle  à bout portant dans la tête lors de la manifestation algérienne du mardi soir 17 octobre 1961.

Avec ce polar qui le fit connaître, Didier Daeninckx établit un parallèle habile entre deux traumatismes, tous deux liés à l’obéissance aveugle de fonctionnaires, doublée d’un racisme latent, entretenu par une propagande médiatique de l’Etat.

On peut reprocher quelques faiblesses à ce premier roman, comme le cliché de la relation amoureuse entre le flic et l’endeuillée, ou être déçu par la prépondérance des dialogues propre au roman noir, et surtout par une écriture simple et donc peu identifiable.

Nonobstant, le message passe clairement, et c’est là peut-être le plus important pour cet écrivain engagé. Didier Daeninckx dénonce ainsi l’omniprésence du racisme dans la police, à la préfecture, dans le bavardage des chauffeurs de taxi, voire des simples passants, rendus complices du massacre des manifestants en les dénonçant dans les cafés, dans les cinémas. Il évoque aussi la sur- médiatisation des incidents commis en banlieue pour stigmatiser des tranches entières de population, souvent immigrées, au travers du personnage de la jeune historienne, la seule femme d’ailleurs à être présentée de manière positive, contrairement aux autres qui ne trouvent un sens à leur existence qu’au travers des hommes, recluses à la mort de leur mari, reconnues pour leur seule qualité de cordon bleu ou corvéables à merci.

 

Il met surtout l’accent sur la disproportion des forces en présence, dans un sens comme dans l’autre, d’abord entre les manifestants désarmés et les CRS, puis entre les Juifs en transit à Drancy, surveillés par quatre soldats allemands seulement, secondés par des Français, et enfin entre les milliers d’enfants Juifs de moins de deux ans déportés et les fonctionnaires signant leur arrêt de mort. Le point fort de ce roman, c’est d’avoir été l’un des premiers à décrire les exactions de la police française en 1961, qui s’étaient produites avec le soutien du gouvernement, en les rapprochant de celles commises durant la collaboration, sous couvert de l’occupation allemande.

Une lecture édifiante, pour inciter à la vigilance.

 

Grand prix de littérature policière 1985.

 

DAENINCKX, Didier. – Meurtres pour mémoire : une enquête de l’inspecteur Cadin. – Gallimard, 2009. – 215 p.. – (Folio policier ; 15). – ISBN 978-2-07-040649-4.
emprunté

Bologne ville à vendre de Loriano Macchiavelli

11.11
2006

cop. Métailié

Titre original : Cos’é accaduto alla signora Perbene ? (1979)

Bastion du parti communiste italien, la ville de Bologne, dans les années 70-80, est agitée par des manifestations de l’ultra gauche. Au cours de l’une d’elle, une balle perdue semble avoir tué Vincenzo Clodetti, un honnête homme, à deux pas de cette agitation. Bien évidemment, les soupçons se portent immédiatement sur les manifestants, mais le sergent Sarti Antonio n’en est pas si sûr : son indic lui apprend l’existence d’un film amateur de la manifestation et se fait tabasser quelques minutes après… 

Un sergent, à la journée rythmée par les bons petits cafés, qui côtoie ses indics et une jeune prostituée au point d’en risquer son emploi, voilà un roman policier qui bouscule les frontières manichéennes établies et prouve que tout le monde peut être coupable, et ce pour diverses raisons. L’auteur du même coup dénonce l’obéissance aveugle des forces de l’ordre au pouvoir et la mainmise des politiques sur le lobby de l’immobilier. Un roman policier plaisant et déroutant, tant par l’intrusion de ce « je » extradiégétique et par son dénouement que par cette vague d’intelligence et de chaleur humaine ressentie chez tous ces laissés pour compte, quantité négligeable pour la société. Cela m’a bien plu !

MACCHIAVELLI, Loriano. - Bologne ville à vendre / trad. de l’italien par Laurant Lombard. – Métailié, 2006. – 207 p.. – (Bibliothèque italienne). – ISBN : 2-86424-591-4 : 21 €.