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Un acte d’amour de James Meek (2007)

16.04
2007

Titre original : People’s act of love (2005)

Au bout du monde, dans le froid de la Sibérie, en 1919, Jazyk, petite bourgade, vit sous l’occupation de militaires tchèques et les ordres de Matula, leur capitaine.  Mutz, son lieutenant, qui seul semble garder la tête froide et un fond d’humanité, entretient une liaison avec Anna Petrovna, une jeune veuve qui vit seule avec son fils, à l’écart du reste de la population qui constitue toute entière une secte religieuse, conduite par Balashov. Une nuit, le shaman de la région, que le capitaine tenait prisonnier à l’extérieur, est retrouvé mort. Arrive cette même nuit un intellectuel, Samarin, évadé d’un bagne près du cercle arctique et poursuivi par un dangereux criminel doublé d’un cannibale…

Historique, ce roman nous plonge dans les limbes méconnues d’une partie de la carte géopolitique de la révolution russe. Et pourtant, à l’instar des grands romans russes (bien que l’auteur fût Écossais), ce n’est pas tant l’Histoire qui interpelle le lecteur que ce qui mène toujours les hommes et les femmes : l’Amour. Les uns sont prêts à s’automutiler par Amour de Dieu, d’autres à franchir le tabou du cannibalisme pour sauver leur amour de jeunesse, d’autres enfin à sacrifier des vies humaines et leur propre vie pour leur patrie et rendre meilleure la vie des générations suivantes. Jusqu’à ce que réapparaisse soudain, sous son fanatisme religieux ou politique, l’individu dans un dernier sursaut d’humanité et d’amour véritable…

 

Beaucoup aimé

Il ne s’agit pas d’abandonner, dans sa première phase d’exposition, ce roman sombre et déconcertant, avant de voir peu à peu les pièces de l’échiquier se découvrir et se mettre en place, pour mettre en lumière un jeu consommé par des personnages complexes et torturés.

MEEK, James. – Un acte d’amour / trad. de l’anglais (Ecosse) par David Fauquemberg. – Métailié, 2007. – 436 p.. – (Bibliothèque écossaise). – ISBN : 978-2-86424-607-7 : 22 €.

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Vents de Carême * de Leonardo Padura (2006)

03.07
2006

Oubliant Tamara pour une pulpeuse saxophoniste rousse, Mario Conde doit retourner à son lycée pour enquêter sur l’assassinat d’une jeune enseignante, asphyxiée après avoir été battue et peut-être violée. Ce soir-là, une fête avait eu lieu chez elle, une fête avec de la musique, de l’alcool et de la marijuana…

Une fois de plus, cette enquête projette son protagoniste dans le passé, dans les amitiés naissantes, la peur de la délation et les scandales étouffés. Plaisant.

PADURA, Leonardo. – Vents de Carême / traduit de l’espagnol (Cuba) par François Gaudry. – Métailié, 2006. – 230 p.. – (Suites ; Noir ; 122). – ISBN : 2-86424-581-7 : 9,50 €.

Histoire d’une mouette et du chat qui lui apprit à voler * de Luis Sepulveda

20.09
2005

Engluée par une nappe de pétrole, une mouette vient mourir sur le balcon de Zorbas, un chat grand noir et gros dont le petit maître et sa famille sont partis deux mois en vacances. Avant de mourir, elle lui fait promettre trois choses : de ne pas manger son oeuf, de s’en occuper jusqu’à la naissance du poussin, et d’apprendre à voler à ce dernier. Zorbas promet… et aura besoin pour remplir ses promesses de tous ses amis matous, l’un restaurateur, l’autre rat de bibliothèque féru de l’encyclopédie, un dernier marin aguerri… et même d’un écrivain.


Ce petit conte jeunesse, drôle et tragique à la fois, distille au passage quelques leçons écologiques et documentaires, et une petite leçon à notre vision des choses anthropocentriste !

