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Seul dans le noir de Paul Auster

24.02
2009
 

cop. Actes sud

Titre original : Man in the Dark (New York, 2008)

 

Second volet, semble-t-il d’un diptyque sur l’écrivain finissant, vieillissant, avec Dans le scriptorium **** dont j’avais tant dit de bien, ce nouveau roman de Paul Auster a forcément encore beaucoup fait parler de lui. Mais que dire de ses qualités ? L’idée initiale est extrêmement séduisante : Owen Brick, la trentaine, se réveille dans un trou, aux parois lisses et insurmontables, dans une Amérique parallèle, où les deux tours ne se sont pas effondrées et où la guerre en Irak n’a pas eu lieu, mais où une guerre civile fait rage, avec dans le camp adverse les Etats chapeautés par Georges W. Bush. Sa mission ? Tuer, à son retour à la vie « normale », August Brill, un vieil homme critique littéraire qui a imaginé toute cette histoire d’une guerre sans fin. On suit donc en parallèle les mésaventures fantastiques d’Owen, heureux avant que le ciel (l’écrivain) ne lui tombe sur la tête, et la vie de trois âmes endeuillées : ce veuf se rappelant sa chère Sonia, vivant avec sa fille Miriam, que son mari a quittée, et sa petite-fille, Katya, anéantie depuis la mort de son fiancé Titus en Irak.

Le plus jouissif, dans les romans de Paul Auster, c’est l’univers qu’il sait créer, ce suspens causé par les arcanes de l’écriture, par un autre personnage, double de l’écrivain lui-même, qui crée des vies, des personnages, un destin, pour d’un coup les laisser tomber sans crier gare. Mais on finit par se lasser de ce ressort romanesque, fréquemment utilisé. Et que reste-t-il alors ? Une écriture sobre et simple, mais pas du tout exceptionnelle, une mise en abime d’une histoire dans l’intrigue qui après nous avoir bien mis en haleine, finit en queue de poisson, nous laissant sur notre faim, un peu comme dans La nuit de l’oracle*** où le héros de l’écrivain se retrouvait enfermé, sans échappatoire. Ici, la solution offerte au personnage secondaire, quelle qu’elle soit, c’est la mort. Tout comme le peuple américain d’ailleurs, prisonnier de cette guerre meurtrière. Alors l’écrivain est-il un monstre ? Est-ce là le sentiment que nous livre Paul Auster ? Et à broder une histoire autour de cet autre monstre aux commandes du pays qui a engendré d’autres horreurs ? Evacuant son dégoût de la politique de Bush et l’horreur que lui inspirent ces films diffusés sur le net mettant en scène l’exécution de ses compatriotes. Le nouveau Paul Auster ? Plus engagé, certes, que tout autre. Plus allégorique aussi, fiction et réalité nous rappelant la nôtre. Mais pas au summum de son talent, il faut bien l’avouer. Le meilleur serait-il advenu ?

AUSTER, Paul. – Seul dans le noir / trad. de l’américain par Christine Le Boeuf. – Actes Sud, 2009. – 181 p.. - ISBN 978-2-7609-2887-9 : 19,50 €.

Seul dans le noir de Paul Auster

24.02
2009
Titre original : Man in the Dark (New York, 2008)


Second volet, semble-t-il d’un diptyque sur l’écrivain finissant, vieillissant, avec Dans le scriptorium **** dont j’avais tant dit de bien, ce nouveau roman de Paul Auster a forcément encore beaucoup fait parler de lui. Mais que dire de ses qualités ? L’idée initiale est extrêmement séduisante : Owen Brick, la trentaine, se réveille dans un trou, aux parois lisses et insurmontables, dans une Amérique parallèle, où les deux tours ne se sont pas effondrées et où la guerre en Irak n’a pas eu lieu, mais où une guerre civile fait rage, avec dans le camp adverse les Etats chapeautés par Georges W. Bush. Sa mission ? Tuer, à son retour à la vie « normale », August Brill, un vieil homme critique littéraire qui a imaginé toute cette histoire d’une guerre sans fin. On suit donc en parallèle les mésaventures fantastiques d’Owen, heureux avant que le ciel (l’écrivain) ne lui tombe sur la tête, et la vie de trois âmes endeuillées : ce veuf se rappelant sa chère Sonia, vivant avec sa fille Miriam, que son mari a quittée, et sa petite-fille, Katya, anéantie depuis la mort de son fiancé Titus en Irak.

