Rachid finit par écouter son frère Nadim qui lui vante l’Eldorado de l’Europe, lorsque son patron le licencie alors que sa mère tombe malade et que sa petite fille, toujours affamée, s’affaiblit. Pour ne plus passer pour un lâche et prendre ses responsabilités, il part avec lui, mais son frère échoue déjà mort sur la terre promise. Quant à Rachid, travailleur immigré clandestin, il se retrouve traité comme un esclave dans les serres et peine à payer ses dettes au passeur, sans jamais pouvoir envoyer de l’argent à sa famille. Fuyant jusqu’à Barcelone où il espère trouver un vrai travail, il tombe de désillusions en divagations…
Triste réalité que nous raconte Les Mains Invisibles, fiction nourrie d’une solide documentation et des séjours de l’auteur finlandais en Espagne et au Maroc. Celle des raisons économiques qui peuvent pousser des hommes à quitter leur pays et leur famille dans l’espoir d’une vie meilleure, celle aussi de ces autres raisons qui font que l’Europe ferme les yeux sur le faible coût de ses denrées au prix d’un esclavage économique. Celle enfin de l’amour-propre de ces hommes qui ne veulent pas renoncer à leurs rêves ni surtout détruire les illusions de ceux qu’ils ont laissés pour rien derrière eux. Celle de ces sacrifices inutiles sur l’autel de notre opulence. Ce dénuement, ce destin oscillant entre espoir et désillusion, l’auteur le montre par une lumière tantôt matinale tantôt crépusculaire qui jette un théâtre d’ombres sur ces visages tourmentés, avant de s’achever par celle aveuglante du midi. Une lecture dont on sait d’entrée de jeu qu’elle ne nous épargnera pas.
TIETÄVÄINEN, Ville. – Les mains invisibles. – Casterman, 2015. – 217 p. : ill. en coul. ; 22*29 cm. – EAN13 : 978-2-203-08919-8 : 27 €.