Un homme changé * à ** de Francine Prose (2008)

10.09
2005

Titre original : A changed man (USA, 2005)

Trad. de l’
américain par
Céline Schwaller.
Publié chez Métailié. Sortie le 14 février 2008.


Gardant en tête les leçons de La Voie du samouraï,
Vincent, un néonazi, entre, un sac de marin à l’épaule, le crâne rasé, le symbole SS sur un biceps et une tête de mort sur l’autre, dans les bureaux d’une fondation de défense des droits de l’homme, en plein Manhattan. Il vient y rencontrer son fondateur, un vieux juif survivant de l’Holocauste, Meyer Maslow, dont il a lu les livres, et lui annonce : « Je voudrais vous aider à empêcher des types comme moi de devenir des types comme moi. » (p. 28). C’est du pain béni pour la fondation qui peinait à récolter des dons pour libérer des réfugiés politiques ou sauver des enfants du génocide, et qui va être aux petits soins avec lui, en particulier Bonnie, l’assistante, qui va devoir l’héberger et expliquer à ses deux fils pourquoi un ex-néonazi couche dans leur chambre d’ami.

« Tout le monde est sûrement raciste, pense Meyer. Mais qui se soucie de ce qu’on est au fond de soi ? Ce qui compte, c’est ce qu’on fait.
- J’avoue que la colère, ça me branchait
un peu, dit Vincent. Et peut-être parce que je n’ai pas été élevé comme ça, je trouvais ça bon de laisser sortir toute cette rage. Ca aide toujours, d’avoir quelqu’un à accuser. Tout le monde le sait. »
(p. 122)

Sur les traces du film
American History X, réalisé en 1999 par Tony Kaye, ce roman a pour protagoniste un ex-néonazi, revenu sur cette haine qui l’a nourri dans les moments difficiles et qui charrie de nombreux paumés de l’Amérique profonde. Mais si le premier avait pour objectif de se sauver lui-même et son frère, le second, incarné par un Vincent Nolan lucide et intelligent, veut poursuivre sa métamorphose et s’engager totalement  aux côtés du Bien. Entier, attentif, généreux de sa personne, et désireux de bien faire, bien qu’encore sur ses gardes, Vincent Nolan devient un héros en réinventant son histoire pour qu’elle devienne ce que tous veulent entendre, manipulant ses auditeurs comme les médias, et un père de substitution fraternel pour les deux fils de l’assistante (pas toujours crédible d’ailleurs et cela donnera lieu à quelques scènes cocasses lorsqu’il est pris par l’aîné en flagrant délit du vol d’un peu de sa marijuana), qui aimerait bien l’avoir finalement dans son lit.

Adoptant tour à tour les pensées des uns et des autres, ce roman commence par celle d’un néonazi qui n’en a pas encore fini avec sa vision raciste d’autrui et s’achève sur celle d’un homme que d’aucuns pensent changé, mais qui peut encore se montrer très violent, donnant une leçon de morale à la remise des prix à l’école du fils aîné, Danny. Alors, qu’en penser ? L’auteur, elle, ne semble pas condamner ce dernier excès et achève son histoire d’amour qui se voyait à 2000 kilomètres par une happy end. Pour autant, elle n’a cessé durant tout le roman de dresser un portrait satirique des donateurs, de jeter le doute sur Meyer, qui semble rechercher aussi sa notoriété, et de discréditer totalement les médias.

Tour à tour drôle, cynique et émouvant, sans être non plus ni sur le fond ni sur la forme transcendant, c’est tout compte fait un bon roman, devenant très lisible après les premières pages, dès qu’on a compris à quel narrateur on avait affaire.

Lire aussi l’article Un homme changé : un nazi au grand coeur, excellent roman américain, posté par Myosotis le 11.02.08 sur Fluctuat.net.

PROSE, Francine. – Un homme changé / trad. de l’anglais (Etats-Unis) par Céline Schwaller. – Métailié, 2008. – 428 p.. – (Bibliothèque anglo-saxonne). – ISBN 978-2-86424-639-8 : 21 €.