Le plus jouissif, dans les romans de Paul Auster, c’est l’univers qu’il sait créer, ce suspens causé par les arcanes de l’écriture, par un autre personnage, double de l’écrivain lui-même, qui crée des vies, des personnages, un destin, pour d’un coup les laisser tomber sans crier gare. Mais on finit par se lasser de ce ressort romanesque, fréquemment utilisé. Et que reste-t-il alors ? Une écriture sobre et simple, mais pas du tout exceptionnelle, une mise en abime d’une histoire dans l’intrigue qui après nous avoir bien mis en haleine, finit en queue de poisson, nous laissant sur notre faim, un peu comme dans La nuit de l’oracle*** où le héros de l’écrivain se retrouvait enfermé, sans échappatoire. Ici, la solution offerte au personnage secondaire, quelle qu’elle soit, c’est la mort. Tout comme le peuple américain d’ailleurs, prisonnier de cette guerre meurtrière. Alors l’écrivain est-il un monstre ? Est-ce là le sentiment que nous livre Paul Auster ? Et à broder une histoire autour de cet autre monstre aux commandes du pays qui a engendré d’autres horreurs ? Evacuant son dégoût de la politique de Bush et l’horreur que lui inspirent ces films diffusés sur le net mettant en scène l’exécution de ses compatriotes. Le nouveau Paul Auster ? Plus engagé, certes, que tout autre. Plus allégorique aussi, fiction et réalité nous rappelant la nôtre. Mais pas au summum de son talent, il faut bien l’avouer. Le meilleur serait-il advenu ?


AUSTER, Paul. – Seul dans le noir / trad. de l’américain par Christine Le Boeuf. – Actes Sud, 2009. – 181 p.. - ISBN 978-2-7609-2887-9 : 19,50 €.
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Dans le scriptorium de Paul Auster (France, 2007)

02.02
2007

Un homme âgé, seul dans une chambre qu’il découvre truffée de mots désignant les choses qui l’entourent - bureau, mur, lit -, semble à son insu placé sous surveillance. Il ne se rappelle ni qui il est, ni ce qu’il fait là, ni ce que fut sa vie, si ce n’est des bribes de son enfance. S’approchant du bureau, il aperçoit des photographies d’hommes, de femmes et d’enfants dont il ne se souvient pas non plus, mais qui évoquent pour lui un sentiment douloureux de culpabilité. A côté un stylo et deux manuscrits dont il entame la lecture du moins épais, qui a toutes les apparences d’un rapport écrit au XIXe siècle par un détenu revenu des « vastes étendues non cartographiées des Territoires invisibles », dont « la loi dit que personne n’est autorisé à s’y rendre. » Le téléphone sonne. Un ex-policier le prévient de sa visite. Il découvre la fenêtre donnant sur l’extérieur condamnée. Il n’ose pas vérifier si la porte de sa chambre elle aussi est verrouillée. Peu après, une femme aux cheveux gris lui apporte son petit-déjeuner, l’oblige à avaler ses comprimés, l’aide à se laver et à s’habiller. Il reconnait en elle Anna, la jeune femme sur l’une des photographies, « à l’expression intense et troublée ». Elle dit être l’une des seules à lui avoir pardonné, à être de son côté… Mais qui est-il ? Qu’a-t-il fait ?

Pour peu que vous ayez résisté à l’envie de lire la critique qui suit, et aussi cette 4e de couverture sacrilège, oublié ce titre révélateur, déjà lu du Paul Auster, et que votre bibliothèque recèle l’intégrale de Marc-Antoine Mathieu, Benoit Peeters, J.L. Borges et Paul Auster, vous aurez réuni les conditions requises pour constituer le lecteur idéal de ce roman.
Sinon, courrez tout de même l’acheter : j’ai bien peur qu’il ne soit indétrônable, et qu’il soit déjà en passe de devenir LE roman à avoir lu cette année, en tout cas l’un des meilleurs de l’actualité littéraire, et l’un des meilleurs de Paul Auster, si ce n’est le meilleur.

