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Otto, l’homme réécrit de Marc-Antoine Mathieu

08.02
2017
cop. Delcourt

cop. Delcourt

« Les hommes se trompent en ce qu’ils se croient libres ; et cette opinion consiste en cela seul qu’ils ont conscience de leurs actions et sont ignorants des causes par où ils sont déterminés. »

Baruch Spinoza, Ethique, livre II.

Ainsi s’ouvre la nouvelle bande dessinée de Marc-Antoine Mathieu, MAM pour les initiés. Et cette histoire fait véritablement la démonstration de cette citation :

L’oeuvre d’Otto, artiste à la réputation internationale, est traversée depuis vingt ans par la thématique du double. Alors qu’il propose une énième performance au musée Guggenheim de Bilbao, il brise à la fin le miroir où se reflétait son double et ressent un vide insondable, qui lui souffle la vanité de son art. Quelques jours plus tard, il hérite de ses parents décédés une maison et, à l’intérieur, d’une malle. Or cette malle renferme l’enregistrement en temps réel des sept premières années de sa vie, durant lesquelles il a fait l’objet d’une surveillance continue, lors d’une expérience scientifique avortée. Il décide alors de suspendre sa vie au présent pour relire en temps réel ses sept premières années, ces années dont sa conscience n’avait gardé que des bribes de souvenirs et qui ont inconsciemment façonné toute sa personnalité, toute sa vie…

Marc-Antoine Mathieu nous livre là une oeuvre-somme, celle de ses questionnements métaphysiques : qui suis-je ? Pourquoi ?, remettant en question toute fausse impression de libre arbitre. En même temps, il s’interroge sur le mal-être que pourrait occasionner la connaissance exacte et réelle de notre vie, adoucie par le tri sélectif que fait d’ordinaire notre conscience. Cet album à l’italienne nous plonge dans un abime métaphysique vertigineux dont il est difficile de se remettre, pour nous aussi…

Son album le plus introspectif.

 

 

Le décalage de Marc-Antoine Mathieu

15.05
2013

Le décalageLe mercredi, c’est bande dessinée !

Enfin une nouvelle histoire de Julius Corentin Acquefacques !!! On croyait la série hélas terminée depuis 2004. Que nenni ! Pour notre plus grand plaisir, voici le 6e tome depuis  L’Origine. Une fois de plus, Marc-Antoine Mathieu s’évertue à jouer avec les codes de la BD.

Dès la couverture, rien ne va plus : ce n’est pas une couverture, mais une planche, et même pas la première, mais la planche 7 ! Vous l’aurez deviné, c’est tout le scénario qui se trouve ainsi décalé, si bien qu’on débute in média des dans l’histoire de Julius Corentin Acquefacques, qui vient non pas de passer le mur du son, mais le mur du temps, et qui se retrouve directement au deuxième chapitre. Et voilà, il vient de rater le début de sa nouvelle aventure et regarde, impuissant, les personnages secondaires partir à sa recherche dans le désert du « rien » :

« Mais alors… depuis le début on marche pour… rien ? »

Comment notre héros va-t-il pouvoir regagner son espace-temps ? En déchirant des pages au milieu de l’album pour recaler le récit !

J'ai beaucoup aimé

J’ai beaucoup aimé

Dialogues truculents sur le non-sens, mise en abime de la BD dans la BD physique, ruines géantes de héros de la BD, infraction des interdits, … Marc-Antoine Mathieu se démarque encore par son intelligence et sa virtuosité à jouer avec les codes de la bande dessinée. Chacun de ses albums est une perle d’inventivité. A connaître de toute urgence.

 

Retrouvez les autres albums de Marc-Antoine Mathieu dans Carnets de SeL :

- 3 secondes (2011)

Dieu en personne (2009)

Les sous-sols du Révolu (2006)

La 2,333e dimension (2004)

Le dessin (2001)

Mémoire morte (2000)

Le début de la fin (1995)

Le Processus (1993)

BD Boum – 28e édition

30.11
2011

T

En savoir plus sur le site officiel de ce Festival de la Bande Dessinée.