Car dès les premières lignes, dès les premières pages, M. Auster ménage en effet son suspens et nous immerge dans un climat fantastique absurde contemporain dont le lecteur sait avec une certaine délectation que les pièces de ce puzzle vont certainement se mettre en place au fur et à mesure. Dès le début, donc, Paul Auster nous désigne un personnage qui ignore tout de lui-même et des raisons de son emprisonnement : le lecteur va donc échafauder mille hypothèses sur l’identité de ce personnage, plus ou moins vite, et plus ou moins bien selon ses propres connaissances de l’oeuvre toute entière de Paul Auster (et ce dès le premier indice de la page 33, qui a confirmé ma première hypothèse de lecture). En dehors de cette énième déclinaison du motif de l’enfermement, et ô combien géniale, et de la perte d’identité, le lecteur va aussi retrouver la mise en abime de l’histoire dans l’histoire chère à Paul Auster à deux reprises, le premier manuscrit permettant de mettre en exergue les ficelles tout à la fois de la genèse d’un bon récit et d’une critique en filigrane de l’histoire américaine, et le second manuscrit de constituer le dénouement d’un heureux « arroseur arrosé », si vous me permettez cette expression qui a l’avantage de ne pas totalement vous gâcher l’effet de surprise…

Dès le début, ce nouveau roman de Paul Auster m’a sciée : la scène d’exposition est tout simplement parfaite. Difficile de faire mieux pour donner envie au lecteur de lire la suite. Et puis, ces mots collés un peu partout pour désigner les choses par leur nom m’ont intriguée et rappelé un texte que j’ai dû faire en allemand au lycée (je vais descendre à la cave pour tenter de le retrouver). Je me perdais alors en conjonctures. Vient s’imbriquer dans l’histoire ce rapport mystérieux au parfum des Cités obscures… Vraiment, j’ai essayé de lire le plus lentement possible la première moitié de ce court roman. Et puis, et puis, Paul Auster a poursuivi une piste d’écriture et écarté les autres, ou les a peu détaillées, comme cet acte d’intervertir le nom des choses qui me paraissait digne d’être approfondi (voire philosophiquement) Je perds le fil…
Il a donc suivi forcément une seule voie, ce qui est toujours un peu frustrant, tant il ouvre au départ tout un tas de possibilités, comme à son ordinaire.
Mais son choix final tient malgré tout du génie, comme il révèle ses propres peurs de vieillir et ses questionnements. A ce propos, toutes ces préoccupations et ces moments où la vie reprend le dessus qui constituent désormais les seules joies du vieil homme sont fabuleuses, et créent une connivence immédiate entre le lecteur et ce personnage attendrissant, et derrière lui Paul Auster vieillissant, craignant peut-être un jour de voir défaillir sa mémoire, sa vessie et son vaillant M. Fier-à-bras. Il cristallise ainsi tous les discours sur l’immortalité de l’écriture et sur la mortalité de l’écrivain.

Vous l’aurez compris :
JOUISSIF, HABILE ET INTELLIGENT, ce roman ne sort plus de mon esprit depuis que j’ai dû à regret le reposer, ma lecture achevée. Quel talent ! Paul Auster est vraiment pour moi l’un des plus grands auteurs à l’heure actuelle.
J’ai déjà envie de le relire et de relire, et je vous envie de bientôt le découvrir !

146 p.

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Brooklyn Follies ** de Paul Auster (France, 2005)

29.09
2005

Nathan Glass sent ses dernières années arriver, et sa solitude lui peser : pour combler le vide de sa retraite, sur les conseils de sa fille, il s’installe à Brooklyn pour y entamer distraitement la rédaction de son Livre de la folie humaine, un bêtisier de tous les lapsus, toutes les gaffes, toutes les stupidités qu’il a pu commettre tout au long de sa vie. C’est alors que par hasard il croise son neveu, Tom Wood, qu’il croyait promis à une brillante carrière en faculté de lettres, et qu’il reconnaît à peine tant il semble s’être laissé aller, tant physiquement que professionnellement. Ce dernier va lui faire rencontrer d’autres personnages, dont il va suivre le parcours : une JMS (jeune mère sublime) délaissée par son époux, sa sœur Rory, une paumée revenue du porno et de la drogue pour épouser les moeurs d’un fanatique religieux, Lucy, la fille de cette dernière, qui s’entête à ne pas parler, Harry Brightman, bouquiniste, escroc homosexuel au grand coeur…

Un patchwork de vies américaines, qui s’interrompent, s’égarent, redémarrent, se détournent puis se retrouvent, voilà l’impression qui se dégage de la lecture de Brooklyn Follies, sans fil conducteur réellement apparent. Ces digressions constantes en constituent ainsi tant l’intérêt, que son lot de déceptions. En effet, Paul Auster nous aiguise l’appétit sur plusieurs pistes qui ne mènent qu’à des impasses, sème tout au long de son récit de brillantes trouvailles jamais abouties, l’ensemble nous laissant un léger sentiment de frustration : pourquoi ne pas poursuivre l’idée de cet hôtel « Existence », « le refuge intérieur, (…) là où on se retire lorsque le monde réel est devenu impossible », l’escroquerie de ces fausses éditions originales et de ces manuscrits inventés de toutes pièces, l’entreprise de ces biographies d’inconnus comme autant de stèles érigées en la mémoire des êtres aimés,… Pourquoi ? Si ce n’est précisément pour nous laisser soupçonner la manne d’histoires qu’il porte en lui, et dont il ne peut pour toutes dérouler le fil.

AUSTER, Paul. – Brooklyn Follies / trad. de l’américain par Catherine Le Bœuf. – Actes sud, 2005. – 363 p.. – ISBN : 2-7427-5648-5 : 23 €.
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Moon palace * de Paul Auster

21.09
2005

Marco Stanley Fogg raconte le parcours étrange de sa vie, de son arrivée enfant à New York jusqu’à la découverte de l’identité de son père, de nombreuses années plus tard. Il commence par relater une enfance solitaire d’original avec son oncle, puis sa vie d’étudiant désargenté au mobilier de carton qui finira par goûter aux aléas du sans domicile fixe avant de goûter aux lèvres de Kitty. Vient ensuite une longue période durant laquelle, pour gagner sa vie, il tient compagnie à un vieil homme au bord de la mer à la double identité d’artiste reconnu fuyant son foyer et de millionnaire estimé. Enfin, c’est en souhaitant retrouver le fils de ce dernier qu’il côtoiera un énorme homme gros de chagrin d’amour qui n’est autre que son père qu’il tuera par accident.

Un roman bien orchestré, complexe, qui m’a malgré tout laissé moins d’empreinte que Mr Vertigo et La musique du hasard.

AUSTER, Paul. – Moon palace. – Paris : Babel, 2003. – 467 p. ; 18 cm. – (Le Livre de Poche ; 14075). – ISBN 2-86869-892-1.

Relecture du 31/08/03

La musique du hasard de Paul Auster (1990)

21.09
2005

Titre original : The Music of Chance
Traduit de l’américain par Christine Le Boeuf

Jim Nashe parcourt tout le pays au volant de sa belle Saab rouge, îvre de cette liberté d’aller et venir, et de sillonner les routes. Il fend l’espace, immobile dans sa voiture et bien réel, au milieu de ce paysage fugitif qui défile à chaque instant. Il se vide la tête et les neurones.Il avait du mal à joindre les deux bouts, devant rembourser les derniers versements dûs à la pension de retraite de sa mère décédée. Alors sa femme l’a quitté, lui laissant leur petite fille qu’il a déposée chez sa soeur, en attendant. Et puis soudain, cet héritage de son père inconnu qui lui est tombé dessus, ces deux cent mille dollars comme désormais inutiles. Et le voilà qui quitte son boulot, vend sa maison, liquide son passé et prend la route. Seulement, la source avait beau être fabuleuse, au bout de plus de treize mois, elle se tarit et il lui faut songer à arrêter son périple. C’est alors qu’il prend un matin sur le bord de la route Jack Pozzi, un joueur de poker, qui lui parle d’une très bonne partie à faire avec Flower et Stone, deux milliardaires, dans leur château. Jim Nashe risque tout ce qui lui reste dans cette partie, même sa voiture, mais Jack perd. Les deux milliardaires fous leur proposent alors un marché…