3 secondes de Marc-Antoine Mathieu

12.10
2011

3 secondes, cela peut paraître extrêmement court – le bip d’un SMS reçu, la déflagration d’un coup de feu, un piéton renversé -, mais Marc-Antoine Mathieu va dilater ces trois petites secondes en soixante-douze pages fois neuf vignettes, soit 648 cases sur papier et quelques minutes sur internet pour nous raconter une énigme policière muette mettant en scène une tentative de meurtre à la suite d’un scandale dans le milieu du football.

Autant le lecteur guette un à un les indices de cette enquête qu’on lui propose, dans un ralenti graphique travaillant sur des focalisations et des réverbérations infinies, autant l’internaute se trouve happé sur le site par un vertigineux zoom graphique. Ces deux expériences de lecture originales, faisant travailler l’intelligence du lecteur reconstituant et les textes à l’envers et le fil de l’histoire et sa composition spatiale, confirment le talent de Marc-Antoine Mathieu pour amener la bande dessinée dans des voies inexplorées jusqu’alors, la mettant elle-même en exergue, émergeant d’un noir profond pour s’achever sur un blanc éblouissant. Une fois de plus, Marc-Antoine Mathieu fait preuve d’une capacité d’invention forçant l’admiration.

Les 8 premières planches ici, et tout le reste – bio, interview, forum, version numérique- chez Delcourt.

Du même auteur, chroniquées dans Carnets de SeL :

Dieu en personne ** (2009)

Les sous-sols du Révolu ** (2006)

La 2,333e dimension *** (2004)

Le dessin *** (2001)

Mémoire morte ** (2000)

Le début de la fin ** (1995)

Le Processus *** (1993)

 

3″ / un zoom ludique par Marc-Antoine Mathieu. – [Paris] : Delcourt, 2011. – non paginé [67] p. : ill., couv. ill. ; 24 cm. - EAN 9782756025957 : 14,95 €.

 

Le dessin *** de Marc-Antoine Mathieu (2001)

22.06
2011

 

cop. Delcourt

Avant d’être enthousiasmée par les cinq tomes des aventures de Julius Corentin Acquefacques (de 1991 à 2004), Mémoire morte ** (2000), Les sous-sols du révolu ** (2006) et Dieu en personne ** (2009), j’avais découvert Le Dessin de Marc-Antoine Mathieu en 2001. Je l’ai relu dernièrement, et il n’a rien perdu de son impact, croyez-moi !

En effet, avec cet album, ce n’est plus l’univers kafkaïen ni celui de Jacques Sternberg (qu’il ne connaît d’ailleurs pas) qui auraient pu l’inspirer, mais celui, davantage mystérieux et métaphysique, de Borges. Excusez du peu !

Jugez plutôt : Emile vient de perdre Edouard, son meilleur ami, peintre lui aussi, qui lui laisse une lettre et la clé d’un garde-meubles, plein d’oeuvres d’art, parmi lesquelles il choisit une petite gravure anodine, qui curieusement l’intrigue. A y regarder de plus près, à la loupe puis au microscope, Emile découvre une infinité de détails dans ce dessin qui le persuade que son ami lui a légué une énigme. Il n’a de cesse de reproduire chacun de ces détails, et d’oeuvre en oeuvre, devient célèbre. Mais le mystère reste insoluble…

Marc-Antoine Mathieu excelle là encore dans le noir et blanc, les personnages anguleux, la mise en abîme et l’effet de surprise. Mais cette fois, il met en exergue le face à face silencieux entre le peintre et le mystérieux dessin, à tel point que dans mon souvenir cette bande dessinée était sans aucune bulle. Erreur, mais du coup, l’effet voulu est atteint. Ici, pas de rencontre, pas d’aventure physique : tout est dans l’introspection et le travail de précision du dessin. Le thème qui ressort le plus de ce scénario, plus que ceux du deuil et de l’amitié, c’est celui du processus artistique, du tâtonnement, de la création : une vraie réussite !

 

Découvrez ici toutes les chroniques de ses BD dans Carnet de SeL.