Je suis heureuse d’avoir relu ce roman, l’un des premiers que j’ai pu lire de Paul Auster (était-ce Mr Vertigo ou lui ?) et je me suis rendu compte que j’en avais gardé le goût bileux, l’atmosphère oppressante et absurde d’irréalité, mais que j’en avais oublié la chute (tant mieux !). Voilà quelqu’un qui sait raconter des histoires, nous amener tout doucement là ou il veut, avec le souci minutieux du détail. Ce n’est pas tant le style qui nous plaît chez lui mais son art de raconter, d’imaginer ces récits angoissants mais vraisemblables qui poussent leurs personnages à leurs dernières limites, de nous transporter dans une logique absurde mais pourtant si logique et rationnelle en même temps ! A quelles extrémités en arrivent par hasard ses personnages, se retrouvant plus ou moins de fil en aiguille dénués de tout, de leur liberté, par un contrat qui les lie à une sorte de bagne avec un mirador zélé et presque sympathique. L’un de ses meilleurs.

« Le véritable avantage de la richesse, ce n’était pas la possibilité de satisfaire ses désirs, c’était celle de ne plus penser à l’argent. » (p.22)


Quel cruel renversement de situation par la suite, une dette de jeu conditionnant leur vie !

AUSTER, Paul.- La musique du hasard / trad. par Christine Le Boeuf. – La Librairie Générale Française. – 223 p.. – (Le Livre de Poche ; 13832). – ISBN : 2-253-13832-0.

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Le livre des illusions ** de Paul Auster (2002)

20.09
2005

Traduit de l’américain par Christine Le Boeuf

Mr Zimmer, le narrateur, vient de perdre sa femme et ses deux petits garçons dans un accident d’avion. Anéanti, il se replie sur lui-même et quitte son emploi à l’université. Il ne retrouve le sourire qu’un jour, en regardant par hasard un extrait de court – métrage muet d’un certain Hector Mann. Dès lors, il se trouve une occupation en le visionnement aux quatre coins des Etats-Unis des rares copies de ces perles du burlesque muet, puis en la rédaction d’un essai critique sur ce virtuose méconnu du cinéma muet, étrangement disparu depuis 1929, et depuis présumé mort. L’ouvrage publié, Mr Zimmer se lance dans la traduction des Mémoires d’Outre-Tombe de Chateaubriand, lorsqu’une jeune femme débarque chez lui en pleine nuit, révolver au poing, décidée à le forcer à prendre l’avion pour venir rencontrer d’urgence Hector Mann mourant…

Paul Auster excelle dans la mise en abîme. Elle se révèle triple ici autour des Mémoires d’Outre-Tombe, d’abord traduites par le narrateur, ensuite lisibles en filigrane à travers la question de la survie des films d’Hector Mann et de sa biographie qui parcourt tout le roman, ensuite par la substance-même du récit que le lecteur est en train de lire, destiné à n’être divulgué qu’après la mort du narrateur.

Le livre des illusions, c’est aussi la récurrence d’histoires tragiques, nées de personnages bercés par l’illusion de l’amour, c’est celle d’Hector Mann de 1929 à sa mort, pleine de rebondissements, celle du narrateur, rendu à la vie par un second amour qu’on lui ravit aussitôt. La mort, la suicide, l’amour, la solitude, l’inspiration, l’écriture, constituent les thèmes incontournables de Paul Auster. Pourquoi écrire, si ce n’est pour ressusciter une vie, un amour, une douleur ? Pourquoi lire si ce n’est pour se confronter aux mots, à la résonnance d’une idée que l’on fait sienne, que l’on a fait sienne ? Pourquoi aller au cinéma si ce n’est pour faire surgir cette étincelle de vie qu’est le rire ?

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