MATHIEU, Marc-Antoine Mathieu. - Le dessin. –  [Paris]  : Delcourt , 2001.- 43 p.  : ill., couv. ill. en coul.  ; 32 cm. - ISBN 2-84055-785-1 : 82 F

Dieu en personne ** de Marc-Antoine Mathieu (2009)

05.12
2009

Dieu se présente un jour dans une file d’attente. Un homme somme toute banal. Après vérification de son identité qu’il est la seule à décliner,  étant évidemment sans papier, sans domicile fixe et sans numéro de sécurité sociale, il déclenche bien malgré lui, après un moment de stupeur dans le monde entier, une vague de procès : il a des comptes à rendre à l’humanité…

Au moyen d’un trait simple, en noir et blanc, Marc-Antoine Mathieu a toujours joué sur l’absurde et sur les frontières entre le réel et l’imaginaire, et ce de manière particulièrement réussie avec son personnage kafkaïen dans la série « Julius-Corentin Acquefacques ». Il imagine ici le personnage incontournable qui a le plus façonné fantasmes et imaginaire collectif à travers l’Histoire, Dieu, et le place devant le tribunal de l’humanité. Pour ce faire, il s’amuse à jongler avec tous les procédés narratifs susceptibles d’évoquer son bref passage sur Terre : médiatisé comme buzz de l’Histoire, Dieu devient ainsi tantôt le sujet d’une pièce de théâtre, d’un film, de best-sellers ou d’un message publicitaire, tantôt il fait l’objet d’une tentative d’analyse psychiatrique, sociologique, juridique, religieuse, picturale, philosophique ou encore scientifique. On ne le voit d’ailleurs jamais, si ce n’est de dos ; en revanche, on l’entend un peu, et ce qu’il révèle du bout des lèvres, c’est que la vérité nous dépasse, et qu’il lui faut disparaître pour redevenir une chimère, une invention de l’homme pour expliquer ce que ce dernier ne peut concevoir, et peut-être n’a-t-il jamais été qu’une bonne histoire, la meilleure qui soit, à l’image de cette BD, à ne pas manquer.

Vous pourrez lire les 8 premières planches du récit complet sur BD-Gest, et mes autres chroniques sur l’oeuvre de Marc-Antoine Mathieu :

- Mémoire morte **
- L’origine ***
La qu… *** (1991)
- Le processus *** (1993)

Le Début de la fin ** (1995)

La 2,333ème Dimension*** (2004)
les Sous-Sols du Révolu ** (2006)

MATHIEU, Marc-Antoine. – Dieu en personne. – Delcourt, 2009. – 122 p. : ill. n.b.. – ISBN 978-2-7560-1487-6 : 17,50 €.
Acheté en dédicace à BD’Boum de Blois.
Voir le commentaire sur l’ancien blog

Les sous-sols du Révolu ** de Marc-Antoine Mathieu (2006)

03.01
2007

Les Sous-sols du Révolu : Extraits du journal d’un expert / Marc-Antoine Mathieu

Marc-Antoine Mathieu : ce seul nom m’a décidée hier à emporter cette nouvelle BD avec moi. Ce nom ne vous dit rien ? C’est pourtant celui dont toute l’oeuvre figure dans mon palmarès 2006, grâce aux aventures aussi absurdes que fantastiques et intelligentes de son anti-héros Julius Corentin Acquefacques (lire l’anagramme de Kafka). Cette fois,l’anagramme ne porte pas seulement sur le nom du protagoniste mais sur le musée lui-même et les oeuvres qu’aperçoit Eudes le Volumeur. Ce dernier, expert de son état, est chargé de recenser les acquis anciens du Musée dans ses innombrables et sinueux sous-sols. Il y découvre les préoccupations les plus saugrenues, les métiers les plus oubliés et les secrets les mieux gardés, comme celui du sourire de la Joconde, qui nous apprend beaucoup sur le regard dans l’art : qui regarde ? Qu’y voit-on ? La mise en abime du tableau Voleur de musée y est d’ailleurs bluffante. Une vie ne suffit pas à tout inventorier et Eudes le Volumeur, comme ses prédécesseurs, poursuivra alors le rite de passage.

Cette petite BD, qui n’a pas malgré tout l’épaisseur des scénari précédents, s’inspire tout à la fois des labyrinthes borgésiens, des parcours kafkaïens et surtout de l’univers des Cités obscures de Schuiten et Peeters. Elle amène tout en finesse et subtilité le lecteur à s’interroger sur les coulisses historiques d’un musée, voire sur l’art.

MATHIEU, Marc-Antoine. - Les Sous-sols du Révolu : Extraits du journal d’un expert. -  Futuropolis - Musée du Louvre éditions, octobre 2006. - 60 p. : ill. n.b.. – ISBN : 2-75480-050-6 : 16 €.